De Toulouse à l’anti #MeToo, itinéraire d’Eugénie Bastié, essayiste conservatrice et "féministe sceptique"

PORTRAIT - Son nom ne vous dit peut-être (encore) rien. La Toulousaine est pourtant la personnalité montante de la droite des idées en France.

Jeune (elle n’a que 27 ans), longue chevelure jetée sur les épaules, voix posée, Eugénie Bastié est un des nouveaux visages de la droite des idées en France. Moins provocatrice qu’un Zemmour, plus moderne que les grands anciens, la jeune essayiste née à Toulouse pousse sa réflexion sur une voie en plein bouleversement depuis quelques années : celle du rapport entre les femmes et les hommes, de la sexualité...
 

"Je suis une féministe sceptique"

Et le moins que l’on puisse dire c’est que les prises de positions d’Eugénie Bastié sur le sujet ne sont pas iconoclastes. L’essayiste, journaliste au Figaro, rubrique FigaroVox, idées et opinions, dénonce la société de la délation et de la terreur née de la vague #metoo et #balancetonporc. Au point d’être devenue finalement une sorte de symbole non pas de l’anti-féminisme mais de ce qu'elle qualifie elle-même de "féminisme sceptique".
 

C’est un peu comme les euroseptiques, précise-t-elle en souriant. Je suis bien évidemment pour que les femmes aient plus de droits, pour que l’on lutte contre les violences faites aux femmes mais je ne me reconnais pas dans cette idéologie qui postule un affrontement hommes-femmes, alors que pour moi il y a complémentarité. Certains veulent appliquer la lutte des classes à la lutte des sexes.


Contre la déferlante Me Too et Balance ton porc

Après un premier livre qui avait déjà marqué les esprits ("Adieu mademoiselle, la défaite des femmes", éditions Le Cerf 2016), Eugénie Bastié vient de publier un deuxième opus à la rentrée 2018 qui n’est pas passé inaperçu : "Le porc émissaire" (Editions du Cerf) démonte le mécanisme de délation qui a submergé la planète à la suite de l’affaire Harvey Weinstein.
 

La déferlante « Balance ton porc » semble avoir, dans un déluge charriant bons sentiments et règlements de compte englouti toute volonté d’appréhender le réel autrement qu’au prisme du scandale. (Eugénie Bastié, extrait « Le porc émissaire »)


"Ce qui m’agace, exprime-t-elle, c’est le caractère médiatique de la chose. Je le dis dans mon livre, il faut prendre au sérieux le malaise sexuel, notamment des nouvelles générations dans les pays occidentaux, le problème du consentement aussi. Mais dans cette nouvelle société, il y a une dissociation complète entre le temps de la dénonciation et le temps de la justice. Des personnes sont jugées, lynchées, clouées au pilori avant tout jugement devant les tribunaux. Et même quand elles sont blanchies, il n’y a plus, dans notre monde cruel, de droit à l’oubli".
 

Cette phrase qu’elle regrette aujourd’hui

Une phrase a été sortie, mise en exergue par les médias à la parution de son livre en septembre dernier. Celle où elle dit une main aux fesses n’a jamais tué personne.
Selon Eugénie Bastié, cette phrase n’était pas de la provocation. Mais, interrogée aujourd’hui, elle affirme qu’elle regrette ses mots.

Si je devais refaire le livre aujourd’hui, je ne l’écrirais plus cette phrase. C’est tout ce qui a été retenu. J’ai sous-estimé les réactions qu’elle a pu susciter. Des gens ont été blessés. L’image n’était pas la bonne.


Un dérapage pendant l’attentat de Trèbes

Ce n’est pas la première fois qu’Eugénie Bastié s’excuse pour une phrase dont elle ne mesure pas la portée. Le 23 mars dernier alors que la prise d’otages par un terroriste au supermarché de Trèbes dans l’Aude n’est pas terminée, apprenant que le colonel Beltrame s’est substitué à un otage elle tweete :

Ne jugeons pas trop cet homme en héros, il a peut-être mis une main aux fesses à Saint-Cyr. (Tweet supprimé)


Un tweet qui suscite une telle polémique, notamment lorsqu’on apprend qu’Arnaud Beltrame a été exécuté par le terroriste, que son auteure le retire et poste alors des excuses sur le réseau social  

Pibrac, Toulouse, Lectoure…

Née à Toulouse de parents "plutôt de droite modérée", Eugénie Bastié garde "un souvenir très agréable" de son enfance dans le petit village près de Pibrac où elle a grandi. C’est là qu’elle a commencé à forger ses idées, à découvrir les auteurs qui vont l’influencer.

"J’ai toujours beaucoup lu. En 6ème, j’ai eu une maladie musculaire qui m’a privée de sport. J’ai remplacé les activités sportives par de la lecture".

Mais le vrai déclic s’opère dans le lycée privé catholique de Lectoure, dans le Gers, où elle termine sa scolarité, en pensionnat.

J’y ai rencontré un prof de philo qui m’a fait découvrir la philosophie, l’histoire des idées et puis des auteurs très importants pour moi : Simone Weil, Bernanos, etc. C’était une époque privilégiée pour moi, dans une petite structure. Quand je suis arrivée à Paris et que j’ai intégré Sciences-Po, ça a été un choc culturel.
 

Des limites face au progressisme

Aujourd’hui, passionnée par les questions de société, par le rapport hommes-femmes bien-sûr, ou la bioéthique, Eugénie Bastié se définit elle-même comme "une bio-conservatrice" et défend l’idée de fixer des limites à la progression de l’humain. "D’ailleurs, même sur le plan économique, je pense qu’il faut des limites. Je ne fais pas partie de cette droite libérale qui rêve d'une économie sans bornes".

"Limite", c’est d’ailleurs le nom de la revue à laquelle elle collabore en plus du Figaro. Une revue qui "promeut une écologie intégrale qui se fonde sur le sens des équilibres et le respect des limites propre à chaque chose selon son manifeste.

Son dernier livre est sorti il y a seulement quelques semains. Eugénie Bastié n’a donc pas encore de projet en cours pour un prochain essai. Mais elle aimerait "réfléchir à un court essai sur le travail de Jacques Maritain, trop méconnu".

Ce philosophe fervent catholique a terminé sa vie en 1973 dans la congrégation religieuse des Petits frères de Jésus. A Toulouse.
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