Le marathon des mots a trouvé son public. Depuis près de 15 ans ce festival de littérature a su séduire les femmes et les hommes, lecteurs ou non. En 4 jours, ce sont plus de 200 lectures, performances ou rencontres qui sont proposées à Toulouse et dans la périphérie.
Un quart d'heure avant l'heure prévue, une cinquantaine de personnes patiente déjà sur les marches de la chapelle des Carmélites.
Dans cette ravissante chapelle, méconnue de la plupart des toulousains, deux comédiens vont lire un texte. Une correspondance entre Gérard Philippe et Georges Perros.
Il est à peine 19 heures, il fait encore très chaud. Une femme tente de se rafraîchir avec un éventail. Un homme est plongé dans la lecture du journal Le Monde. Une jeune fille observe les gens autour d'elle, canette de coca à la main et un livre de poche dans l'autre main, un roman de Voltaire.
Les portes s'ouvrent enfin et les spectateurs se précipitent pour se mettre au frais et pour trouver la place idéale pour écouter. Car ils sont là pour entendre. Pour se poser et écouter quelqu'un lire un texte et pas n'importe qui. Ce sont deux comédiens qui vont prêter leur voix à deux grands hommes liés par une sincère amitié : le comédien Gérard Philippe et l'écrivain Georges Perros. Ces deux-là ce sont rencontrés en 1944 au conservatoire.
Dans la chapelle, une simple table est installée avec deux chaises et deux micros. Le public a pris place et attend. Une femme seule observe les plafonds de la chapelle (des peintures inspirées de la chapelle sixtine commencées par Jean-Pierre Rivalz au XVIIe siècle et achevées par Jean-Baptiste Despax).
Un couple discute avec une amie. Visiblement des pros du marathon du mots. Car il faut s'organiser pour cette épreuve de littérature. 4 jours pour voir et entendre une centaine d'artistes et d'écrivains. Certains essayent de ne pas en perdre une miette :
-"Après ça, nous on file au Capitole, ça t'intéresse ? dit l'homme à sa voisine.
"C'est Pessoa, un des plus grands écrivains portugais et je ne sais plus qui le lit" reprend-il.
-"Moi je veux voir Marie-Christine Barrault", répond la femme. "Je l'ai entendu l'autre jour à la radio, elle est géniale, elle a une voix très claire, une présence."
Deux hommes entrent dans la chapelle et s'installent à la table, les conversations s'arrêtent. Le public s'apprête à écouter religieusement Clément Bresson et Clément Hervieu-Léger. Ces deux-la sont comédiens. Ils vont prêter leur voix aux lettres que se sont écrites Gérard Philippe et Geroges Perros entre 1946 et 1959.
19 juin 1946, Arreau, Hautes-Pyrénées : "Mon petit Georges", commence la première lettre lue par l'un des comédiens.
Dans la chapelle, seul le léger bruit de quelques éventails vient rythmer la lecture. Le public est subjugué et se laisse porter par la voix grave et chaude de Clément Bresson. Il est Geoges Perros. On découvre dans ces lettres à Gérard Philippe, un homme à la fois diminué par la solitude mais rempli d'espoir et plein d'humour.
Avec la voix enjouée de Clément Hervieu-Léger, on devine à travers les mots de Gérard Philippe, un homme pressé, comblé par ses films et qui trouve le temps malgré tout d'écrire à son ami. Heureux de lui raconter son voyage à Rome, la basilique Saint-Pierre qu'il n'aime pas ou le goût des romains pour la couleur ocre.
Pendant cette petite heure de lecture, on est transporté. On a presque l'impression d'être là tout près, à la table de Gérard Philippe en Italie quand il écrit à son ami ou avec Georges Perros qui essuie une larme lorsqu'il écrit ce texte à propos de Gérard Philippe qui vient de mourir.
Les deux comédiens saluent simplement et se retirent. Le public est déjà debout. "C'est émouvant" dit un homme qui se dirige vers la sortie, prêt à continuer le marathon des mots. Dans une autre salle, l'attend un autre texte, un autre lecteur.