Comment vivrez-vous , quand le réchauffement climatique aura durablement transformé votre environnement et votre quotidien, notamment en Occitanie ? Dans son rapport 2024, le Réseau Action Climat a compulsé les données disponibles. Il nous offre un aller simple pour 2050.
"Bonjour, bienvenue sur radio Occitanie, nous sommes le jeudi 4 août 2050. Attention chaud devant, il fait déjà 40 degrés à Tarbes, Rodez et Mende, 43° à Albi et Montauban, 44° à Carcassonne, 45° à Toulouse ainsi qu'au Boulou, et même 47 degrés entre Nîmes et Montpellier. "
2050, c'est demain. Dans quelle Occitanie vivrons-nous ? Quelle région préparons-nous pour nos enfants ? Des questions auxquelles tente de répondre le Réseau Action Climat.
Cette association spécialisée en prospective climatique vise à inciter gouvernants et citoyens à lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Son rapport 2024 dessine notre monde de demain, une sorte de scénario catastrophe si la prise de conscience ne se traduit pas en changements radicaux.
2050 : toujours plus chaud
Dans l'été 2050 en Occitanie, les températures moyennes ont encore grimpé. +1 degré supplémentaire en une génération.
Et même beaucoup plus si nos émissions venaient à encore augmenter. Le thermomètre pourrait alors enregistrer jusqu’à +3,8 °C avant la fin du siècle. Le réchauffement s'accélère déjà dans la région depuis le milieu du XXème siècle, chacune des 4 dernières décennies a été plus chaude que la précédente.
Canicule et pics de chaleur : un territoire toujours vivable ?
En 2050, plus personne ne se souvient de l'été 2019, considéré pourtant à l'époque comme "exceptionnellement chaud" avec le record national de chaleur de 46 °C enregistré à Vérargues (Hérault). Un "pic"... devenu courant, jusqu'à atteindre parfois 50 degrés. À Toulouse, le nombre de jours dépassant les 30 °C a doublé en 25 ans. Et à Nîmes, les habitants fuient les nuits tropicales (dépassant 20 °C). Leur nombre atteint une soixantaine chaque été, et pourrait dépasser 100 avant la fin du siècle selon le scénario pessimiste.
Des sécheresses plus nombreuses et plus intenses.
27 juillet 2050. Les piscines et les lacs sont vides, les plaines occitanes brûlées par un soleil sans nuage. Il n'a quasiment pas plu depuis le début de l'année. Le nombre de jours secs a augmenté de 25%. Et même de moitié selon le scénario d'émissions le plus pessimiste. Les surfaces victimes de sécheresse ont triplé depuis les années 1960. Le réchauffement et le manque de précipitations continuent de réduire l’humidité des sols. Un assèchement d'autant plus marqué que les hommes ont poursuivi l’artificialisation des sols, et que notre agriculture régionale reste encore trop intensive.
Les cours d'eau se vident
Plus chaud, toujours moins de neige en montagne : en 2050, l'Ariège a perdu 20% de son débit annuel. Dans la région, plusieurs rivières sont devenues intermittentes. Les montagnes d’Occitanie alimentent en effet une part importante des cours d’eau de surface et souterrains, qui atteignent de plus en plus souvent leur étiage, soit leur niveau le plus bas.
Eté : la bataille pour l'eau
Ce 29 juin 2050, banderoles hissées dans les rues de Montpellier, les maraîchers du bassin versant de l'Hérault qui exploitent les terres autour du canal de Gignac sont en colère. Avec le manque de pluie, ils doivent irriguer davantage. Leurs besoins en eau ont explosé, +11% à +48%. Mais depuis plusieurs étés, les autorités doivent gérer auprès de toutes les catégories de population les conflits nés de la pénurie, qui se multiplient pour les usages domestique, agricole, industriel et énergétique.
Nous nous devons d'alerter sur la question de l’accès à l’eau. L’eau est la première ressource concernée par le dérèglement climatique, et tous les indicateurs virent au rouge
Réseau d’Expertise sur les Changements climatiques en Occitanie (RECO)
L'avenir du canal du Midi en jeu
Entre Toulouse et Méditerranée, l'emblématique canal du Midi pourrait bien devenir un des enjeux principaux de cette "bataille de l'eau". Les sécheresses menacent le niveau de l'eau, scruté à la fois par les adeptes du tourisme fluvial et par les communes qui y puisent leur eau potable. Mais ce sont les agriculteurs qui captent 60% de son débit pour l'irrigation. Ces dernières années, la saison de navigation a déjà dû être raccourcie, des agriculteurs mécontents ont bloqué des écluses. Et 2050 est encore loin...
Conséquences dévastatrices pour les agriculteurs
Pour l’Occitanie, première région viticole et deuxième en grandes cultures céréalières, le réchauffement est un désastre. Au-delà des contraintes hydriques, l’agriculture qui occupe ici plus de la moitié des sols est particulièrement affectée, faute de s'être adaptée aux nouvelles conditions climatiques. Les températures élevées perturbent la croissance des végétaux, les épisodes météorologiques extrêmes détruisent des récoltes, l’érosion rogne les terres cultivables, les calendriers de récolte sont perturbés. Et l’élevage n'est pas épargné, les animaux souffrent notamment du stress thermique et du déficit de fourrages.
