Prêts suspects, voiture avec chauffeur, disparition de places de cinéma. Le Comité des oeuvres sociales de la mairie de Toulouse (Haute-Garonne) fait face à des révélations concernant sa gestion. Un "règlement de compte politique" selon son ancien président, Stéphane Piquemal.
Le Cosat, Comité des oeuvres sociales de la mairie de Toulouse (Haute-Garonne), connait à nouveau, depuis quelques mois, d'importantes turbulences. Les premiers soubresauts ont été révélés au grand jour par le syndicat autonome. Dans une vidéo publiée par son secrétaire, Benoît Fontanilles dévoile les propos tenus par Jean-Paul Bouche, conseiller municipal délégué, le 16 juin lors d'une assemblée générale du Cosat.
Dans une explication presque lunaire, l'élu municipal évoque le scandale financier, dit affaire Dit-Cadet, ayant touché le Comité dans le courant des années 90, pour parler de la situation actuelle.
Il y a des habitudes qui ont été prises en 1995, et qui n’étaient pas perdues. Il y a eu un audit en 2019 (en réalité en 2017) sur lequel il y a eu une lecture bienveillante de la Collectivité et malgré cela, la situation a perduré. (...)Bien évidemment, nous ne sommes pas dans l’ampleur de ce qu’il s’était passé au niveau des détournements qui avaient été assumés par Monsieur Dit-Cadet, en correctionnel. (…) Quand on se fait consentir un prêt de 500 000 euros (en réalité 9500 euros) pour sa fille sans avoir respecté les procédures du Conseil d’administration, vous n’allez pas me dire que c’est normal. (…) 9000 euros et remboursable sur 50 ans.
Plus de 12000 euros de places de cinéma disparues
Jean-Paul Bouche désigne nommément la trésorière du Cosat, Michèle Steckel. Le conseiller municipal souligne également que cette dernière avait "un chauffeur privé au sein de la structure, un salarié qui allait chercher Madame le matin et qui la ramenait le soir, sans frais de route, dans le cadre des horaires de travail".
Le 12 juillet, lors d'un Conseil d'administration extraordinaire, d'autres révélations sont lâchées. Une plainte a été déposée, concernant Madame Steckel et un salarié du Comité des oeuvres sociales, après la disparition de places de cinéma d'un montant de 12 285 euros et de documents internes contenant des données personnelles des adhérents du Cosat.
Stupeur et tremblements au sein du Comité, régulièrement secoué par ce type d'affaires depuis plus de 20 ans.
Un règlement de compte politique
Stéphane Piquemal (UNSA), ancien président du Cosat il y a encore quelques semaines, donne sans sourciller des explications. "Nous avons fait réaliser un audit pour les années de 2012 à 2015. Il a révélé que Madame Steckel avait en effet accordé des prêts à sa fille et à certains membres d'un syndicat sans respecter les procédures. Nous avions organisé un remboursement de ces sommes. Mais l'actuelle majorité municipale s'est saisie de ce prétexte pour me "couper la tête". J'ai payé mon soutien à Franck Biasotto aux dernières élections municipales. C'est un règlement politique."
Car dans la foulée de ces divulgations, Stéphane Piquemal est mis en minorité et débarqué de ses fonctions de président au profit d'André Falba de Force Ouvrière. "FO c'est le syndicat du maire, dénonce l'ancien directeur UNSA. Ils ont repris en main le Cosat avec la bénédiction de la municipalité. Cela a été un véritable pusch !".
L'affaire fait d'autant plus "jaser" que Michèle Steckel est à l'heure actuelle toujours administratrice du Comité des oeuvres sociales, malgré ces accusations. Sollicité par France 3 Occitanie, le nouveau président, André Falba (FO) est droit dans ses bottes. "Nous avons fait un vote de défiance du bureau contre l'ancienne équipe de M. Piquemal. Elle n'est plus membre du bureau et n'est plus trésorière. Ils ont été enlevés en tant que membres du bureau."
Silence radio à la mairie
Les raisons de ce vote ? Le règlement de compte politique ? André Falba esquive le sujet. En revanche, il évoque sans fard sa nouvelle mission : "L'ordre que j'ai eu de la mairie et de Monsieur Bouche, c'était de savoir ce qu'il en est au sein du Cosat. On fait une enquête interne, car les choses qui ont été dites (concernant Madame Steckel) sont relativement graves."
L'histoire peut paraître anodine mais avec son budget de 7 millions d'euros et ses 25.000 adhérents, le Comite des oeuvres sociales de la mairie de Toulouse est un formidable outil syndical et politique, ayant déjà connu de nombreuses dérives dans le passé.
Dans un premier temps, contactés, Jean-Paul Bouche et le service communication de la mairie se sont refusés à répondre aux journalistes. Après la parution de cet article, la municipalité a finalement apporté quelques éléments de réponse.
"Depuis son arrivée, Monsieur BOUCHE s’est uniquement assuré que soient respectés les statuts du COSAT dont il n'est pas ni le président, ni le porte-parole, assure la mairie. Ce sont les syndicats qui statutairement ont décidé d’organiser un CA extraordinaire. Les politiques n’y sont pour rien". La collectivité souligne au passage que "les élus de la collectivité n’ont pas participé au vote". Les sanctions disciplinaires à l'encontre de Mme Steckel ? Elles ont été engagées par le Cosat,"sans que Monsieur BOUCHE ne soit, d’une quelconque manière, impliqué dans la procédure". Quant aux décisions de transformer le don accordé à la fille de Michèle Steckel en prêt, elles ont "été prises par la gestion antérieure sous la présidence de Stéphane Piquemal". Enfin dernière précision du Capitole : "André Falba et Jean-Paul Bouche ont été présentés par une connaissance commune, il y a de nombreuses années, sans que cela ne fasse d'eux des proches".
Michèle Steckel "n'ayant pas de temps à perdre" a décidé de ne pas répondre. Stéphane Piquemal, lui, ne compte pas en rester là. Une requête devant le Tribunal administratif a été déposée afin d'annuler son éviction de la tête du Cosat.