8 ans après les attentats de Mohammed Merah, se pose la question de la prise en charge des victimes. Le 19 mars 2012, le terroriste a abattu quatre personnes dont trois enfants dans une école juive. Comment se reconstruit-on après un tel attentat ?
Le lundi 19 mars 2012, à Toulouse, peu avant 8h, le tueur au scooter Mohamed Merah fait irruption devant le grand portail vert de l'entrée, abat un enseignant, Jonathan Sandler, 30 ans, et ses deux enfants Gabriel et Arieh, âgés de 4 et 5 ans.
L'homme casqué poursuit ensuite dans la cour la petite Myriam Monsonego, 7 ans, la saisit par les cheveux et l'exécute froidement d’une balle dans la tête. Le terroriste repart après avoir grièvement blessé un élève de 3e, Bryan B. L'attaque terroriste a duré moins d'une minute.
"On est tout seul au monde par rapport à ça"
Pour la première fois en France, un attentat vient d'être commis au sein d'une école. Un séisme qui secoue tout le pays. Dans l'établissement, une cellule d'aide psychologique se met en place. Chacun essaie de se reconstruire, de vivre malgré ce traumatisme aux méandres insondables.
"Tout compte... c'est cette parole ouverte en famille avec son père, avec sa mère, avec les deux, avec chacun séparément, avec ses frères et soeurs. Elle est essentielle, explique Pierre Lasry, ancien président des parents d'élèves du collège-lycée juif Ozar Hatorah. Celle au sein de l'école avec les autres enfants, elle est primordiale. Et je pense que, au final, il faut le reconnaître, on est tout seul au monde par rapport à ça",
"L'histoire de quelqu'un d'autre"
Eva est une ancienne élève de l'école juive. A l'époque des faits, elle a 14 ans. Elle échappe de peu au tueur en scooter. Vivante, mais profondément marquée par l'attentat. "Je me rappelle qu'au début, je le racontais comme si je racontais l'histoire de quelqu'un d'autre et pas la mienne, confie-t-elle. Comme si je racontais un film".
Elle ajoute qu'elle a fait beaucoup de cauchemars les six premiers mois. "Bien sûr, j'y pense toujours. Mais de moins en moins souvent. Mais ça fait partie de moi".
Marion aussi était à l'école Ozar Hatorah le jour de l'attentat. Longtemps plongée dans le silence, elle a mis du temps à libérer sa parole. "J'ai été suivie par un psy. Mais au bout d'un an. Je ne voulais pas au début". La jeune femme confie qu'elle n'a pas pu évoquer les faits avec lui immédiatement. Il a fallu du temps, mais elle a réussi à raconter et ça l'a apaisée.
"Le refuge du silence"
D'autres élèves ont choisi le mutisme. C'est le cas de Sophia, la fille d'Eric Lebahr. "Nous sommes rentrés chez nous. Elle est montée dans sa chambre. Elle a fait une prière et, en descendant, elle m'a demandé de lui faire la promesse de ne jamais en parler entre nous. Et donc j'ai tenu ma promesse jusque-là, explique-t-il. Ce que nous avons vu est tellement difficile à formuler, que c'est le refuge du silence".
8 ans après l'attentat, tous n'ont pas réussi à se reconstruire. Certains élèves ou parents sont encore suivi par des thérapeutes. Marion a choisi d'aller de l'avant. "A la date qui approche, il y a un peu d'anxiété que ça recommence. Mais on est obligé d'avancer et je pense qu'il faut juste continuer à vivre pour montrer qu'on est beaucoup plus fort que ça et qu'il ne nous a pas anéantis".