Souffrance, risque de suicide, personnel en danger en raison du projet de transformation de Polytechnique en école Centrale à Toulouse

Depuis deux ans et demi, le projet de transformation de Polytechnique en école Centrale à Toulouse crée des tensions et du stress parmi le personnel. Pire encore : une expertise souligne "une souffrance effective pouvant ouvrir à des passages à l'acte." Mais le projet ne serait pas mis en pause pour autant.

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État de stress, violences verbales lors des réunions, nombre de jours d'absence des enseignants et chercheurs qui a triplé sur l'année 2023, "usure des personnels touchés par des troubles avérés"... Un cabinet d'expertise vient confirmer et relever le niveau d'alerte concernant les risques psychosociaux à l'INP Toulouse en lien avec le projet de transformation en école Centrale.

"Nous ne sommes plus au stade de risque grave mais au stade d'une souffrance effective pouvant ouvrir sur des passages à l'acte", conclut cette expertise présentée vendredi 17 mai 2024. Les représentants du personnel demandent l'arrêt du projet de transformation.

"Ça m'affole"

L'ampleur des dégâts est catastrophique. "Cela fait peur de recevoir des conclusions comme ça, on est très inquiet", réagit Raphaël Maurin, co-secrétaire général de la CGT Toulouse INP. Inquiétude concernant l'état de santé des personnels. Inquiétude également l'attitude de la présidente de l'INP qui n'accorderait guère de crédibilité à cette expertise.

"Entendre la présidente dire qu'on va continuer, moi ça m'affole, nous dit Raphaël Maurin. Parce qu'on parle de risque de suicide. Il manque une prise de conscience du danger de mort qu'il y a à l'INP et de l'impact sur les personnels.

À la suite de la présentation de ces conclusions vendredi 17 mai 2024, les représentants du personnel ont immédiatement notifié un danger grave et imminent pour faire réagir la présidence et demander l'arrêt du projet de transformation.

"Son devoir de présidente, c'est de préserver la santé des personnels. Et donc, sur un cas comme ça, c'est de supprimer le risque, estime Raphaël Maurin. C'est ce qu'on appelle de la prévention primaire. Et supprimer le risque, aujourd'hui, c'est au minimum, de mettre le projet en pause."

Dans un communiqué, la CGT Toulouse INP estime que "la présidence continue de nier l'ampleur du danger et veut poursuivre coûte que coûte la transformation profonde de l'établissement, au mépris de la santé des personnels et en bafouant toute démocratie".

Un plan d'action en cours d'élaboration

"La parole du personnel est essentielle. Aucune souffrance ne doit être, ni occultée, ni minimisée par l’établissement, affirme la présidence de l'INP en réponse à nos questions. C'est pourquoi, dès réception du rapport, je me suis tournée vers les services concernés afin qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour soutenir les personnels qui seraient confrontés à une dégradation de la santé au travail. J’ai demandé que toute personne ayant connaissance de collègues en situation de danger les fasse connaître sans attendre à la médecine du travail, pour une prise en charge immédiate."

La présidence précise toutefois avoir des doutes sur la qualité de l'étude menée, facturée plus de 80.000 euros. "Nous avons dénoncé plusieurs manquements graves, en matière d’éthique, de déontologie et de conflits d'intérêts manifestes, portant notamment sur l'intégrité et la fiabilité des données recueillies, nous est-il indiqué.

En dépit des réserves que nous inspirent les manquements de cet audit, notre détermination à prendre en compte les RPS au sein de l’INP Toulouse est totale.

Présidence de l'INP

Un plan d'action risques psychosociaux en faveur des personnels est en cours d'élaboration. Proposition a été faite aux représentants du personnel d'y travailler. "Nous sommes en attente de leur réponse", indique la présidence. 

Le projet mis en pause ?

Le projet de transformation de Polytechnique en Centrale a été lancé en décembre 2021. Depuis, plusieurs alertes ont été déclenchées sur les risques psychosociaux. En juillet 2022, le conseil d'administration de l'INP votait en faveur de l'examen du projet. Mais en mai 2023, le projet n'obtient pas la majorité des 15 votes favorables. Puis en février 2024, le vote s'inverse. À une voix de différence, le conseil d'administration de Toulouse INP s'oppose à cette transformation et à la création d'une école Centrale issue d'une des trois entités de l'établissement, l'ENSEEIHT.

"Un projet de transformation institutionnel et organisationnel de te ampleur prend du temps et évolue, tient à rappeler aujourd'hui la présidence. Les positions des différents acteurs de notre établissement ont pu varier à mesure que le projet évoluait." Le projet désormais porté par l’ENSEEIHT a fait l'objet de nombreux groupes de travail et réunions d'information. "Il serait irresponsable de ma part d’arrêter un projet d’une telle ampleur sur un coup de tête", nous déclare la présidence. "Toutefois, le rapport de l’expertise risque grave qui vient de nous être remis, exige une prise de décision rapide. La primeur de celle-ci sera bien évidemment réservée à nos personnels."

Suite du calendrier

Cette semaine, plusieurs étapes doivent être franchies. Ces 23 et 24 mai, le conseil social et d'administration ainsi que le conseil d'administration doivent statuer une nouvelle fois sur le principe de création de Centrale et le protocole de positionnement pour les personnels. Ce qui interroge les représentants CGT.

"On demande aux gens de choisir dans une incertitude absolue ce qu'ils veulent faire pour leur carrière", explique Raphaël Maurin, élu représentant des personnels au CSA. Sans que les statuts de l'établissement ne soient définis, sans offre de formation définie, sans savoir qui reste sur le site actuel ou pas.

Autre vote prévu le 28 mai 2024 : le renouvellement de l'équipe de gouvernance de l'INP sachant qu'une nouvelle présidence s'ouvrira début juillet. "On a une impression qu'ils ont envie de faire passer tout avant de partir", estime le co-secrétaire général de la CGT Toulouse INP.

"Il reviendra à la nouvelle gouvernance qui prendra ses fonctions en juillet d’imaginer, en concertation avec toutes les catégories du personnel et de la communauté étudiante, l’avenir de l’INP Toulouse. Ce débat devra être mené dans un climat apaisé, serein et constructif que mérite notre établissement. Les intérêts de l’ensemble des personnels, quel que soit leur choix de trajectoire, devront être préservés", répond l'actuelle présidence de l'INP.

En attendant, un appel à la grève pourrait bien être lancé.

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