Témoignage. "J'ai déposé plainte cinq fois" une jeune femme lance un appel désespéré contre le harcèlement de son ex mari

Publié le Mis à jour le Écrit par Christine Ravier

Amélie* a 34 ans. Elle a été mariée durant cinq ans à un homme qui, dit-elle, la battait, violait et terrorisait. Elle raconte qu'elle a réussi à le quitter, le jour où il a failli la tuer devant sa fille. Depuis 4 ans, elle se dit harcelée par cet homme. Elle a déposé plusieurs plaintes mais elle ne s'estime ni entendue ni protégée.

Amélie est âgée de 34 ans. Elle a posté en août 2023 un message désespéré sur un réseau social. Elle voulait mettre fin à ses jours. Elle raconte qu'elle a été mariée cinq ans à un homme qui la battait et la violait. "J’ai vécu des choses atroces. Le mot est léger et, du coup, le jour où il a essayé de me tuer, carrément, parce que c'était vraiment ça, j'ai réussi à me sauver à la dernière minute, appeler la police, et après, je suis retournée à Toulouse, en espérant que ça se termine"

Ce jour-là, Amélie raconte que dans leur appartement à Marseille, son mari l'a projetée au sol devant sa fille de deux ans et qu'il l'a rouée de coup à tel point qu'elle a cru mourir. Une fois qu'il a quitté l'appartement, elle dit avoir appelé son frère pour qu'il vienne les chercher, elle et sa fille, et n'a plus jamais remis les pieds à Marseille.

Insultes, poursuites dans la rue...

Il n'aurait depuis cessé de la harceler. "Il est venu à mon agence une fois cinq ou six mois après notre séparation et à partir de là, le harcèlement a commencé. Il venait, me suivait et donc harcèlement, insultes... j'ai déposé plainte cinq fois".

Mais pour l'heure aucun résultat. La situation durerait depuis quatre ans. "Il y a eu une fois où il est venu, j'étais hébergée chez mes parents dans un premier temps. Il est arrivé devant chez moi, chez mes parents, il a essayé de m'agresser, les gens passaient, mais personne n'a rien fait. J'étais avec ma petite, qui à l'époque avait deux ans, j'ai dû courir dans la résidence, fermer la porte, pour pas qu'il puisse entrer mais il a sauté par-dessus la grille". 

"Je suis rentrée dans le bâtiment, et j'ai appelé la police en courant de chez moi jusque chez mes parents, poursuit-elle. La réponse que j'ai eue, c'est "Vous êtes où ? Je suis dans l'appartement".  Ils m'ont dit : "Vous fermez la porte à clé, vous ne craignez rien, vous êtes chez vous et une fois qu'il sera parti, vous pouvez venir déposer plainte".

La peur et la honte

"Du coup, il n'y a pas eu de voiture de police, rien. Ils ne sont pas venus, donc je suis restée là, j'ai dû appeler mon frère, pour qu'il vienne. J'avais peur d'appeler aussi la famille, par rapport à ça. Là aussi, je suis allée déposer plainte".

Amélie dit qu'elle pensait être seule à vivre ça. "Les premières années, je n'en ai pas parlé parce que j'avais honte de la situation, de ce qui m'arrivait... Après, quand j'ai décidé de commencer à parler, je voulais parler, mais cette fois-ci, j'avais honte de parler parce que je n'avais pas parlé pendant trois ans. Je me suis dit, si je commence à parler maintenant, on va me dire, ça fait deux ans, ça fait trois ans, pourquoi tu n'as rien fait ? Et du coup, ça m'a pris deux ans de plus à réfléchir à cette question, au regard des autres, qu'est-ce qu'ils vont dire ?".

La jeune femme raconte que le harcèlement s'est reproduit jusqu'à ce qu'en août 2023, elle craque. Elle est alors à son travail : "J'ai fait une crise en agence, parce qu'en regardant mon téléphone, j'ai vu 28 appels en absence, numéros masqués et ça m'a pris à la gorge, parce que ça faisait quatre ans que j'étais séparée... Je n'ai plus de vie en fait. Je suis dans une prison à ciel ouvert, tout simplement. Je ne peux pas avoir de vie de couple. C'est inenvisageable parce que j'ai peur constamment qu'il m'arrive quelque chose, qu'il l'apprenne, qu'il fasse quelque chose, avec les menaces, etc.".

