Reportage. Comment éviter l'effondrement d'immeubles en centre-ville ? Prix des travaux, responsabilités, l'équation est-elle impossible ?

Un immeuble du centre-ville historique de Toulouse est interdit d'accès après l'effondrement d'un mur porteur ce mardi 5 mars 2024. Et il n'est pas le seul. D'autres bâtiments ont déjà montré des fragilités. Quelles sont les causes possibles ? Qui paye la remise en état ? Le point sur la situation.

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Un immeuble est frappé d'interdiction accès et d'habitation, rue Saint-Rome, depuis ce mardi 5 mars 2024, dans le centre-ville historique de Toulouse. L'effondrement d'un mur porteur dans ce bâtiment ancien a provoqué son évacuation et la mise en place d'un périmètre de sécurité, toujours en place ce mercredi.

"Un dispositif pour conforter la façade a été mis en place, et des travaux de consolidation vont devoir être réalisés à l'intérieur", nous précise Claire Nison, conseillère municipale en charge de la lutte contre le logement insalubre, l'habitat indigne et dégradé. Depuis l'effondrement du mur porteur, le bâtiment s'est encore plus fragilisé avec une propagation des fissures et des écroulements partiels.

"Un mur porteur ouvert il y a longtemps"

Les expertises menées depuis l'effondrement ont révélé que "le mur porteur avait été ouvert il y a très longtemps pour faire communiquer deux espaces", nous apprend Claire Nison. "Il a commencé à travailler depuis plusieurs semaines", selon les témoignages des locataires qui ont alerté leur syndic, puis la mairie.

Est-ce la cause directe de l'effondrement ? L'hypothèse n'est pas à écarter. La fragilisation d'un bâtiment implique tout un tas de questions, selon un expert en bâtiment. "Au niveau du sol, comment c'est ? Est-ce que ça bouge ou est-ce que ça ne bouge pas ? Les murs, comment ils ont été construits ? Est-ce qu'ils sont bien entretenus ? Est-ce qu'il y a des rénovations qui ont été faites et qui ont apporté des charges supplémentaires au niveau de la structure ? Et est-ce que la toiture est en bon état ? Il faut regarder tout ça pour pouvoir déterminer si les bâtiments peuvent bouger", énumère Mathieu Maillard.

Menace d'effondrement : plusieurs cas en quelques années

Au cours de ces dernières années, une dizaine d'immeubles du centre-ville de Toulouse ont souffert d'effondrement partiel et présenté une importante fragilité.

Quelles sont les causes possibles ? Concernant les sols, il faut savoir que Toulouse est construite sur une zone argileuse. Et la sécheresse "rétracte les argiles, ce qui du coup fragilise les fondations." Ce qui peut provoquer l'apparition de fissures. 

Des travaux à l'intérieur d'un bâtiment peuvent-ils créer des problèmes ? Oui, nous répond l'expert, surtout en cas de travaux "au niveau des planchers ou de la toiture qui peuvent faire porter une charge supplémentaire sur une structure qui n'a pas été dimensionnée pour."

Alors que faire pour bien réaliser des travaux dans un immeuble ancien ? "Le mieux, c'est quand même de prendre un architecte et un maître d'œuvre qui, eux, ont toutes les capacités techniques, en s'attachant avec des bureaux d'études pour calculer les travaux qui peuvent être réalisés", conseille Mathieu Maillard.

Interdiction d'accès : jusqu'à quand ?

Les occupants des bâtiments voisins du 4 rue Saint-Rome, également évacués le temps d'évaluer la dangerosité de la situation, devraient pouvoir rentrer chez eux ce jeudi 7 mars. En revanche, l'interdiction d'accéder et d'habiter l'immeuble touché par l'effondrement d'un de ses murs porteurs "n'est pas près d'être levée", déclare la conseillère municipale, Claire Nison.

Il faut dire que les travaux de consolidation menés dans l'urgence, et ceux de mise en sécurité risquent de prendre du temps.  Et ils sont à la charge du propriétaire, rappelle Claire Nison. "Le rôle de la municipalité, c'est la mise en sécurité des habitants et de la voie publique." En d'autres termes, pas question de financer la rénovation d'un bâti privé.

Qui va payer ?

Au numéro 5 de la rue Pharaon, l'arrêté d'interdiction d'accéder et d'habiter l'immeuble est toujours scotchée sur la porte d'entrée. Dans la rue Poutiroux, qui fait l'angle, les structures de maintien du bâtiment sont également toujours en place. Cela fait plus de trois ans qu'il en est ainsi.

Pas très étonnant, selon l'expert en bâtiment Mathieu Maillard. Dans ce genre de cas, les procédures peuvent être extrêmement longues pour déterminer les responsabilités. Et au final, "savoir qui paie" les travaux de mise en sécurité des lieux afin de lever l'interdiction d'accès.

Ça peut être financé par l'assurance. Il faudra déterminer les responsabilités s'il y en a. Et puis à partir de là, ils pourront déjà voir les travaux qu'il y a à exécuter et qui va les payer. Mais c'est long pour déterminer tout ça.

Mathieu Maillard, expert indépendant en bâtiment

À qui s'adresse l'injonction de travaux ? Au propriétaire ou copropriétaires qui peuvent éventuellement arriver à faire jouer les assurances. Sauf que les copropriétés sont de plus en plus confrontées à des problèmes. "Elles cumulent des difficultés, explique Emile Hagege, directeur de l'association nationale des responsables de copropriété. Impayés de charges, défauts d'entretien, marchands de sommeil... Des difficultés qui appellent les difficultés." Fragilisées financièrement, les copropriétés ne peuvent, seules, assumer le coût de tels travaux.

Que se passe-t-il dans ce cas-là ? Emile Hagege évoque une possible substitution de l'État qui peut décider de venir en aire aux copropriétaires qui "ne sont pas en capacité financière d'assurer leur cote-part des travaux". Mais l'élue de Toulouse, Claire Nison, voit mal ce dispositif s'appliquer à un immeuble comme celui de la rue Saint-Rome ou celui de la rue Pharaon."Il peut être activé pour une résidence entière comme pour cette barre d'immeuble aux balcons qui menacent de s'effondrer aux Minimes", précise l'élue toulousaine.

Sachez qu'un projet de loi sur le traitement des copropriétés dégradées, visant à accélérer et à simplifier les procédures de rénovation de l'habitat insalubre ou frappé par un arrêté de péril, est actuellement en cours d'examen. Certaines mesures pourraient s'appliquer aux copropriétés insolvables. 

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