VIDÉO. "Nous nous attendons à ce que les microplastiques soient piégés dans la glace de mer" des scientifiques sur les traces de la pollution en Arctique

Combien de microplastiques sont aujourd'hui piégés dans la glace de mer ? Combien sont relâchés dans l'océan Arctique avec la fonte des glaciers ? Pour répondre à ces questions, un spécialiste toulousain de la pollution plastique participe actuellement à une expédition au nord du Canada. Voici son récit.

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C'est la quatrième étape de l'expédition annuelle du brise-glace canadien dédié à la recherche dans l'océan Arctique. Une quarantaine de scientifiques ont embarqué à bord du navire dans le cadre du projet Refuge-Arctic afin d'explorer l'écosystème de la mer de Lincoln, située au nord du Canada et du Groenland. Parmi eux : le géochimiste, Jeroen Sonke, directeur de recherche au CNRS, au sein du laboratoire Géosciences Environnement Toulouse. Il nous raconte les enjeux de cette aventure scientifique au cœur de la "Last Ice Area", le dernier sanctuaire de glace de mer pluriannuelle.

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Quarante scientifiques ont embarqué à bord du brise-glace Amundsen, dans le cadre du projet Refuge Arctique afin d'explorer l'écosystème de la mer Lincoln et notamment étudier la glace de mer épaisse. ©Lars-Eric Heimburger-Boavida / CNRS

La mer de Lincoln, "c'est le dernier endroit (refuge) en Arctique qui reste peu impacté par le réchauffement climatique et où on retrouve encore de la glace de mer épaisse, vieille de plusieurs années", nous explique Jeroen Sonke. Parmi les scientifiques qui ont embarqué avec lui sur le navire de recherche, il y a des experts de glace, des océanographes, des biologistes et des sédimentologues. Jeroen Sonke et son doctorant Théo Segur, eux, sont géochimistes, experts en pollution plastique. Lors de cette expédition, les deux scientifiques réalisent tout un tas de prélèvements. De l'eau de mer aux poussières dans l'air, en passant par la glace de mer et l'eau de fonte des glaciers du Groenland. "Nous explorons la présence des microplastiques dans ces écosystèmes."

Des microplastiques "piégés dans la glace de mer" ?

Pourquoi ces experts de la pollution plastique s'intéressent-ils à la glace de mer et aux glaciers de l'Arctique ? Deux raisons à cela, nous explique le directeur de recherche au CNRS. "La glace de mer se forme chaque année, à la surface de l'eau de mer, là où flottent les microplastiques. En prenant des carottes de glace de mer jusqu'à quatre mètres de profondeur, nous captons environ trois ans de formation de glace, la plus vieille à la surface, et la plus récente au fond, en contact avec la mer."

Nous nous attendons à ce que les microplastiques soient piégés dans la glace de mer.

Jeroen Sonke, géochimiste, directeur de recherche au CNRS

Au programme du chercheur depuis qu'il a embarqué sur l'Amundsen : du carottage et de la coupe. "On coupe la carotte directement sur la glace, sur une table en inox, avec une scie en métal, en morceaux de 25 centimètres de longueur." Pour ce faire, Jeroen Sonke a revêtu une blouse en coton pour éviter de contaminer les prélèvements de glace avec les fibres synthétiques des combinaisons.  Et les manipulations se font à mains nues. Pas question non plus de porter des gants en plastique. "On a eu les mains bien froides !", avoue avec humour le scientifique.

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Dans le cadre du projet Refuge Arctique, quarante scientifiques ont embarqué sur le brise-glace Amundsen afin d'explorer l'écosystème de la mer de Lincoln. ©Lars-Eric Heimburger-Boavida / CNRS

Les morceaux de glace sont ensuite remontés à bord du navire de recherche. "On fait fondre la glace, on filtre l'eau sur un filtre en fibre de verre, et ce filtre sera ensuite étudié par microscopie au laboratoire Géosciences Environnement Toulouse après notre retour à terre", détaille encore Jeroen Sonke.

Joeren Sonke s'intéresse aussi à l'eau de fonte des glaciers du Groenland. "Les microplastiques sont présents dans l'atmosphère et se sont déposés sur la calotte de glace depuis des décennies, explique-t-il. Cette glace est en train de fondre et d'arroser les eaux côtières en microplastiques où ils rentrent dans la flore et faune marine avec des effets potentiels sur la santé de tous ces organismes." Abrasion des pneus, émissions avec les poussières des sols, émissions marines par l'action du vent et des vagues... Les sources de microplastiques dans l'air sont diverses.

Nous aimerions donc comprendre précisément combien de microplastiques sont relargués par la fonte des glaciers.

Jeroen Sonke, géochimiste et directeur de recherche au CNRS

Faut-il craindre le pire ?

À cette question, le scientifique aurait tendance à répondre par l'affirmative. "Je mets en œuvre des techniques microscopiques qui permettent de détecter les plus petits microplastiques jusqu'à un micromètre. Les études précédentes dans l'Arctique se sont souvent arrêtées à 30 micromètres. Or, on sait que plus ils sont petits, plus ils sont nombreux à cause de la fragmentation incessante des déchets marins en microplastiques."

Mais Jeroen Sonke garde une lueur d'espoir avec ce programme de recherche. "Je suis positif dans le sens où ma recherche contribuera à des politiques environnementales plus strictes, nous confie-t-il tout en prenant l'exemple de l'industrie pétrolière et chimique qui, "par la production de quelque 400 millions de tonnes de plastiques annuellement, est responsable de 4% des émissions de gaz à effet de serre."

Depuis 2022, un traité international contre la pollution plastique est en cours de négociation entre les États membres de l'ONU.

Il est important de démontrer l'impact des plastiques sur notre planète, afin d'avoir des règles ambitieuses sur des limites de production, le remplacement des plastiques, ou encore l'assainissement des multiples sites terrestres pollués.

Jeroen Sonke, géochimiste et directeur de recherche au CNRS

Le scientifique sera de retour sur la terre ferme ce jeudi 3 octobre 2024. De cette expédition, sa première en Arctique, Jeroen Sonke gardera en tête "des paysages somptueux, entre terre et mer, entouré par des glaciers, la glace de mer et des icebergs."

"Au début de la campagne, on a donc des vrais frissons, conscient de l'aventure qui nous attend. Maintenant, après une petite tempête, et une semaine de brouillard, on a simplement envie de rentrer voir ses proches, et de démarrer la prochaine aventure : les centaines d'analyses microscopiques à faire au laboratoire."

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