"Le gouvernement veut mettre le 115 sur écoute". C'est ce que dénoncent des associations dont le SIAO (Service intégré d'accueil et d'orientation, 115) de Toulouse, depuis que le gouvernement leur demande de lui transmettre des informations sur les demandeurs d'asile qu'elles hébergent.
Anonymat, confidentialité, inconditionnalité. Ce sont les mots d'ordre du 115. C'est à ce numéro que les personnes sans domicile peuvent demander un hébergement d'urgence. Jusqu'à présent, elles étaient acceptées quelle que soit leur situation administrative, sous réserve qu'il y ait de la place - et il n'y en a jamais assez.
Désormais, depuis le 4 juillet, les associations qui gèrent ces centres d'hébergement d'urgence doivent fournir à l'Etat des renseignements concernant les demandeurs d'asile qu'elles hébergent. A Toulouse, le SIAO (Service intégré d'accueil et d'orientation, 115) et d'autres associations s'inquiètent. Un ensemble d'associations françaises a rédigé une lettre à destination du gouvernement.
Pour Virginie Matteoni, chargée de mission à la Fédération des acteurs de la solidarité 31 :
Avoir des informations permettra au gouvernement d'identifier les personnes qu'il peut renvoyer chez elles. C'est un détournement des missions des hébergements d'urgence.
Que dit le gouvernement ?
L'instruction ministérielle a été rendue publique le 9 juillet 2019. Elle prévoit donc que tous les SIAO de France fournissent mensuellement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), la liste (les identités) des personnes demandeuses d'asile bénéficiaires d'un hébergement d'urgence.
Officiellement, ces renseignements permettraient au gouvernement de replacer ces personnes dans des centres qui leur seraient dédiés. Mais les associations ne le voient pas de cet oeil là.
Pourquoi les associations s'inquiètent ?
A Toulouse, une trentaine de personnes de différentes associations d'hébergement d'urgence se sont réunies devant le SIAO pour crier au scandale. Pour elles, l'Etat, qui possède de toute façon déjà toutes les informations concernant les demandeurs d'asile puisque leur demande est en cours, cache d'autres motivations.Selon Anne Polte, membre de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAR), le gouvernement ne pourrait de toute façon pas déplacer ces personnes dans les centres d'hébergements qui leur sont dédiés (CADA, HUDA, PRHADA etc.) puisque ces derniers sont déjà surchargés.
Si plusieurs associations toulousaines fournissent déjà des informations concernant les demandeurs d'asile qu'elles hébergent, la majorité ne souhaite pas le faire et refuse de devenir "un agent du gouvernement". C'est ce qui préoccupe Thomas Couderette du Cedis 31 (Collectif d'entraide et d'innovation sociale).
Les travailleurs sociaux veulent être des acteurs de confiance. C'est un principe fondamental. Ils ont peur d'être assimilés au ministère de l'intérieur. Ils ont peur d'être assimilés à une mesure de contrôle.
La conséquence de cet arrêté serait désastreuse au regard de Thomas Couderette : les demandeurs d'asile, en situation précaire, n'oseront plus demander au 115 un hébergement d'urgence.
Quelques chiffres
- En Occitanie, en 2015, il y avait 1,4 places en hébergement pour 1 000 personnes de 20 à 59 ans d'après un rapport du préfet de la région.
- Selon la Cimade, le dispositif d’accueil dédié aux demandeurs d'asile compterait environ 103 000 places alors que le nombre de demandeurs d’asile en cours d’instance, bénéficiant des conditions d’accueil serait de 140 939 en décembre 2018.