Avec l'effondrement d'un immeuble à Toulouse (Haute-Garonne) s'ouvre une longue période d'incertitudes pour les copropriétaires. Un habitant du centre-ville peut en témoigner. Il y a bientôt quatre ans, son immeuble a été frappé d'une interdiction d'accès. Depuis, c'est un cauchemar.
Au centre-ville de Toulouse, l'accès à l'immeuble du 5 rue Pharaon est interdit car il menace de s'effondrer. Cela va faire bientôt quatre ans que la ville de Toulouse a pris un arrêté de péril, placardé sur la porte d'entrée et que les habitants ont été évacués. Cela va faire quatre ans que les copropriétaires se sentent montrés du doigt. Quatre ans qu'ils doivent payer les charges et le maintien des structures de consolidation pour éviter l'effondrement. Julien Salat est l'un d'entre eux. Il témoigne de son exaspération.
"J'ai la beauté de l'ancien, sans les risques"
Lorsqu'il achète en 2016 un appartement au premier étage de cet immeuble qui a plus de cent ans, Julien Salat ne s'imagine pas que quatre ans plus tard, il va vivre l'enfer.
Il prend toutes les précautions au moment de l'achat : a recours un architecte pour faire quelques travaux, vérifie que tout est ok dans le dossier technique et s'assure qu'il n'y a pas de mentions alarmantes sur l'état du bâti dans les comptes rendus des dix dernières assemblées générales de copropriété. Il se dit alors "j'ai la beauté de l'ancien, sans les risques". Un an plus tard, ce Toulousain part vivre à Paris et met l'appartement en location.
Et puis, se produisent les effondrements meurtriers à Marseille. Sensibilisée, la copropriété se dote d'une assurance couvrant ce type de sinistre et vote en 2018 la réalisation d'une expertise que le syndic, nous dit Julien Salat, n'a jamais fait réaliser.
"4 ans que je paie les experts, les travaux, mon crédit"
Le 19 novembre 2020, l'immeuble est frappé d'une interdiction d'accès et d'habitation en raison d'un risque d'effondrement du plancher du rez-de-chaussée et d'un mur mitoyen avec l'immeuble de la rue Poutiroux. C'est le début du cauchemar pour les copropriétaires. "Tout le monde, les assurances, les experts, nous reprochent de ne pas avoir mis les moyens. On est montré du doigt", estime Julien Salat.
L'arrêté de la ville de Toulouse s'accompagne d'une injonction de sécurisation de l'immeuble. Tout un dispositif de maintien est installé à l'intérieur du bâtiment, à la charge des sept copropriétaires. Nous voilà en mars 2024, la situation n'a pas évolué et Julien Salat évoque un "traumatisme moral et financier".
Quatre ans que je paie pour les experts, les travaux, mon crédit, les charges de coproprio, le syndic, l'assurance sans toucher de loyer. En quatre ans, j'en ai pour plus de 120.000 euros.
Julien Salat, copropriétaire du 5 rue Pharaon
Il y a une semaine, le rapport définitif d'expertise a été rendu. Selon Julien Salat, il est question de vétusté, de manque d'entretien, de fuite d'eau... En clair, ce sont les propriétaires les responsables. Incompréhensible, pour Julien Salat.
"Notre syndic nous a usurpés"
Julien Salat ne décolère pas après le syndic de l'époque, rappelant ce vote pour la réalisation d'une expertise de l'immeuble votée en 2018 dont ils n'ont jamais vu la couleur. Le copropriétaire dit qu'il n'y avait jamais eu d'alerte particulière, que tous les travaux importants sur l'immeuble ont toujours été votés.
"Notre syndic nous a usurpés en suivi, en rigueur", dénonce vigoureusement le copropriétaire. Depuis, le syndic a rendu son mandat et un nouvel administrateur judiciaire a pris le relais.
Autre incompréhension de taille : l'assurance. Julien Salat affirme que l'immeuble est couvert par une garantie effondrement. Mais l'assurance ne veut pas couvrir les frais au motif qu'il est question d'une mise en péril, qu'il n'y a pas eu d'effondrement.
Il aurait fallu que je fasse tomber l'immeuble. C'est lunaire !
Julien Salat, copropriétaire du 5 rue Pharaon
Syndic, assurance... "On est abandonné par tout le monde", souligne Julien Salat qui ne pouvait s'imaginer englué dans une telle situation. "Je me disais qu'avec un syndic, une assurance, des travaux toujours votés, comment on peut perdre ? Ce sont eux qui doivent payer, et vite !"
À quand le bout du tunnel ?
Il aura fallu près de quatre ans pour obtenir le rapport définitif des experts. Les travaux ? Il y en aurait pour plus de deux millions et demi d'euros. "Leur recommandation ? C'est de le détruire".
Julien Salat a du mal à faire preuve d'optimisme. D’autant plus que le combat judiciaire pourrait encore prendre de cinq à quinze ans.
On nous a dit de trouver des compromis pour espérer une compensation financière de notre vivant.
Julien Salat, copropriétaire du 5 rue Pharaon
Quatre ans que cela dure. "Financièrement, c'est éprouvant. Et c'est sans fin", concède Julien Salat qui n'a qu'un vœu. Qu'une issue soit enfin trouvée. À 40 ans et avec deux enfants, les 120.000 euros de frais liés à cette menace d'effondrement, il aurait pu consacrer tout cet argent à bien d'autres choses.