Toulouse: 14 ans après AZF, des comédiens investissent le site de l'explosion

L'ancien site de l'usine AZF a été choisi par une troupe de comédiens toulousains pour présenter leur nouveau spectacle, "Hyperland". Une déambulation nocturme sur le thème de la mémoire collective.

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"Il faut que le passé change pour que l'avenir puisse advenir",

lance un comédien en costume noir, debout dans la nuit.

Quatorze ans après l'explosion de l'usine AZF, une troupe investit le site de la catastrophe à Toulouse, avec l'espoir de lui "redonner vie" autrement.

 

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©INA
Pour deux semaines, entre chien et loup, les spectateurs sont accueillis à l'entrée du site par une poignée d'acteurs, qui leur proposent un voyage vers un pays aseptisé et vierge de toute mémoire, l'"Hyperland".

Dans une déambulation de plus d'une heure vers ce monde futuriste, le public croise des personnages du "monde ancien": une Pythie vociférante, un ouvrier halluciné, une vagabonde désespérée.

Le sujet du spectacle, qui se joue jusqu'au 26 septembre, "c'est à la fois la mémoire collective, parce que ce lieu appelle la mémoire collective. Mais c'est
aussi la mémoire individuelle", explique l'une des comédiennes, Louise Tardif.

"Il y a aujourd'hui un contraste énorme" entre "une mémoire qui aspire au tout-instantané" avec les nouvelles technologies et une société "trouée de partout par Alzheimer, la dépression, le burn-out, où la mémoire disparaît", raconte-t-elle. "C'est ce double mouvement qui est interrogé".

Les comédiens jouent debout sur des tas de terre, entre les hautes herbes ou sur des poteaux de béton, sous un ciel qui s'assombrit et que déchirent régulièrement les moteurs des avions. Quelques bâtiments discrets se dressent sur ce large espace arboré, battu par le vent.

C'est là que le 21 septembre 2001, le complexe chimique AZF, filiale de Total, a explosé, faisant 31 morts et 2.500 blessés. La déflagration, ressentie à des dizaines de kilomètres à la ronde, reste vive dans l'esprit des Toulousains, en particulier pour les 2.300 parties civiles qui attendent un troisième procès.

"Portes ouvertes" à l'interprétation 

Inspirés par cette "lande perdue au milieu de la ville", les dix acteurs ont "cambriolé" différents auteurs de théâtre contemporains comme Jean-Yves Picq et Patrick Kermann, raconte Pascal Papini, directeur du Conservatoire de théâtre, qui a accompagné 
la troupe.
Agés de 25 à 31 ans, ils ont suivi ensemble la formation "Classe Labo", organisée par le conservatoire et la structure de formation continue "Chantiers Nomades".

A l'issue de ce cursus, ils ont créé une première fois la pièce à l'automne 2014. "Surtout on ne voulait pas faire un spectacle sur AZF", prévient l'un des comédiens, Quentin Quignon. "On savait qu'on avait affaire à un lieu sensible pour plein de raisons", dit-il, précisant que l'équipe a commencé par rencontrer les associations de victimes, installées sur les lieux. "On ne voulait pas rentrer dans tout ce qui était politique autour du lieu", mais "le prendre naïvement pour ce qu'il est, un site d'une catastrophe", affirme-t-il.

Le texte, parfois drôle, laisse ainsi "des portes ouvertes" à l'interprétation des spectateurs. Comme cette tirade de l'une des "guides" aux gants blancs d'"Hyperland": "D'abord, la poussière est montée de la plaine, légère. Puis, nuage épais, brouillard entourant la ville. Et vers midi, lentement, elle est retombée, en fines particules diaphanes. Et le soir, ils étaient là, errant dans la lande, parmi les débris de ce qui fut".

Mais la pièce évoque aussi le transhumanisme, un courant de pensée défendant l'idée selon laquelle l'homme peut être amélioré à l'aide de technologies. "Dépêchez-vous de crier, bientôt on pourra plus. On fabriquera des bébés qui n'auront plus de cordes vocales", lance notamment l'un des personnages à perruque blanche.

Le consumérisme, l'environnement et le féminisme traversent parallèlement le spectacle. "Du plastique, du plastique, et du plastique. Voilà notre héritage", clame une actrice, alors que, plus tard, une autre raconte la vie de la "papesse Jeanne", parabole de la violence des hommes contre la maternité et le pouvoir féminin.

Le but est de "ramener la vie, faire un acte artistique sur ce lieu, pour le marquer autrement. Y faire autre chose, pour lui donner une autre image, une autre couleur, un autre souvenir", conclut Quentin Quignon.
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