"Un commerce de la peur". A l'université, la pression de la sélection pousse les étudiants en droit à se tourner vers des cours privés

En proie au stress et à la pression d'une sélection au sortir de leur licence, certains étudiants en droit se tournent vers des cours privés, dispensés en parallèle de leurs études à la fac. Une solution qui semble efficace, mais est-elle vraiment nécessaire ?

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En lettres capitales, sur son compte Twitter, l'école privée de droit de Toulouse (Haute-Garonne), Cours Prudencia, annonce la couleur : "À la différence de l'université, Cours Prudencia t'accompagne. Ne sois pas seul(e) pour affronter ta licence en droit !" 

Cours Prudencia, c'est une école privée de droit. Autrement dit, une prépa. "On a voulu créer quelque chose qui va plus loin que ce qu'on voit à la fac", explique David Lovato, avocat et co-fondateur du Cours Prudencia. Des cours en plus. Des cours, donc, pour accompagner les étudiants en parallèle de leur licence et "faire en sorte qu'ils réussissent leur année avec mention." 

"Une méthode pour compenser"

Une démarche nécessaire, selon l'avocat, car "les étudiants font face à une véritable sélection, à la fin du master. On veut qu'ils y soient préparés au mieux." David Lovato pointe du doigt les limites de l'encadrement de l'université. Il évoque des budgets réduits pour un même nombre d'heures de cours ou encore l'absence de cours de méthodologie."On a mis au point une méthode pour compenser", justifie-t-il. 

Au menu : méthodologie, cours d'anglais, de français ainsi que des conférences ponctuelles de culture générale et juridique sans compter les partiels blancs, qui constituent des entraînements supplémentaires pour les élèves. "On les accompagne également dans leurs recherches de stages", souligne David Lovato. 

L'addition : 4000 euros l'année. Sauf pour deux élèves, qui ont pu bénéficier d'un programme "égalité des chances". 

Mais le coup de pub sur les réseaux sociaux n'a pas plu à des professeurs d'université et à provoqué la polémique en plein cœur de l'été. Certains évoquant des "formules trompeuses/ source de confusion" comme dans ce thread sur X, anciennement Twitter.

Un encadrement promis par l'université 

Matthieu Poumarède, doyen de la faculté de droit de Toulouse - Capitole, conteste les arguments du fondateur du Cours Prudencia. "Nous offrons aux étudiants qui arrivent en première année un accompagnement similaire à celui des prépas privées, s’ils le souhaitent", affirme-t-il. Le dispositif "Réussir ma licence en droit" offre en effet un tutorat pédagogique, des cours de méthodologie, et un accompagnement pour les élèves en difficulté. 

Le doyen assure qu'une infime partie des étudiants s'inscrivent dans ces prépas privées, et fait le bilan : "82% de nos étudiants de licence passent en master. Chez nous, à l'Université de Toulouse-Capitole, la peur du master est une peur irraisonnée. Et ces cours privés jouent sur cette peur des étudiants". 

Le poids de la concurrence

"Un commerce de la peur", c'est aussi le constat de Marianne Blanchard, sociologue et maîtresse de conférence à l’Université Toulouse - Jean Jaurès. "Les prépas privées se nourrissent de l'angoisse des étudiants", explique-t-elle. Avec l'augmentation du nombre d'élèves, et une sélection à l'entrée du master, les cours privés apparaissent comme une solution pour certains. "Ce n'est pas que ce qui est offert à la fac ne suffit pas aux étudiants, mais c'est qu'ils veulent se distinguer des autres," explique la sociologue.

Surtout, elle souligne : "On tient un discours très individualisant. On oblige les jeunes à se projeter dans une compétition." Ce qui les amène à considérer une réorientation, une année de césure ou un temps de réflexion comme un échec. En choisissant des cours privés, ils ne seraient pas à la recherche d'un encadrement supplémentaire, mais plutôt d'une façon de répondre à l'injonction de la concurrence.

Des injonctions qui sont indépendantes de la réalité des étudiants. Car tous n'ont pas l'appui financier pour suivre une prépa privée. "Ça renforce des inégalités, car ce sont ceux qui ont les moyens de prendre ces cours privés qui réussissent mieux.", conclut Marianne Blanchard.

Pour Emmanuel Macron, l'université doit être plus efficace

Le débat est loin d'être tranché. Lors d'un entretien mené par Hugo Travers, lundi 4 septembre 2023, et diffusé sur YouTube, le chef de l'État s'est exprimé sur un grand nombre de sujets liés à l'éducation, notamment l’enseignement supérieur.

Pour Emmanuel Macron, "Les universités, avec leur budget, doivent faire beaucoup mieux et avoir le courage de dire "on ne laisse pas ouvertes des formations parce qu'on a des profs sur ces formations" et en ouvrant "des formations courtes, diplômantes et qualifiantes dans les villes périphériques." En bref : pour être "plus efficace", elles doivent faire "davantage contribuer ceux qui ont le plus de moyens." En l'occurence ceux qui peuvent se payer ces cours privés.

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