Violences policières : un policier reconnu coupable pour avoir blessé un journaliste lors d'une manifestation des Gilets jaunes

Le procès du policier soupçonné d'être l'auteur de violences envers un journaliste lors d'une manifestation des Gilets Jaunes à Toulouse (Haute-Garonne) s'est tenu mardi 21 février 2023. L'auteur du jet de grenade a été reconnu coupable de violences volontaires.

Le jugement fera sûrement date : celui d'un policier jugé pour avoir provoqué les blessures d'un journaliste lors d'une manifestation des Gilets Jaunes. Le tribunal correctionnel de Toulouse (Haute-Garonne) le reconnaît coupable de violences volontaires et le condamne à 2.000 euros avec sursis, 800 € de dommages et intérêts pour le reporter blessé et 1€ pour l'association Reporter sans frontières.

Acte 23 des Gilets jaunes

Les faits se déroulent le samedi 20 avril 2019 lors de l'acte 23 des Gilets Jaunes à Toulouse (Haute-Garonne). La situation dégénère entre manifestants et forces de l'ordre au niveau de la rue du Pont-Guilheméry, tout près de François Verdier. Acculés et encerclés, les policiers sont en sous-nombre : l'un d'entre eux, Cédric A., décide de lancer une grenade à main de désencerclement pour disperser les manifestants.

Lancer de grenade non-réglementaire

Au lieu de la lancer à ras du sol comme l'oblige la procédure, il l'envoie en cloche. L'objet touche directement un journaliste, positionné avec d'autres confrères sur le côté de la manifestation. L'homme, reconnaissable avec un casque "presse" et son appareil photo, est touché au dos et au mollet. C'est la raison pour laquelle il fait un premier signalement auprès de l'IGPN, puis porte plainte.

Trois ans après les faits, et grâce au soutien de l'association Reporters Sans Frontières (RSF), une enquête judiciaire a abouti à ce procès. 

Une satisfaction pour Kévin Figuier, bien qu'il ait été "éprouvé moralement" à la suite de l'accident. Habitué des manifestations, il a assuré à la barre "toujours prendre le soin de se distancer des échauffourées, sans jamais entraver le travail de la police". Aujourd'hui, Kévin Figuier a cessé son activité de journaliste, en partie à cause de ce qu'il a subi, "même si cela lui manque".

"Pas possible de lancer la grenade autrement" pour le mis en cause

Face aux accusations, Cédric A. s'est défendu. Il a notamment répété à plusieurs reprises qu'il "était obligé de faire cette manoeuvre", notamment pour "protéger ses collègues".

Le policier, toujours en fonction mais mis à l'écart des manifestations, a confirmé avoir jeté la grenade en cloche. Mais il a certifié qu'il n'était "pas possible de lancer autrement", notamment à cause du sol "bondé devant lui" et de l'urgence de la situation. "Je n'ai jamais visé personne" a-t-il enchéri. Il affirme également que la longue enquête et ce procès l'ont empêché de briguer un poste dans la Police Nationale. 

"La presse n'a pas été attaquée" selon l'avocate de la défense

Son avocate, Maître Sarah Hunot, a prolongé ses propos, en déclarant que "la presse n'a jamais été attaquée" par l'action de son client. Elle a rappelé la "journée de manifestation violente, hostile" à laquelle faisait face Cédric A., "un habitué de ce genre de mouvement social, qui n'a jamais eu de soucis avec sa hiérarchie".

Elle a remis en cause la tenue de ce procès visant son client, pointant "des incertitudes" sur la grenade qui a blessé Kévin Figuier. "Aucune image ni vidéo ne prouve que c'est cette grenade qui a blessé Kévin Figuier" a-t-elle ajouté, plaidant la relaxe pour Cédric A.

Maître Léo Coudon-Morini, avocat de Kévin Figuier et de RSF, a lui insisté sur "l'atteinte aux intérêts collectifs de la profession de journaliste". Dans un contexte d'énormes tensions dans le pays en 2019, il a souligné "le devoir d'exemplarité que doivent avoir les agents de l'État, ce qui n'a pas été le cas de Cédric A.". Selon l'avocat, l'usage de cette grenade "était injustifié, disproportionné, et contraire au protocole d'utilisation".

"Est-il possible de toujours tout maîtriser ?"

Le Procureur de la République a, lui, recentré les propos sur le jet de la grenade, balayant d'un revers de main les arguments autour d'une agression en raison du métier de journaliste. Selon lui, il n'y "avait pas d'état de nécessité de jeter cette grenade l'air".

Malgré le choix assumé du policier, il a martelé la "dangerosité et le caractère interdit" d'un tel geste. Mais dans le même temps, "est-il possible de toujours tout maîtriser durant ces week-end où des gens vous agressent et vous insultent ?" s'est-il interrogé.

"Un énorme soulagement" pour Kévin Figuier

Ce délibéré est un "énorme soulagement" pour Kévin Figuier, qui souhaitait à minima une reconnaissance de culpabilité du policier. "C'est un poids en moins dans ma vie de journaliste, et une page qui se tourne d'un point de vue personnel." L'ancien photo-journaliste pense également aux autres victimes de la profession : "cela donne de l'espoir pour les autres plaintes en cours. On ne s'attaque pas à un journaliste".

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