Après avoir passé plusieurs années dans l'armée, Sarah* a fini par jeter l'éponge. Stress, humiliations, réflexions sexistes, et manque de soutien de sa hiérarchie sont autant de causes qui ont poussé cette habitante de la région Toulousaine à dire stop. Aujourd'hui elle a changé de vie, mais elle n'oublie pas, alors que sort un rapport sur la question des violences sexuelles et sexistes dans l'armée française.
Sa voix, et ses mains en tremblent encore lorsque Sarah* se remémore ses années passées au sein de l'armée française. Si la mère de famille a tourné cette page de sa vie depuis une quinzaine d'années, les souvenirs, eux, ne l'ont jamais quitté.
Rejoindre l'armée, c'était son rêve. Mais dès le départ, Sarah réalise que son genre sera un problème, dans un système très viriliste, et sexiste. "Dès le début, j'ai eu affaire à de la discrimination, du harcèlement psychologique, et physique aussi. Les années ont passé et c'est arrivé à un point qui n'était plus soutenable."
Par peur d'être reconnue par d'anciens camarades de l'armée, Sarah ne rentrera pas dans les détails de ce qu'elle a vécu durant toutes ces années de présence au sein de l'armée. Mais elle le garantit : "Tout ce que vous pouvez imaginer entendre, je l'ai entendu. Toutes les blagues machistes sur mon physique ou sur la condition des femmes, toutes les réflexions comme "t'es une femme tu n'y arriveras pas", les critiques, les regards... Il n'y a jamais eu d'attouchements, mais les mots étaient là", se remémore-t-elle.
Un bizutage aux déjections animales
Un épisode en particulier a profondément marqué Sarah. Un bizutage très violent. "C'était pendant un stage de formation. J'étais la seule femme. Et tous les autres, y compris les formateurs, s'en sont pris à moi. Ils se sont tous ligués ensemble. Je ne veux pas rentrer dans les détails, mais c'était humiliant, dégradant, et à base de déjection animale."
Le stress, la pression et la peur deviennent alors les ingrédients de son quotidien. Lorsqu'en recherche de soutien, Sarah se tourne vers sa hiérarchie, elle ne récolte que du mépris. "On m'a dit que c'était normal, que tout le monde était traité de la même façon, les hommes comme les femmes. Que tout le monde ressentait du stress. Mais c'est faux. En tant que femme, on est beaucoup plus mises sous pression à l'armée."
La démission et les regrets
Finalement, Sarah a dû mettre ses rêves de côté. "J'ai pris du recul, j'ai vu que je ne pouvais plus continuer de faire mon métier sans que ce soit dégradant." Alors elle a déposé sa démission. Aujourd'hui elle a changé de vie, mais l'armée ne l'a jamais vraiment quitté : "J'en rêve encore la nuit. Je peux vous dire que ce n'est pas agréable. Quand je repense à cette période j'ai beaucoup de regrets, parce que c'était mon rêve ce métier."
SI elle témoigne anonymement, c'est parce que quelques années après, la crainte est toujours présente. "L'armée c'est un grand milieu. J'ai peur qu'on me reconnaisse, qu'on me juge, même si je dis la vérité. A l'époque j'aurais pu porter plainte, mais je ne voulais pas mettre en péril mon avenir."
Un rapport sur le sexisme dans l'armée
Après de nombreux témoignages de ce type, le Ministre des armées Sébastien Lecornu avait lancé une mission d'inspection. Un rapport, contenant 50 recommandations pour mieux prendre en charge les victimes de violences sexuelles et sexistes au sein de l'armée a été remis mardi 11 juin au Ministre.
Le rapport soulève de nombreux dysfonctionnements, une prise à la légère de bon nombre de témoignages, et des mesures souvent en décalage avec les faits, comme "des jours d'arrêt pour un viol."
Pour Sarah, difficile d'être optimiste. Elle ne voit pas comment les recommendations de ce rapport pourraient être mises en place, dans une armée qui n'a "aucune transparence. Beaucoup de choses ne sont pas dites, alors ça va être difficile de changer les choses."
Pour tenter, quand même, de libérer la parole des femmes qui pourraient connaître ce qu'elle a traversé à l'armée, Sarah envisage de raconter son expérience dans un livre.
*prénom modifié