"Un enfant qui dort dehors par 5°, ce n'est pas plus acceptable que s'il fait -5°" : le froid ne devrait pas être la seule urgence d'hébergement

À Toulouse (Haute-Garonne) environ 1800 personnes à la rue, différentes chaque mois, appellent le 115 pour espérer obtenir une place en centre d'hébergement. Les acteurs sociaux qui interviennent auprès des personnes qui sont à la rue, dénoncent un durcissement des conditions d'accès à l'hébergement et militent pour une meilleure prise en charge. Entretien avec Anne-Claire Hochedel, déléguée régionale de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).

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Dans la nuit du 30 décembre 2024, un homme de 57 ans, qui dormait dans la rue a succombé aux abords de la cathédrale Saint-Étienne à Toulouse (Haute-Garonne). Quelques jours auparavant, ce sans-abri avait été hospitalisé pour hypothermie sévère après avoir été ramassé par une maraude. 

Les températures négatives qui ont sévi fin décembre, n'ont pas donné lieu à l'ouverture de places supplémentaires d'hébergement, à Toulouse (Haute-Garonne). Les acteurs sociaux observent un durcissement de l'accès à ces places, comme nous l'explique Anne-Claire Hochedel, déléguée régionale Occitanie de la Fédération des acteurs sociaux. 


France 3 Occitanie : À votre connaissance, y a-t-il eu d'autres personnes décédées dans la rue depuis le début de l'hiver à Toulouse ? 

À ma connaissance, non. Je n'avais d'ailleurs pas eu cette information du décès de cette personne. J'imagine que si elle est décédée, c'est parce qu'elle a subi les aléas climatiques depuis plusieurs jours, plusieurs semaines. Ce que je veux dire, c'est que les personnes ne doivent pas être mises à l'abri seulement parce qu'il fait froid, mais parce qu'elles sont dehors. Le froid, comme le très chaud d'ailleurs, est une des conditions qui rendent encore plus insupportables le fait d'être à la rue. 

France 3 Occitanie : Combien de personnes sont à la rue à Toulouse ? 

Environ 1600-1800 personnes différentes chaque mois, soit entre 150 à 200 personnes chaque jour appellent le 115 pour obtenir une place d'hébergement à Toulouse. Le taux de demandes non pourvues par le 115 est estimé entre 92 à 95% et répond favorablement à environ 5 à 8% des demandes. On a donc toujours le même nombre de personnes qui appellent et quasiment le même nombre de personnes qui est contraint de rester à la rue, faute de réponses positives, parce que les places d'hébergement ne sont pas disponibles, malgré un effort conséquent.

Aujourd'hui, sans prendre en compte les places d'hôtels, l'hébergement généraliste de l'État, représente environ 3 500 places. À l'hôtel, c'est un peu moins de 2000 places mobilisées chaque soir. L'effort que fait l'État, est loin d'être neutre. Malgré tout, dans une ville comme Toulouse, on constate qu'il y a un gros écart par rapport à la demande formulée. 

France 3 Occitanie : À partir de dimanche, les températures nocturnes seront négatives. Que se passent-ils en cas de grand froid ? 

Il n'y a pas de plan hivernal cette année, on ne nous a pas encore réunis. L'un des critères, je crois, c'était qu'au bout de trois nuits avec des températures négatives d'affilée, l'État ouvre des places supplémentaires d'hébergement. Les personnes qui appellent le 115 ont donc plus de chance d'être hébergées sur ces places de grand froid qui seront fermées quand la période de grand froid sera terminée. On parle d'hommes isolés, de femmes isolées, de familles et de 500 enfants dont certains sont mineurs et scolarisés. 

France 3 Occitanie : Fin décembre, il y a justement eu des températures négatives. Il aurait dû y avoir des places supplémentaires ouvertes ?

En fait, il y aurait dû, oui. On aurait pu mobiliser des places supplémentaires puisque les organisations étaient déjà prêtes. Certainement, au regard de l'analyse que font les services de l'État, tous les critères n'étaient pas requis. De toute façon, il fait froid.