Un tweet  à la mer

Amélie poste un tweet. Elle est alors désespérée. Aucune nouvelle de ses plaintes, y compris avec un rapport de médecin légiste qui atteste de ses blessures. Elle demande des nouvelles au commissariat. On lui répond que le blocage vient de Marseille. "J'ai même eu, à un moment donné, un agent de Marseille qui me disait qu'il y avait tellement d'affaires de ce genre qu'ils étaient amenés à classer des affaires. Et que moi, j'avais de la chance, parce que je n'étais pas à Marseille. Il m'a surtout dit que j'avais de la chance, parce que j'étais loin de lui, et que j'étais à Toulouse, que je ne craignais rien. C'est des réponses, comment vous dire, C'est in entendable...".

Amélie dit avoir dû répondre à un questionnaire établi par un procureur qui lui demandait pourquoi, si elle avait été battue et violentée comme elle le disait pendant son mariage, pourquoi elle n'avait pas fui plus tôt. "C'était une question qui m'a vraiment touchée...".

"Tu meurs comme ça, tu sors pas d'ici !"

Amélie est née en Turquie dans une communauté kurde. Elle arrive à six ans en France, son père vient d'obtenir le statut de réfugié politique. "Avec ma famille, ce qui me retenait, c'est que j'étais dans une communauté. J'avais peur du regard des gens si je partais". En plus de cela, elle découvre que son mari est armé et qu'il n'exerce probablement pas un métier du bâtiment contrairement à ce qu'il lui fait croire. Il part en pleine nuit, se drogue.

"Le jour où j'ai vu l'arme, il a pris l'arme, me l'a mis sur la tête, et il m'a dit :"tu meurs comme ça, tu sors pas d'ici, tu es rentrée avec ta robe de mariée et tu sors en fait en blanc, tu sors pas autrement, t'as pas de possibilité, t'as pas d'échappatoire, tu restes ici, t'es condamnée à être ici en fait". 

Dès la nuit de noces...

Les violences ont débuté dès la nuit de noces raconte la jeune femme. Au début, elle explique qu'il était charmant, d'accord avec ses idées d'émancipation, de voyage, le fait de "vivre à la française". Mais lors de son voyage de noces à Malte, la jeune femme déchante soudainement. "C'était ma première relation sexuelle. Et j'avais peur. J'avais vraiment peur de comment ça allait se passer. Lui, il était dans la force, il voulait absolument que ça se passe, que ça se concrétise. Et tout simplement pourquoi ? Pour voir si je suis vierge".

"C'est horrible. Je n'en ai parlé qu'à mon psychologue. Juste après la pénétration, deux secondes après, il enlève la couette et allume la lumière pour voir s'il y a du sang. J'étais horrifiée. C'est un moment que je n'arrive pas à enlever de mon esprit. J'essaie de ne pas penser parce qu'au début, il n'a pas vu le sang. Il a commencé à se lever, à s'énerver. Mais il y a un temps, je pense pour que le sang coule et quand il a vu le sang, il était soulagé. Il voulait continuer".

"Ça a commencé par une gifle"

À plusieurs reprises, la jeune femme a dû répondre aux policiers qui lui ont demandé si elle avait subi des viols conjugaux. Aujourd'hui encore, elle a du mal à reconnaître ce qu'est un viol : "Ne pas être consentante, c'est un viol ou pas ? Est-ce qu'il y a une définition pour ça ? Le fait de ne pas vouloir mais de ne pas réagir ? Est-ce que c'est considéré comme un viol ?".

Elle dit avoir subi cet homme violent pendant cinq ans. Au début, il l'a giflée, puis plus régulièrement et les coups ont commencé à pleuvoir de plus en plus fréquemment.

"Ça a commencé par une gifle. Et j'ai dit que ce n'était pas possible, qu'on ne pouvait pas taper une personne comme ça. Moi, je n'avais jamais vécu ça de ma vie. Et je n'avais jamais vu quelqu'un taper quelqu'un chez moi, autour de moi. Là il m'a vraiment frappée. J'étais par terre et il frappait. J'ai dû courir, m'échapper de cet appartement avec les chaussures dans les bras. Et c'est une scène que je n'oublierai jamais de ma vie parce que ça ne sort pas de ma tête. Je venais de me marier avec lui".

