Toulouse : un mur d'expression à la gare Matabiau pour recueillir les sentiments des voyageurs anonymes

En transit les yeux rivés sur le tableau d’affichage, à Toulouse, les voyageurs de la gare Matabiau passent à côté de lui sans le voir. C’est un grand tableau noir qui trône dans le hall des départs sur lequel des anonymes peuvent écrire. Un mur d’expression pour laisser une trace.

C'est un grand tableau noir qui siège au milieu du hall des départs de la gare Matabiau à Toulouse. Un mur d’expression pour les voyageurs anonymes, à qui on suggère le début d’une phrase "Demain, j’aimerais…." à eux d’écrire la suite. Dans une ambiance encore masquée, sur fond d’annonces sonores des arrivées et des départs de trains, beaucoup passent à côté de lui sans même le voir.

Pourtant, quand Alexandra, une jeune femme ingénieur en transit à la gare Matabiau, s’empare de la craie pour écrire un petit bout de son histoire, elle capte immédiatement l’attention des autres voyageurs. Après elle, Giselle, Julien ou encore Pierre rédigeront à leurs tours, quelques mots, des sentiments, des envies, des revendications.

Sac de randonneuse fixé sur le dos, Alexandra écrit à la craie bleue : Demain j’aimerai "continuer à me satisfaire des petites choses!".
Comme une envie de reprendre son souffle.

"C’était deux à trois années de travail intense, explique Alexandra, c’était bien mais j’ai envie de revenir aux choses simples, aux petits plaisirs de la vie, me lever le matin et faire ce que j’ai envie de faire, réaliser mes projets".

Oui être simplement. C’est un peu compliqué, je prends cette année pour retrouver les bases, les fondations.

France Télévisions Midi-Pyrénées · Un mur d'expression à Toulouse, rencontre avec Alexandra

Julien, étudiant en BTS, n’y va pas par quatre chemins, il se saisit de la craie et écrit sans aucune hésitation :

Demain j’aimerai : "réussir mes examens". Son oral a lieu demain et Julien exprime sa préoccupation du moment : "cela a été compliqué cette année, à cause du distanciel, beaucoup de stress, je pense notamment aux étudiants en fac car elle est fermée depuis un an, ça a dû être compliqué pour eux". Un sentiment qui reflète malheureusement le malaise d’une jeunesse fortement contrainte et mise en difficulté  par la crise sanitaire.

Giselle, travaille au Crous et la phrase qu’elle pose sur le tableau noir est bien longue, elle écrit : Demain j’aimerai : "pouvoir apprécier tous les petits et grands moments de la vie en famille et avec les amis".

La gorge nouée, Giselle explique avec difficulté son sentiment d’inquiétude après la crise sanitaire que nous venons de traverser.

Se retrouver, on ne peut pas faire ce que l’on veut (…) Je trouve que ça casse quelque chose. J’ai mon père de 80 ans qui a des problèmes de santé et on n'a pas pu fêter son anniversaire car on avait peur de se retrouver ensemble. Ce n’est pas une rupture mais la vie ne sera pas pareille, le ressenti n’est pas le même, il y a une cassure.

France Télévisions Midi-Pyrénées · Un mur d'expression à Toulouse, rencontre avec Gisèle

Un mur "pour laisser une trace"

C’est une belle initiative explique Alexandra, "c’est toujours un plaisir de laisser les gens s’exprimer aujourd’hui. Laisser une trace et libérer la parole. C’est pas évident pour les gens d’écrire, de dire ce qu’ils pensent, donc là c’est quelque chose de simple, éphémère mais on peut s’autoriser à dire quelques mots. Cela peut être profond, très simple mais ça fait toujours plaisir pour les gens qui passent de voir ces messages et puis c’est inspirant, parfois il suffit de quelques mots pour redonner le sourire".

Et puis, il y a Pierre qui pose sur le tableau ses revendications : Demain j’aimerai : "me plaindre en face à face plutôt que d’écrire sur un mur". Le voyageur anonyme s’explique :

On déshumanise les gares, il n’y a plus de guichets, plus personne à l’accueil ! Par contre, vous aurez des commerces, des centres commerciaux. On se plaint que l’on n’a pas assez de services publics mais gardons au moins celui qu’on a!

Ces écrits plein de poésie et d’humanité, eux, ne resteront pas anonymes. Effacés sur le tableau en fin de journée, ces phrases ne vont pas cependant s’envoler. Elles vont être recueillies et nourriront une analyse sémantique et sociologique effectuée par Christophe Rioux, chercheur à la Sorbonne. Une étude qui sera publiée.

Le chercheur explique "de plus en plus identifiées comme des acteurs culturels à part entière, les gares ont également renforcé leur implication dans le champ sociétal au sens large. Depuis 75 ans, l’INSEE a par exemple eu l’habitude de prendre le pouls de la société française. Les gares le font à leur tour".

Placé dans une quinzaine de gare en France, ce mur d’expression s’offre aux mots et maux des anonymes, le temps d’un été.

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