Le professeur Vincent Bounes, directeur du SAMU 31, nous a accordé une interview ce vendredi, suite aux annonces d'Emmanuel Macron. Il fait le point sur la situation des urgences à Toulouse.
On vous a entendu expliquer que si l'on est jeune et qu'on présente des symptômes légers, il faut rester chez soi et ne pas appeler les urgences ? Vous pouvez préciser ?
Si on a un peu de fièvre, le nez qui coule... Bien entendu pas la peine d'aller contaminer les autres. On reste chez soi. On appelle son médecin, on prévient son employeur. Pas la peine d'aller engorger les urgences ou le SAMU.
On est en bonne santé, on est jeune, on a des symptômes modérés, on se traite avec du bon sens. Parce que le coronavirus, ne l'oublions pas, les symptômes, c'est globalement la grippe. En temps normal, on n'appelle pas le SAMU quand on a la grippe. Donc on garde ce même réflexe.
Alors il y a beaucoup de peur et d'angoisse. Mais le message quand même, c'est chez les personnes jeunes : très faible mortalité. Chez les enfants, pas de risque, d'accord, ça c'est très important ! Par contre, effectivement, grosse surveillance sur les personnes âgées, immuno-déprimées, les pathologies chroniques également. Là c'est important.
Mais vous avez 20 ans, vous êtes en pleine forme, vous avez le nez qui coule... un peu de raison. Même à 50 ans. Le risque commence vraiment à monter à partir de 70 ans. Mais l'adulte jeune, à moins de 50 ans, les risques sont très très faibles. Il n'y a pas zéro risque, mais il est très faible.
Comment s'organisent les choses pour les enfants du personnel hospitalier ? Vont-ils être pris en charge car vous avez besoin des effectifs au complet non ?
Oui, l'hôpital a déjà anticipé un certain nombre de points dont la fermeture des écoles. Et pour le coup, il y a des crèches hospitalières dont les horaires et l'amplitude horaire vont être élargis. Ce sont des crèches hospitalières c'est important de le dire, sur lesquelles on va prendre des précautions maximales pour les enfants. Mais c'est impossible de les fermer parce qu'on a besoin du personnel hospitalier. On va faire en sorte qu'il puisse travailler.On va élargir les plages d'âge pour pouvoir pendre en charge les enfants plus grands. On espère bien sûr que les salariés vont pouvoir trouver des solutions de garde intrafamiliales. Donc par exemple, s'il y a deux personnes qui travaillent dans les familles, ce sera le parent qui ne travaille pas à l'hôpital qui va rester auprès des enfants.
Qu'en est-il de l'effectif ? Est-il au complet ?
Pour l'instant tout l'effectif est là ou presque. On a peu de personnes malades et surtout, on prend toutes les précautions pour éviter les contaminations, surtout sur les secteurs d'accueil, c'est-à-dire en gros : les urgences, les réanimations, les soins intensifs et le service des maladies infectieuses. C'est là qu'on prend le maximum de précautions parce que c'est du personnel vital.On est dans un contexte très difficile avec des mois de manifestations ? Un hôpital public à bout, notamment au niveau des urgences ? Allez-vous tenir ?
Il y a une différence entre le quotidien et la crise. La grande force de l'hôpital, c'est sa capacité à se mobiliser. Les gens ne rentrent pas dans l'hopital public par hasard. Il y a une vraie capacité du secteur public à se mobiliser, à se fédérer, à adhérer à des idées. On est vraiment motivé par le bien-être du patient. On ne fait pas ça par hasard. Et quelle que soient nos revendications, il y a cette crise, on va la gérer ensemble. On verra après. Il y a ce moment d'élan. Et je vous assure qu'il est là.Quel est le message que vous avez envie de faire passer ?
Déjà un message un peu rassurant. Dites-vous que l'hôpital est très très mobilisé. Globalement, je pense que l'on est prêt au mieux de ce qu'on peut être, c'est vraiment important. On a eu le temps de se préparer, on essaie de faire le maximum.La deuxième chose, c'est : il faut raison garder. Ce n'est pas non plus la peste ou une maladie hautement contagieuse. On est sur une maladie qui est de typologie grippe. Donc il ne faut pas s'inquiéter et en particulier, ne pas trop s'inquiéter pour les enfants. Il vaut mieux s'inquiéter pour nos parents que pour nos enfants.
Troisièmement : on limite les déplacements inutiles, ça c'est clair. On continue à vivre, on continue à aimer, ça c'est vraiment important !
On fait en sorte d'adapter un petit peu sa vie au risque actuel. C'est ce qui compte surtout.
Les mesures sont-elles excessives à votre avis ?
Pas forcément car c'est une maladie nouvelle. La population n'est pas forcément immunisée. Et puis la grippe a été cette année particulièrement clémente donc il reste des personnes fragiles, qui ont passé l'hiver avec une bonne santé, il ne faudrait pas qu'elles tombent maintenant. On fait en sorte en tous cas de protéger la population. On ne peut pas nous reprocher ça.Sans dramatiser, redoutez-vous qu'il y ait un stade où vous pourriez avoir trop de gens à soigner, à l'image de ce que l'on voit en Italie ?
Oui bien sûr, on y pense. En tous cas, les hôpitaux ont vraiment beaucoup vidé les lits. Dites-vous bien que l'on a un réservoir de plusieurs milliers de lits sur Toulouse, d'accord ? Et plusieurs centaines de lits de réanimation et de soins intensifs. Donc clairement, actuellement, par rapport aux patients qu'on a, on est largement surdimensionné. Bien sûr, s'il arrivait une crise avec plusieurs milliers de patients hospitalisés... mais on n'en est pas là.On se prépare, ça fait des mois qu'on la voit arriver cette crise. Là je peux vous dire, il y a 200 lits de réanimation comme ça, en claquant des doigts donc c'est pas mal !