Gérer une micro entreprise et gérer une grossesse : deux défis parfois difficiles à concilier pour les femmes. Les entrepreneuses craignent parfois la perte de contrats une fois tombée enceinte. Et après un congé maternité, il faut parfois ramer pour s'en sortir.
"Dès que j'ai appris ma grossesse, je suis devenue inquiète." Sophie Franco est enceinte, depuis plusieurs mois. Elle est aussi entrepreneuse, à la tête d'une petite agence de communication à Toulouse (Haute-Garonne). Au tout début du mois de mars 2024, 3 mois après la découverte de sa grossesse, elle la dévoile sur Instagram. Une décision difficile à prendre : "Je l'aurais annoncé beaucoup plus tôt, si je n'avais eu cette crainte". La crainte de perdre des contrats. "Surtout qu'une grande partie de la communication de la boîte repose sur moi", ajoute-t-elle.
"C'était un peu l'hécatombe"
La semaine qui suit l'annonce, elle perd quatre contrats annuels, qui devaient se renouveler. Hasard de calendrier, manque de chance ou conséquence de l'annonce de sa grossesse ? "Je ne suis vraiment pas certaine qu'il y ait un lien, indique prudemment Sophie Franco. Mais sur le coup, c'était compliqué. C'était un peu l'hécatombe."
Après une réorganisation avec sa collègue, les contrats finissent par revenir comme elle l'explique sur son compte LinkedIn.
Une rémunération divisée par deux
Au-delà de la perte possible de contrats, c'est surtout la grossesse elle-même qui constitue souvent une entrave à la vie professionnelle. "On parle de la mise au placard des femmes salariées, mais pour les cheffes de petites structures ou les auto-entrepreneuses c'est aussi très compliqué, assure Sophie Franco. Lorsqu'on a monté notre société, avec mon associée, nous venions toutes les deux d'accoucher de nos premiers enfants. Nous avons vécu chacune une dépression post-partum violente, au même moment, et le quotidien était très difficile car la boîte devait tourner."
De son côté, Laura Strelezki, consultante marketing en free-lance, appuie également la complexité et les retombées d'une grossesse lorsqu’on est à son compte. Elle annonce être enceinte à la fin de l'année 2022, et pour elle, 2023 est presque "une année blanche". Pour quelques mois d'absence, elle a divisé sa rémunération par deux. "J'ai le sentiment que, pour trouver des contrats, avoir un gros ventre n'aide pas", avoue-t-elle. Et une fois l'accouchement passé, d'autres éléments viennent ralentir la dynamique de travail.
Une organisation complexe
"Une de mes clientes a accouché de son enfant prématurément et s'est retrouvée à gérer la comptabilité de son entreprise à la maternité", raconte Sophie Franco. De son côté, Laura Strelezki l'affirme : "Quand on revient de congé maternité, cela peut prendre 6 mois avant de signer un nouveau contrat. Il faut prospecter, faire savoir que l'on est revenue, attendre les décisions des clients... Pour la jeune femme, le retour au front n'a pas été simple : "Ma fille était malade une semaine sur deux, pendant des mois, et j'attrapais souvent ses virus. Je devais annuler des rendez-vous, expliquer aux clients que j'avais des contraintes. Si on n’est pas fiable, ça nous porte préjudice."
Accueillir un enfant oblige les entrepreneuses à repenser leur logistique. Sophie Franco explique que, maintenant qu'elle est enceinte, son associée devra malheureusement décaler son projet de deuxième enfant. "Nous avons revu toute l'organisation, pour que la boîte se maintienne au mieux", assure-t-elle.
Le droit au congé maternité
Pour rappel, les auto-entrepreneuses ont aujourd'hui le droit à un congé maternité, comme les salariées, pour une prise en charge par la Sécurité sociale des soins et des consultations médicales obligatoires. Pour recevoir des allocations de grossesse, elles doivent être affiliées à la Sécurité sociale des indépendants pendant au moins 10 mois sans interruption avant la date prévue de l'accouchement. Les indemnités sont calculées en fonction de la moyenne des revenus des trois dernières années.
En 2021, la FNAE (Fédération nationale des auto-entrepeneurs) a créé une Comission maternité, pour faire valoir les droits des auto-entrepreneuses. L'organisation dénonçait un revenu trop faible pour les micro-entrepreneuses en congé maternité, et affirmait : "L'entrepreneuriat au féminin est plus que jamais un parcours de combattante".