Un enfant qui passe la nuit dehors quand il fait 5 degrés, ce n'est pas beaucoup plus acceptable que quand il fait moins 5.

Anne-Claire Hochedel, déléguée régionale de la FAS Occitanie

France 3 Occitanie : Constatez-vous des conditions plus drastiques sur l'ouverture des places d'hébergement ? 

Oui, il y a un durcissement. Le territoire de la Haute-Garonne et de Toulouse a toujours été extrêmement tendu. Toulouse est une grande métropole. Ça fait très longtemps qu'on travaille sur cette tension. En revanche, on sent aujourd'hui, depuis presque un an maintenant, une volonté de réduire la tension en réduisant l'accès au parc d'hébergement. Je rappelle que l'été dernier, la préfecture a envoyé des fins de prise en charge à plus de 600 personnes hébergées jusque-là à l'hôtel. Avec pour seul critère, le fait qu'ils étaient à l'hôtel depuis longtemps. Ça, c'est quand même une chose importante. Beaucoup de ces familles ont eu gain de cause par la suite et ont pu réintégrer leurs droits et leurs places d'hôtel. C'était assez nouveau à Toulouse. 

France 3 Occitanie. Y a-t-il des critères officiels de priorité pour la prise en charge des personnes à la rue ? 

Aujourd'hui, sur Toulouse, il n'y a pas de critère particulier, prioritaire, officiel qui induit une prise en charge. Une jeune maman qui vient d'accoucher, qui sort de maternité, ou qui en est à son huitième mois de grossesse n'est plus un critère de priorité, comme c'était le cas jusqu'à l'année dernière. Quel sens ça a pour le personnel soignant de se dire, finalement, je garde au maximum la maman et son bébé et puis au bout d'une semaine, au plus, s'il tire au maximum la prise en charge, de savoir que cette maman et son bébé repartiraient à la rue.

C'est une dégradation, c'est-à-dire qu'on prend en compte des critères de vulnérabilité, liés à des températures hivernales, mais en fait, qui n'ont pas beaucoup de sens, tellement on laisse de famille à la rue.

Anne-Claire Hochedel, déléguée régionale à la FAS Occitanie

France 3 Occitanie : Pouvez-vous l'expliquer ? 

Aujourd'hui, parce qu'on est en période hivernale, il y a une possibilité pour le SIAO qui gère le 115 de prendre en charge deux nouvelles familles par semaine. Parmi elles, vous allez avoir des mamans qui sortent de maternité, des femmes sur le point d'accoucher, des familles, dont certains membres ont des problématiques de santé, etc. On n'est même plus sur des critères d'évacuation. C'est quelque chose qui est très difficile à vivre pour ceux qui sont à la rue, mais aussi pour les professionnels au bout du téléphone qui se disent à qui on va attribuer les places cette semaine ? 


France 3 Occitanie : Que faudrait-il faire pour améliorer la situation ? 

Prendre nos responsabilités face à la crise du logement, parce qu'aujourd'hui, on a une vraie crise du logement et ce n'est pas près de s'améliorer. Donc si on ne peut pas permettre l'accès au logement des personnes, c'est, à un moment donné, forcément, il y en a plein qui vont rester à la rue dans des situations tout à fait inadaptées. On a un manque de logement, notamment dans les grandes métropoles. Il faut vraiment le prendre en considération pour pouvoir construire du logement, construire du logement adapté, adapté en taille, aussi adapté en loyer, pour éviter que les gens, qu'à la fin, restent à la rue. Il y a tout un travail d'accompagnement à mener pour éviter les expulsions, les dégradations de situations. Et puis, trouver des solutions à long terme. Il faut pouvoir répondre en urgence aux personnes, parce qu'elles sont en urgence. Car le sans-abrisme n'est pas un problème conjoncturel, mais bien structurel.

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