"Un cycliste nu est un cycliste vu", on vous dit pourquoi cette mobilisation naturiste à vélo est interdite à Toulouse

Le tour de France nu et à vélo, pour manifester contre l’insécurité routière du point de vue cycliste, devait passer par Toulouse (Haute-Garonne) ce samedi 12 août 2023. Trois étapes précédentes nantaises, rochelaises et bordelaises interdites par les préfectures n'avaient pas pu se tenir. Les services de l'Etat de Haute-Garonne ont donné également une réponse négative.

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Ils étaient une dizaine ce jeudi 10 août à Bordeaux et si l’étape toulousaine de ce cyclo-tour dans le plus simple appareil avait été autorisée par la Préfecture de Haute-Garonne pour ce samedi, ils auraient été autant. Mais il y avait un "mais", une incertitude depuis le début : 3 étapes sur les 11 prévues ont déjà été interdites depuis le début de cette course militante, la World Naked Bike Ride. Ce qui était déjà le cas l'an passé, où les militants naturistes n'avaient pu circuler à vélo qu'à Lyon et Dijon pour leur tour de France, et rouler sur des circuits réduits à Nancy et Toulouse.

Cet événement mondial labellisé est mis en place pour dénoncer l’insécurité routière du point de vue cycliste et est organisé en France par LMN (Le Mouvement Naturiste) depuis 2022. Ce samedi, l’étape toulousaine était censée partir de Pompertuzat, passer par Castanet-Tolosan, Auzeville, Ramonville puis revenir sur Pompertuzat boucler la boucle. Il n’en sera finalement rien. La préfecture de Haute-Garonne l'a interdite.

Nu pour la bonne cause

Le but de l’événement est de mobiliser un maximum de citoyens sensibles aux enjeux liés à la biodiversité, au climat ainsi qu’aux questions de sécurité routière du point de vue des usagers des deux-roues non motorisés sur les routes et dans les rues.

Jean-François Feunteun, organisateur de l’événement en France et président de la confédération Le Mouvement Naturiste, précise : « On constate une augmentation de plus de 30 % de la mortalité cycliste sur la route depuis 2 ans. Selon lui, le phénomène est particulièrement notoire dans les communes rurales. « Les élus locaux n’ont pas forcément pris la mesure de ce qu’il se passe concernant les difficultés des cyclistes sur la route. On voit de plus en plus de pistes cyclables en ville, mais en ruralité, la réalité est autre. C’est cette raison qui a guidé notre sélection des communes choisies pour le passage de nos vélos dans l’agglomération toulousaine ». Cette étape en milieu rural haut-garonnais était donc destinée à mettre en lumière ces questions sur ces routes particulièrement accidentogènes. 

 "Un cycliste nu est un cycliste vu"  

"On a coutume de dire qu’un cycliste nu est un cycliste vu, c’est-à-dire qu’on voit que les voitures ralentissent", partage Jean-François Feunteun. Sensibiliser la population à l’insécurité routière à vélo en tenue d’Adam et Eve s’apparenterait presque, pour ce militant naturiste de longue date, aux actions des FEMEN ou aux campagnes-choc d’Act Up pour, respectivement, défendre les droits des femmes et sensibiliser à la lutte contre le sida.

Des actions faites pour interpeller « sans plus dire choquer, car la nudité ne choque plus personne » selon lui.

Des préfectures frileuses ?

Trois arrêtés d’interdiction ont donc déjà été pris à Nantes, La Rochelle et Bordeaux pour cette édition 2023 et Jean-François Feunteun ne se faisait guère d'illusions quant à l’étape toulousaine, qu'il sentait compromise.

La Préfecture de Haute-Garonne a donc adopté la même posture que les trois autres préfectures et interdit cette quatrième étape toulousaine. « Cette course, dont les cyclistes sont invités à y participer entièrement nus, est prévue en pleines vacances estivales et, de surcroît, durant le week-end prolongé du 15 août sur une plage horaire qui favorise l'exposition du cortège au plus grand nombre, notamment les familles. En outre, dans d'autres départements où devaient se dérouler les précédentes étapes, l'organisateur a maintenu sa position de refuser que les parties sexuelles des participants soient couvertes », argumente la Préfecture dans un communiqué de presse daté de ce jeudi 10 août. 

Cette dernière fait valoir l'article 222-32 du Code Pénal considérant que « l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible au regard du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende » . Serge Jacob, secrétaire général de la Préfecture de la Haute-Garonne interdit l'événement sur la base de cet article du Code Pénal " afin de « prévenir tout trouble à l'ordre public qui pourrait survenir compte tenu de la nudité de ses participants ». Soit une prise de position déjà invoquée par d'autres préfectures pour interdire l'événement, cette année ainsi que précédemment.

Des qualifications légales qui évoluent...

Mais qui ne changent pas le fond du problème pour Jean-François Feunteun, qui, en parallèle de ses activités militantes, est également juriste. « Le législateur a souhaité, en 1994, valider le travail de la préparation de la réforme du Code Pénal en ce qui concerne ce sujet. Il a décidé d’abroger l’ancien article 330 d’outrage public à la pudeur qui était intégré dans un chapitre des mœurs disant qu’il s’agissait d’une question de morale, pour le remplacer par un nouvel article, le 222-32 dit « d’exhibition sexuelle », qui est inséré dans un chapitre qui ne concerne que les agressions de nature sexuelle. C’est d’ailleurs ce que vient de rappeler à la France la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans d’autres affaires (…) lorsqu’elle explique que le législateur n’a pas eu l’intention d’utiliser ce nouvel article pour sanctionner les atteintes à la conscience d’autrui. Or, c’est exactement ce que font, pour notre manifestation, les Préfets et les Cours de justice auprès desquelles nos référés liberté ont été déboutés, comme à Nantes et La Rochelle par exemple ».

Le Président du Mouvement Naturiste ressent ces décisions juridiques comme des « menaces » et va jusqu'à dire qu'il pense risquer la garde à vue pour les positions qu'il défend, à savoir le droit de circuler nu à vélo en ville lors de manifestations militantes. 

Choqué ce jeudi soir, il réagit : « Il n'y a plus d'exceptions en France mais uniquement de l'interdit, ce qui traduit que notre pays est en train de glisser vers un régime autoritaire et moraliste ressemblant aux temps où l'Église catholique était toute-puissante ».

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