La vente de voitures va mal. En cause : des difficultés mondiales de livraison et des pénuries de puces électroniques. Mais aussi une clientèle indécise face aux contraintes environnementales, comme la Zone à Faible Émission (ZFE) à Toulouse (Haute-Garonne).
Sébastien ne sait plus quoi faire. Cet employé d'une société toulousaine est dans un véritable dilemme. Propriétaire d'une camionnette de 2002 avec 330 000 kilomètres au compteur, il appartient à la catégorie des conducteurs ayant un véhicule classé Crit'Air 4, soit entre 5 et 7.000 dans la région de la ville rose. Il n'a plus le droit de rouler dans Toulouse (Haute-Garonne) depuis le 1er janvier 2023. "J'ai pris la rocade ce matin. Je savais que j'étais dans l'illégalité à cause de la Zone à Faible Émission (ZFE)" avoue-t-il un peu gêné. Il l'est encore plus lorsqu'il évoque la possibilité de racheter un nouveau véhicule : "Les occas' en Crit'air 3 cela a flambé en termes de prix. C'est minimum 15.000 euros. Soit je prends le risque de continuer à circuler avec ma vieille camionnette, soit je prends les transports en commun, mon vélo ou j'achète un scooter 125cm3."
Thermique ? Hybride ? Electrique ? Neuve ? D'occasion ?
Le Toulousain n'est pas le seul à être plongé dans cette indécision. "Les consommateurs sont littéralement perdus, témoigne le responsable d'une concession installée dans le Tarn. Ils sont indécis sur leurs choix de motorisation. Faut-il prendre une hybride ? Une électrique ? Ou faire le choix de rester avec un moteur thermique moins cher question coût ?"
Les chiffres du marché automobile français ne disent pas le contraire. En 2022, les ventes ont diminué de 7,8%. "Les clients sont sans cesse soumis à des injonctions contradictoires, continue d'expliquer notre professionnel. D'un côté, on leur dit de consommer moins d'électricité, mais on les pousse à acheter des voitures électriques avec l'interdiction des voitures thermiques en 2030."
"Suite au Covid, nous avons eu quelques difficultés pour avoir suffisamment de véhicules alors qu'il y avait une pénurie de composants électroniques, rapporte Michel Pardailhé, président du syndicat Mobilians 31. On ne pouvait pas fournir autant de véhicules que nous pouvions avoir en demande. Bien sûr, nous avons eu des clients qui sont venus changer."
Conséquence directe : les prix se sont envolés. "Depuis un an, c’était la catastrophe, déplore Christian Beyrac, gérant de MBA Automobiles, à Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn). On galérait pour trouver des véhicules. Et quand on en avait, ils étaient plus chers qu’en France et avec des délais de 8 mois pour le constructeur. Avec cette pénurie, le prix des véhicules thermiques a augmenté, devenant assez cher. Un ancien Peugeot 3008 qui se vendait à 24.000 euros en 2016, avant la crise on arrivait à les monter jusqu’à 30.000 euros en tant que mandataire car Peugeot avait augmenté ses tarifs comme tous les constructeurs. À l’heure actuelle, il faut rajouter 3 à 4.000 euros de plus." Une situation difficile pour les conducteurs, mais aussi pour les vendeurs indépendants. Christian Beyrac a préféré mettre la clé sous la porte dès le 1er janvier 2023.
De nombreuses dérogations à la ZFE
Certaines mesures dérogatoires, mises en place par les collectivités, n'aident pas à clarifier la situation : "Si un conducteur a un bon de commande pour une voiture Crit'Air 0 à 2, il a l'autorisation de circuler avec son véhicule classé Crit'Air 4 durant 6 mois si j'ai bien compris, le temps de récupérer sa nouvelle automobile, précise Michel Pardailhé. Et il y a aussi le Pass 52 jours pour les petits rouleurs dans la ZFE. Ce qui nous a valu des remarques de clients, nous disant : je ne roule pas 52 jours. Si j'avais su, je n'aurais pas acheté la voiture."
"Je ne peux pas faire de demande pour le Pass de 52 jours, ronchonne Chantal. Ma voiture, j'en ai besoin tous les jours pour me rendre au boulot à Toulouse." Sa Golf Diesel de 2005 a encore un an de répit. Classée Crit'Air 3, elle ne sera pas concernée par l'interdiction de la ZFE avant le 1er janvier 2024."Je m'étais dit pourquoi pas me tourner vers l'électrique mais lorsque je bouge, je fais souvent de longs trajets. Je ne me vois pas faire la queue pour recharger tous les 300kms ma voiture. Sinon, il y a l'hybride, mais là aussi, c'est hors de prix."
L'âge du parc automobile français ne cesse de grimper
"Si on veut aller sur de l’hybridation ou de l’électricité totale, là les budgets ne correspondent plus à la clientèle que nous avions, constate Christian Beyrac. Les constructeurs s’en sortent un petit peu, car ils font de la location notamment avec de l’option d’achat. C’est une solution qui est coûteuse au final, mais qui fait baisser la mensualité, mais vous n’êtes jamais propriétaire du véhicule."
D'ailleurs, la location est la solution proposée par le représentant de Mobilians aux clients indécis : "C'est ce que je leur conseille vu la situation. Louez durant 4 ans et faites votre choix à ce moment-là".
Pourtant, de nombreuses aides permettent de faire baisser la facture. Des mesures financières gouvernementales mais aussi locales. "Nous avons demandé à ce que les aides de Toulouse Métropole soient plus visibles et plus claires. Elles ne sont pas assez connues. Ce serait bien qu'il y ait plus de communication. Cela nous aiderait. Par exemple pour les Crit'Air 3, les aides ne sont pas encore en place" constate Michel Pardailhé.
L'évolution est trop brutale pour l'organisation patronale qui espère des adaptations nécessaires de la ZFE dans les prochains mois.
Mais un autre phénomène est en train de se confirmer. Les automobilistes gardent plus longtemps leurs véhicules. De 10 à 12 ans, il y a encore quelques années, l'âge moyen du parc automobile français est en train de passer à 14 ans. La tendance s'explique par cette clientèle de plus en plus perdue dans ses choix, mais aussi en raison des difficultés d'approvisionnement en véhicules, des distances de moins en moins longues ou au développement du covoiturage.
Alors thermique, hybride ou électrique ? La meilleure solution est peut-être tout simplement de ne pas choisir. "Moi, je dis aux gens : si vous avez un véhicule thermique : entretenez-le ! clame l'ancien concessionnaire tarnais, Christian Beyrac. Parce que dans trois à cinq ans, nous serons bien contents d’avoir des véhicules en bon état et que la situation va encore s’aggraver."