En septembre 2023, une adolescente portait plainte contre son coach pour harcèlement sexuel. L'homme est aujourd'hui mis en examen et l'enquête en cours. La jeune fille a accepté de nous livrer son témoignage.
Dans sa chambre chez ses parents, celle que nous appellerons Camille attend les résultats de sa première année d'étude. Elle tente de vivre comme toute jeune fille de 18 ans. Mais derrière son sourire se cachent des tourments.
Ceux d'une adolescente qui a dû faire face à des faits qu'elle qualifie de harcèlement sexuel de la part de son coach dans un sport qu'elle pratique depuis qu'elle est enfant. Un homme en qui elle avait placé toute sa confiance. Un homme qu'elle admirait et qui avait une place importante dans sa vie "trop importante", admet-elle aujourd'hui.
Des massages de la tête aux pieds
Camille a déposé plainte en septembre 2023 pour harcèlement contre lui. L'homme a depuis été mis en examen pour harcèlement sexuel et détention d'images pédopornographique. Il est pour l'heure toujours présumé innocent. L'enquête est toujours en cours. Camille ne sait pas si un procès aura lieu, si sa parole sera reconnue comme celle d'une victime. Mais elle a accepté de raconter son histoire pour alerter et dénoncer des faits qui pour elle sont inacceptables.
"C'est quelqu'un que j'admirais. Une figure paternelle. On faisait beaucoup d'activité ensemble. Quand il a commencé à s'intéresser à moi, j'étais flattée d'une certaine manière. Mais mal à l'aise. C'est une relation qui m'a fait du mal. C'était comme un papa. La relation m'était à la fois bénéfique et à la fois tellement néfaste ", se souvient la jeune fille.
À l'âge de 16 ans elle note que les regards, les propos à son encontre changent.
Quand on faisait des exercices, il était très proche physiquement et se permettait des remarques du genre : j'ai un bon plan sur tes fesses là ou bien j'aimerais mordre dans tes fesses. Il y avait aussi des remarques nombreuses, sur mon physique. Et puis sont arrivés les massages. Il me disait que c'était des massages de récuparation. Je devais m'allonger à plat ventre, sans tee-shirt ni brassière et il me massait de la tête aux pieds"
Camille
Camille raconte. Sa voix est posée, calme. Sans aigreur ni esprit de vengeance, Camille se confie. "J'ai vraiment perdu l'estime de moi-même. J'ai eu de longue période d'anorexie. Je me faisais vomir en cachette au lycée."
Le silence et la honte
Pendant deux ans, elle ne dit rien à ses proches. Subit en silence. "Et puis j'ai vu qu'il avait le même comportement avec d'autres jeunes filles du club. Et là je me suis dit qu'il fallait que j'agisse pour moi et pour les autres". Camille contacte une plateforme de signalement en ligne. Elle est écoutée. On lui fait savoir qu'il y a des nombreux éléments qui lui permettent de porter plainte si elle le souhaite. Ses parents sont alors contactés.
La mère de Camille soutient sa fille sans réserve, avec un sentiment de culpabilité qui ne la quitte pas. "Elle nous a tendu des perches avant d'en parler ouvertement. On n'a pas su l'entendre. On pense, il y a des contacts physiques dans le sport c'est normal. Et puis on était en confiance avec cet homme-là ! Il y a la honte de n'avoir rien vu. D'avoir dit à notre enfant, tu as besoin de te défouler. Va à l'entraînement ça te fera du bien. On fait, on l'envoyait dans la gueule du loup ", regrette-t-elle.
20% de signalements supplémentaires
Des témoignages comme celui-ci, Violaine Chabardès, responsable du pôle victimes de l'association Colosse aux pieds d'argile qui lutte contre toute forme de violence ou harcèlement sexuel dans le sport, en reçoit régulièrement.
"On a à peu près 20% d'augmentation entre 2022 et 2023 des signalements. L'année dernière nos deux psychologues ont entendu 993 personnes en France", précise cette ancienne gendarme spécialisée dans le suivi d'enfants victimes de violences sexuelles.
L'association Colosse aux pieds d'argile mène des missions de prévention et de formations aussi dans les clubs de sport.
"Notre rôle et de protéger les enfants pour commencer mais également les coach. Par exemple dans le milieu du rugby on explique que prendre la douche avec les jeunes licenciés, ce n'est plus possible ! On intervient aussi dans des clubs d'escalade. Il peut arriver que l'on soit obligé de maintenir un enfant en posant les mains sous ses fesses. C'est un geste qui peut être un geste de sécurité. Mais cela doit s'expliquer, et être débriefé quand cela arrive. C'est la même chose pour les parades dans la gymnastique ", met en garde Violaine Chabardès.
Garder la bonne distance
Dans tous les cas, ce qui compte à ses yeux c'est le maintien d'une certaine distance. "Le coach, n'est pas un copain. Un professeur au collège ou au lycée garde une distance avec ses élèves. La règle est la même dans le sport. Il y a des gestes techniques qui impliquent un contact physique. Mais il faut être vigilant", explique-t-elle.
Malgré toute leur bonne volonté "bénévoles, qui sont pour la plupart, des gens formidables, mais manquent de formation. C'est le cas notamment pour les tout jeunes coachs qui parfois ont 19 ou 20 ans. Et ce n'est pas les stigmatiser que de dire cela. Au contraire. Cela peut permettre de les protéger eux aussi d'accusation qui pourrait porter atteinte à leur honneur". L'association intervient d'ailleurs dans différents clubs de sport pour guider les responsables dans leur pratique.
Camille attend patiemment des nouvelles de l'enquête qui se poursuit. Le temps de l'instruction, son ancien coach a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'entraîner dans son club ou ailleurs. "Pour moi, c'est déjà une première peine sociale. Il ne peut plus entraîner et je sais combien cela était important dans sa vie. Je ne sais pas s'il y a aura un procès. Je ne sais pas si je serai reconnue comme victime", mais pour Camille, ce qui compte aujourd'hui, c'est le sentiment d'avoir peut-être protégé d'autres jeunes filles en dénonçant les faits dont elle affirme avoir été victime.