"Un validisme judiciaire !" : La Cour de cassation maintient la condamnation des militants en situation de handicap pour avoir bloqué l'aéroport et la gare

La Cour de cassation rejette le pourvoi des militants handicapés qui avaient bloqué la gare et l'aéroport de Toulouse en 2018 pour dénoncer le manque d'accessibilité. Menés par Odile Maurin, ils voient leurs condamnations à des amendes de 750€ chacun confirmées, après des peines de prison avec sursis en première instance.

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Le visage et les actions d'Odile Maurin parlent à tous les Toulousains. Militante des Gilets jaunes, de l'écologie et du handicap en général, Odile Maurin se bat sur tous les fronts avec son fauteuil roulant. Pour dénoncer la non-accessibilité des lieux publics, elle bloque avec plusieurs militants la gare Matabiau puis les pistes de l'aéroport Toulouse-Blagnac en 2018. Condamnés par la justice, les militants(es) s'étaient pourvus en cassation.

La cour de cassation confirme les peines

La cour de cassation confirme les peines et rejette le pourvoi des militants. "La décision n’est pas favorable car c’est un rejet de la cour de cassation, reconnaît leur avocat Me Michaël Ghnassia. Son appréciation n’est pas favorable mais la Cour européenne des droits de l'homme peut avoir un autre avis. On veut obtenir une relaxe car ces actions ne doivent pas être condamnées. Ces militants sont gênés quotidiennement, subissent tous les jours des entraves. Ici, il n’y a eu qu’une gêne très relative des passagers des trains ou des avions avec des retards de moins d’une heure. Je rappelle que ce sont des condamnations pénales avec mention au casier judiciaire."

Avril 2018, la Loi Elan remet en question l’obligation du "100% de logements accessibles". Commencent alors des actions de protestation lancées par des militants handicapés qui demandaient que leurs droits à l’accessibilité soient respectés.

Automne 2018, le mouvement prend de l'ampleur avec des actions plus spectaculaires mais non-violentes comme le blocage de la gare Matabiau ou des pistes de l'aéroport de Toulouse Blagnac. Les militants se voient condamnés à des peines de prison avec sursis en 2021 puis à des peines d'amendes avec sursis devant la cour d'appel de Toulouse sauf pour la présidente Odile Maurin.

Des procès médiatiques où l'on pouvait noter que le tribunal correctionnel de Toulouse avait une accessibilité défaillante, et de nombreuses absences d'aménagements pour compenser les handicaps des prévenus. 

Avec leurs avocats, ils ont ensuite plaidé la relaxe devant la cour de cassation.

Signe plutôt positif, l’avocat général de la chambre criminelle de la Cour de cassation recommandait dans ses conclusions du 6 mai 2024 de faire évoluer la jurisprudence pour des peines plus proportionnelles en cas de désobéissance civile non-violente.

Victoire tout de même pour les militants

Dans un communiqué, l'association Handi-social se félicite tout de même d'une évolution de la jurisprudence. "La Cour de cassation a reconnu que les actions menées par les militantEs handicapéEs se sont inscrites dans le cadre de manifestations pacifiques portant sur un sujet d’intérêt général qui peuvent être considérées comme une expression au sens de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a néanmoins décidé que si les manifestations se sont déroulées sans actes de violence ou dégradations, les condamnations et les peines d’amende en totalité ou en partie assorties du sursis n’étaient pas disproportionnées".

Une avancée qui permettra à ces militants d'une cause d'intérêt général menant des actions non-violentes de bénéficier d’un droit plus protecteur qui s’inspire de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La condamnation est donc confirmée mais la cour de cassation reconnaît que dans ces circonstances, la jurisprudence doit être proportionnelle. 

L'affaire devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme

Une belle avancée selon l'avocat des militants. "Pour ces actions militantes non violentes, auparavant elle refusait de faire un contrôle complet de ce que l‘on appelle la proportionnalité de l’opération. Elle laissait au juge du fonds apprécier de savoir si les prévenus devaient être ou non condamnés. Aujourd’hui, par cette décision, elle considère qu’elle peut effectuer elle-même ce contrôle. Elle estime que l’action des militants d’Handi-social était justifiée, légitime. Elle considère que les lieux de l’action (la gare et l'aéroport) pouvaient être occupés. Mais compte tenu des gênes occasionnées aux passagers, les amendes sont justifiées. C’est un peu paradoxal elle dit qu’on peut faire des actions militantes qui entravent la circulation. De l’autre elle dit que des militants peuvent être condamnés.

Les 16 militants et militantes d’Handi-Social ainsi que certains de leurs proches devraient donc porter l’affaire devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Selon eux, cette bataille judiciaire a déjà coûté plus de 30 000 euros. Une cagnotte avait été lancée pour les soutenir. Le combat pour le droit à la liberté d’expression va donc se poursuivre pour alerter sur les reculs des droits des personnes handicapés.

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