Toulouse : le professeur Louis Lareng, de la fondation du Samu à la télémédecine

A 93 ans, le fondateur du SAMU n'en finit pas d'inventer: après avoir déplacé aux forceps l'hôpital "hors les murs", Louis Lareng, le visionnaire intarissable, a initié "la médecine sans les murs" pour téléporter la santé dans les campagnes.

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La retraite? A 93 ans, Louis Lareng n'y songe pas. A l'Agence régionale de la santé (ARS) à Toulouse, où il a toujours son bureau, le professeur de médecine répète inlassablement la mission qu'il s'était fixée lorsqu'il n'était encore qu'un jeune anesthésiste-réanimateur: "l'égalité d'accès aux soins".

"Il s'agit de sauver des vies et de soigner ceux qui n'en ont pas les moyens",

explique Louis Lareng, devant une photo du Pape François. "Il faut distribuer du bien-être à tous, en tout point du territoire", insiste-t-il de son accent qui roule.

Son premier combat, celui du SAMU, ce natif des Hautes-Pyrénées l'a mené au bout, malgré les interdits et les hostilités. L'idée d'amener "le médecin au pied de l'arbre" a germé il y a cinq décennies.

"A cette époque, il y avait une proportion considérable d'accidents de la route". Chaque grande ville s'était alors dotée d'un centre de réanimation respiratoire pour les victimes de poliomyélite. Mais Toulouse est épargnée: le Pr Lareng pense à reconvertir le centre pour les accidentés de la route. Il fallait "traiter l'insuffisance respiratoire au pied de l'arbre", dit-il, "sauver le malade qui avait buté sur l'arbre, malgré l'interdiction de tous les hôpitaux français, de soigner hors les murs".

Le médecin brave l'interdit: "je couchais à la police et je partais sur l'accident dans le panier à salade". Avec le concierge de l'hôpital qui souvent l'accompagnait, "on préparait en sous-main la médicalisation de l'urgence".

A force de détermination, le Pr Lareng obtient "à titre expérimental" la mise en place d'un "secours d'urgence" à Toulouse. La circulaire qui l'autorise le 18 février 1969 évoque déjà un "service d'intérêt général" subventionné à 70% par l'Etat et coordonnant "les secours privés et publics".

Louis Lareng, également maire d'Ayzac-Ost (Hautes-Pyrénées) n'a pas dit son dernier mot: "il faut un SAMU dans tous les départements". Auprès de Simone Veil, alors ministre de la Santé, il plaide pour réorganiser partout le transport sanitaire. Il obtient du ministre des Télécommunications cloué sur son lit d'hôpital que le "15" soit dédié au SAMU.

Elu député PS en 1981, il finalise sa bataille par une loi qui soulèvera "l'hostilité du gouvernement" et des professions médicales.

Il se souvient des "ambulances brûlant place de la Concorde" face à l'Assemblée nationale, lorsqu'il tente de faire voter sa loi, qui passera finalement à l'unanimité en 1986.

Déjà cet ancien enfant de choeur, qui ne connut sa mère tuberculeuse qu'à travers une vitre jusqu'à l'âge de 2 ans, avait décidé de "donner du temps aux autres, malgré l'indididualisme régnant". Il en gardera toujours un emploi du temps de ministre, même à 93 ans.


La médecine en tout point du territoire 

L'ancien boursier de médecine, élevé par sa tante préparatrice en pharmacie à la mort de sa mère, et marié à une professeure en bactériologie, a toujours en tête de "rapprocher la santé du social".

"Vous n'allez pas vous arrêter là", lui aurait lancé le général de Gaulle. "En attendant les secours au pied de l'arbre, vous devez prévoir que chaque citoyen français puisse porter secours", lui aurait-il dit, l'incitant à créer la fédération nationale de la protection civile.

Commandeur des Palmes académiques en 1976, officier de l'ordre national du mérite en 1981 puis commandeur dans l'ordre national de la légion d'honneur en 1993, le Pr Lareng n'en a jamais fini.

Il continue d'oeuvrer à la modernisation du SAMU, qu'il veut inscrire dans le parcours de soins, en gérant mieux les capacités d'accueil pour éviter les files d'attente aux urgences.

Son dernier et toujours actuel cheval de bataille: la télémédecine, une "nouvelle pratique médicale à distance, qu'il faut inscrire au coeur de l'aménagement du territoire".

"On peut soigner à distance en amenant le conseil médical, l'expertise en des lieux où il manque de médecins" ou en remplaçant "le médecin par un robot".


"On n'en est pas encore là mais on est à faible distance", dit l'avant-gardiste qui s'attend à une lever de boucliers.

"Il faut continuer à innover. Le jour où on ne le fera plus on soignera comme à l'ancien temps".
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