La viticulture sinistrée
Avez-vous stocké les millésimes 2048 ? Car comme l'an dernier, le cru 2050 de votre vin occitan préféré sera quasi inexistant. La faute à l'épisode de gel du printemps, et l'assèchement des cépages traditionnels de la région. Les viticulteurs subissent toujours plus la baisse des rendements, et la sur-alcoolisation de la récolte, qui a augmenté de 11 à 16° depuis les années 1980.
Barrages à sec
EDF n'a pas eu le choix. Le déficit en eau contraint l'opérateur à effectuer une rotation de fonctionnement de ses barrages. En 2050, l'hydroélectricité ne peut plus rester la première source d’énergie en Occitanie avec un tiers de la production électrique. Il faut repenser le mix énergétique de la région.
Forêts fragilisées : les incendies flambent
En Occitanie, les forêts, qui couvrent 36 % du territoire régional, paient au prix fort les effets du changement climatique. Les sécheresses favorisent l'extinction de certaines espèces animales et végétales. Moins d'arbres qui captent donc moins de carbone, et attaqués par les nuisibles qui se multiplient (pathogènes et espèces envahissantes). Les massifs fragilisés affrontent des conditions météo encore plus propices aux déclenchements des feux et à leur expansion. Selon les projections de Météo-France, en 2050 le nombre de jours "à risque d'incendie" augmentera de 30 à 45 jours dans les départements de l’Aude, du Gard, de l’Hérault et des Pyrénées-Orientales. Et les surfaces brûlées devraient flamber : +54,5 % dans la région. En raison aussi de la menace que le réchauffement fait peser sur les zones humides, essentielles pour leurs fonctions écologiques (stockage de l’eau, faune, flore, stockage de carbone…).
Inondations : trop c'est trop
Au siècle précédent déjà, trois des quatre départements les plus touchés par les inondations, tempêtes et sinistres sécheresse étaient situés en Occitanie (le Tarn-et-Garonne, l’Aude et le Tarn). En 2050, tout s'est encore accéléré, en fréquence et en intensité. Dans les Pyrénées Orientales, la RN116 est fermée à la circulation depuis trois ans. Les autorités ne prennent plus le risque de la réparer, après les glissements de terrains à répétition. Le réchauffement a multiplié les épisodes méditerranéens et cévenols, toujours plus ravageurs. Des semaines de précipitations tombent en quelques heures, et l'artificialisation des sols n'a rien arrangé. En Occitanie, 2,5 millions d’habitants sont exposés aux inondations qui se multiplient.
Santé : les urbains "crèvent" de chaud
En ville, en 2050, les pics de chaleur exacerbent la surmortalité des personnes âgées et des jeunes enfants, favorisée par la mauvaise isolation des logements et l’exposition à la pollution de l’air. Les phénomènes de déshydratation et les coups de chaleur se multiplient, et les médecins notent une aggravation de certaines maladies chroniques. On a appris à "vivre" avec le risque de dengue. Le moustique tigre est partout en Occitanie et toutes les maladies infectieuses sont en augmentation, en raison de la propagation d’animaux qui peuvent les transmettre. Et les affections mentales explosent, en raison de l’anxiété générée par les catastrophes naturelles.
Bâtiments : les fissures se multiplient
Juin 2050 : les autorités font évacuer tout un quartier d'un village du Gard, victime du phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA), particulièrement marqué en Occitanie. La région représente plus du quart du coût national des dommages de fissuration et d'effondrement du bâti liés au RGA. Avec la conjugaison des sécheresses et de la croissance de l'immobilier, les sinistres gardois ont augmenté de 1000 % au début du siècle, et les coûts pourraient continuer de s’envoler.
À l'horizon de 2100, les dommages au bâti pourraient être multipliés par 5 ou 6
Bastien Colas, ingénieur géotechnicien du Bureau de recherches géologiques et minières - Montpellier
Littoraux : le combat perdu contre l'érosion
En ce printemps 2050, les engins sont encore entrés en action à Carnon (Hérault). Afin de sécuriser la plage avant la saison, les autorités viennent de raser le 300ème logement du littoral occitan, que menaçait la montée du niveau de la Méditerranée. L’érosion de bord de mer, accentuée par les tempêtes plus intenses, modifie toujours plus le trait de côte, repoussant les habitants dans les terres.
La fin de la neige ?
En 2050, les hommes n'ont pas su enrayer l'augmentation de leurs émissions carbonées, et avec la remontée de la limite pluie/neige, la neige a disparu du versant sud des Pyrénées orientales. Dans les Pyrénées comme dans le Massif Central, l'accélération de la fonte des neiges et des glaciers s'avère plus rapide encore que dans les Alpes. Le glacier d’Ossoue (Hautes-Pyrénées), réduit inexorablement en perdant plus de quatre mètres d'épaisseur chaque année. Après trop de saisons déficitaires par manque de jours skiables, il ne reste que trois stations de ski encore viables dans les Pyrénées, les autres sont désormais à l'abandon (projection source WWF).
2050 : un scénario inéluctable ?
Dans son rapport 2024, le Réseau Action Climat rappelle que plusieurs scénarii sont encore sur la table, selon la rapidité des transformations de nos habitudes industrielles, agricoles, de transport et de consommation... Les hommes ont initié les changements actuels du climat. Eux seuls peuvent les freiner, en repensant leurs pratiques.