C'est une chose inimaginable

"Ce qui est hallucinant aujourd'hui quand j'y pense, c'est que je courais mais en même temps, je me disais : il va me rattraper et me dire que c'est une erreur. Et en fait, il courrait derrière moi et en plein milieu de la rue, alors que des voitures passaient, il m'a frappée jusqu'à ce que je m'évanouisse. J'avais du sang dans le nez. Sur les lèvres. J'étais par terre. Dans cet état-là. Il m'a ramené dans l'appartement. Moi, quand je me suis réveillée et que je me suis vue dans le miroir, c'est une chose inimaginable... j'en ai la chair de poule. Il était parti à la pharmacie pour acheter des comprimés qu'on met sous la langue pour que les bleus disparaissent. Je ne savais pas que ça existait".

Avant son mariage, le père d'Amélie a négocié qu'elle finisse ses études. Elle explique qu'elle va en cours mais qu'il la surveille. Elle ne discute pas avec les étudiants de peur de subir des scènes de jalousie et les coups qui les accompagnent. "Il m'a coupée des réseaux sociaux. Il a changé mon numéro de téléphone". La jeune femme est isolée, elle n'a droit qu'à des contacts avec sa famille à qui elle n'ose pas parler.

Soupçons d'infidélité

"En sortant des cours, il m'a vue discuter avec un gars. C'était un gay. Et malgré ça, le soir même, j'ai vécu l'horreur en fait... J'ai vécu l'enfer. Je pensais que j'allais mourir ce soir-là. Il m'a dit que je m'envoyais en l'air avec lui et pas que lui. Pour lui, si j'étais arrivée en licence avec la mention assez bien, ce n'était pas par mon travail (...) Ma seule vie, c'était les études, tout simplement parce que j'avais conscience au fond de moi que c'était la seule chose qui pourrait me sauver. Lorsque j'ai validé ma licence avec mention, il m'a dit que c'était parce que je m'étais envoyée en l'air avec toute la fac".

Amélie raconte qu'elle pouvait sentir la crise survenir. Il prenait de la drogue, explique-t-elle et elle percevait son agitation, ses yeux rougis... Il prenait un prétexte, un tee-shirt repassé sur lequel subsistait un léger pli du fait de la marque de l'étendage par exemple, pour la rouer de coups.

Quatre ans après la séparation, elle estime ne pas être sortie de l'enfer. En août 2023, elle publie un post. Elle dit se sentir à bout. Elle reçoit des messages de soutien mais ne souhaite pas témoigner. Il y a un mois "le harcèlement était très présent et la personne avec qui je souhaitais m'engager dans une relation est partie. Lui non plus, il ne pouvait plus... je comprends".

Le soutien du 3919

"Et en fait je me suis rendu compte que je n'avais plus de vie. J'ai connu le père de ma fille à 21 ans.  Et je n'arrive pas à sortir de cette prison. Je n'ai pas trouvé de solution. Hier, il m'a appelée (...). J'ai bloqué son numéro. Il réussit toujours à m'appeler avec des numéros fictifs. Et hier, j'ai répondu. Au moment même où j'ai répondu, il a commencé à m'insulter".

Amélie ne peut plus. Elle a pourtant su saisir des mains tendues. Une semaine avant de quitter son mari, elle a appelé le 3919. "Parfois, on rencontre des gens dans la vie qui nous disent un mot ou deux phrases mais qui ne se rendent pas compte, qui vous sauvent je pense. J'ai eu une dame extrêmement bienveillante. Elle m'a fait promettre que je n'allais plus jamais me laisser faire, et elle m'a fait promettre que j'allais appeler la police si jamais ça arrivait à nouveau. Et aussi, elle m'a demandé de faire une main courante. Ce que j'ai fait en ligne parce que je n'étais jamais seule dehors".

Aujourd'hui, la jeune femme témoigne pour sa fille, pour rester en vie. Elle espère que cet appel à l'aide permettra de faire avancer son dossier et que toutes deux soient protégées.

*Amélie est un prénom d'emprunt

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