La néonatologie du CHU de Purpan traverse une crise inédite. Fermeture de lits cet été, personnels sous pression car non remplacés, transferts de bébés vers d'autres hôpitaux. Des problèmes qui affectent directement la qualité des soins apportés aux enfants prématurés qui y sont accueillis.
Le 7 juin, la direction du CHU Purpan a pris la décision de fermer 8 lits de soins standards sur 22 que compte le service néonatologie. Face à des congés maternité et des arrêts maladie non remplacés, elle explique avoir pris cette décision "pour garantir la sécurité" des bébés prématurés accueillis. Cette fermeture a entraîné des transferts en urgence d'enfants vers d'autres hôpitaux de la région, les séparant de leurs parents. Elle a aussi été mal vécu par le personnel soignant qui a signalé à plusieurs reprises la dégradation de leurs conditions de travail et leur malaise.
Du personnel en souffrance
Une procédure d'alerte a été déclenchée par les membres du CHSCT de l'hôpital concernant "des dysfonctionnements organisationnels: sous-effectif, surcharge de travail, absentéisme non compensé, épuisement collectif". Au mois de juillet, le comité d'hygiène est allé plus loin et a saisi le procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale pour "mise en danger de la vie d'autrui et non assistance à personne en danger". Des propos suicidaires ont été rapportés par des agents au cours d'une réunion extraordinaire.
Divergence entre direction et syndicat
La direction de l'hopital affirme que se sont seulement des lits de soins dit "standards" qui ont été fermés. Une version contestée par les syndicats. D'après la CGT de l'hopital Purpan, les 8 lits fermés chaque jours n'étaient pas fixes et il est arrivé que des lits de soins intensifs soient concernés par cette mesure. Les 4 lits de réanimation en revanche sont restés ouverts en permanence.
Respect des normes d'encadrement ?
En néonatologie, l'encadrement des bébés est normé suite à un décret du 9 octobre 1998. La loi prévoit une infirmière pour deux bébés en réanimation, une infirmière pour trois bébés en soins intensifs et une infirmière pour six bébés en soins standards. Dans la lettre au Procureur de la République de Toulouse en date du 19 juillet 2018, le CHSCT affirme que "80% du temps, il y a au moins 6 lits de réanimations". Documents à l'appui, le comité d'hygiène explique que parfois des lits de "soins intensifs" par exemple servent pour des bébés qui sont hospitalisés en réanimation.
La colère de certains parents
Pour un bébé prématuré le lien avec ses parents est vital. Peau à peau, participation aux soins... Longtemps le CHU de Purpan a été à la pointe dans ce domaine allant jusqu'à développer le NIDCAP, un programme innovant d'individualisation des soins en fonction du bébé et des parents. Un agent a été recruté pour appliquer ce programme mais faute de temps et de personnel, ses missions ont été réorientées vers le soin. Avec la fermeture des lits, les témoignages de stress et d'angoisse de la part de familles se sont multipliés : un bébé transféré vers Carcassonne puis rapatrié d'urgence vers Purpan car son état s'est détérioré durant le trajet, une maman séparée de son bébé à la naissance sans avoir pu le voir...
Le soutien de SOS préma
Dans un communiqué de presse publié le 6 juillet, l'association SOS Préma se joint à l'équipe paramédicale du service et déplore à son tour les conditions de travail présentes dans ce service. "Il est regrettable de constater une telle situation dans un établissement qui est une référence en terme de qualité de soins néonatals" écrit l'association. "Nous nous associons vivement à la voix des parents qui sont inquiets d'une prise en charge médicale et humaine qu'ils perçoivent comme de plus en plus dégradée" ajoute t-elle.
La réponse de la direction
Les 8 lits ont rouvert lundi 10 septembre et le recrutement de 12 puéricultrices pour remplacer le personnel absent a été annoncé. Ce ne sont pas des créations de postes. Les syndicats estiment qu'il manque 11 équivalents temps plein dans ce service.
Une lettre surprenante de l'Elysée
Dans un courrier en date du 29 mai, le syndicat CFDT écrit au président de la République pour "l'alerter du profond malaise qui s'étend aujourd'hui à l'ensemble du CHU de Toulouse". Le syndicat ajoute : "vous ne pouvez pas rester insensible à une telle souffrance au travail" et pose cette question "Monsieur le Président, allez vous enfin nous entendre? ". Le 27 juin, le chef du cabinet du Président de la République, François-Xavier Lauch, répond à leur courrier en apportant cette précision étonnante pour un service qui s'occupe de bébés prématurés: "Je puis vous confirmer que l'intégralité du surplus des recettes perçues par l'abaissement de la vitesse maximale de 90 à 80 km/h abondera un fonds d'investissement pour la modernisation des structures sanitaires et médico-sociales destinées à la prise en charge des accidentés de la route".