La cinémathèque de Toulouse (Haute-Garonne) accueille 40 films réalisés entre 1960 et 1980 incarnant la mémoire cinématographique palestinienne. Numérisés, ces courts et moyens métrages ont été diffusés au cours d'un festival et continuent de circuler.
"Des scènes de la vie quotidienne, des entraînements militaires, un camp de réfugiés au Liban en 1976... 40 films réalisés entre 1960 et 1980 incarnant la mémoire cinématographique palestinienne ont trouvé un refuge provisoire à la cinémathèque de Toulouse", relatent nos confrères de l'AFP.
Ces courts et moyens métrages au grain fatigué et au format 16 et 30 mm ont été numérisés puis diffusés au cours de la 10e édition du festival Ciné Palestine en mars dernier dont la bande-annonce est visible sur Youtube. Ils ont pu être reconstitués au terme d'un parcours chaotique et des remous de l'histoire.
Une vie passée à collecter
Tout commence au début des années 1980. À cette époque, "l'Institut du film palestinien, installé à Beyrouth, où est stockée une centaine de films militants, est bombardé par Israël en pleine guerre du Liban. Sa directrice, Khadijeh Habashneh, fuit le pays et laisse les bobines derrière elle. Depuis, cette femme, également cinéaste et militante féministe, n'a eu de cesse de reconstituer ce fonds". C'est à partir des copies qui ont circulé dans le monde entier que Mme Habashneh a pu mener son travail de reconstruction mémorielle, une œuvre qu'à 79 ans, elle poursuit encore aujourd'hui.
"Dans les années 1960, les Palestiniens ont un besoin vital de documenter la révolution, le quotidien. De laisser des traces. De se créer une mémoire", explique-t-elle par téléphone depuis la Jordanie.
Des bobines très utilisées
"Le cinéma palestinien de l'époque répond à d'autres cinémas, notamment en Amérique latine et en Asie, et à l'idée selon laquelle le cinéma devait accompagner la révolution, avoir une fin politique", explique Hugo Darroman, auteur d'une thèse sur "le cinéma de la révolution palestinienne, 1967-1982".
Ces films, en grande partie produits par l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), marquent "l'investissement d'un proto-Etat dans le cinéma palestinien, qui existait auparavant, mais sous des formes individuelles", précise ce chercheur.
Les morceaux de cette mémoire que Mme Habashneh est tant bien que mal parvenue à rassembler sont issus des bobines projetées au fil du temps par les sympathisants de la cause palestinienne, de Cuba au Vietnam en passant par l'Italie, ou qui étaient conservées dans les bureaux internationaux de l'OLP.
"La caméra pour exister"
Des pellicules qui ont donc "beaucoup tourné et ont été endommagées par l'usage et le temps", souligne Victor Jouanneau, qui, à la cinémathèque de Toulouse, a travaillé à leur numérisation.
"On s'est dit que l'on n'allait pas effacer toutes les traces de leur circulation, qui font partie de leur histoire", dit-il. Selon l'AFP, "l'institution toulousaine, qui dispose des moyens techniques pour scanner les pellicules argentiques - ce qui n'est pas le cas de toutes les cinémathèques - a été séduite lorsqu'en 2018 Mme Habashneh cherchait des partenaires pour conserver les bobines, alors stockées au Caire et dans les locaux de la représentation palestinienne à Amman".
"Ces films documentent la lutte palestinienne. Cela faisait sens de les accueillir à Toulouse car notre cinémathèque dispose historiquement d'un fonds très militant", explique à nos confrères, son directeur, Franck Loiret, en référence notamment aux importantes archives de mai 68 qui y sont conservées."C'est la première fois que le peuple palestinien se filmait lui-même. Le cinéma devient un moyen d'existence, de reconnaissance: on prend la caméra pour exister", ajoute t-il avec enthousiasme.
Numérisés pour circuler à nouveau
Sauvegarde, valorisation et diffusion de ces archives sont les trois missions que s'est fixé la cinémathèque à leur égard. Le grand public a pu les découvrir dans la Ville rose au printemps lors du festival Ciné Palestine. Leur numérisation permet désormais de les faire voyager plus facilement. Elles ont déjà été projetées à Paris, Marseille et Londres, et sont désormais attendues au Maghreb et en Arabie saoudite.
Toulouse n'est en tout cas pour elles qu'une étape, l'idée étant qu'un jour, lorsque la situation le permettra et qu'une institution dédiée pourra les accueillir de manière pérenne, elles reviennent là où pour la plupart, elles ont été tournées : en territoires palestiniens.