Pour l'artiste qui s'est mise nue à la grotte de Lourdes, c'est "un hymne à la vie"

Deborah de Robertis, interpellée par la police après sa performance le 31 août aux Sanctuaires de Lourdes, s'exprime pour la première fois et explique son geste. 

"C'est un hymne à la vie". Pour la première fois depuis vendredi 31 août et son intervention artistique qui a fait scandale devant la grotte de Massabielle à Lourdes (Hautes-Pyrénées), l'artiste Deborah de Robertis s'exprime. 

Elle avait été interpellée par la police, placée en garde à vue et sera convoquée devant la justice en mai 2019, notamment pour "exhibition sexuelle". Son acte ne manque pas de susciter des commentaires, haineux ou admiratifs.
 

Une plainte des Sanctuaires

Les Sanctuaires de Lourdes, dans un communiqué publié durant le week-end, avait condamné cette action avec des mots très durs : "Nous condamnons cet acte d'exhibitionnisme qui a choqué les fidèles présents à la Grotte à ce moment-là", évoquant cet "acte prémédité, lié à une démarche prétendument artistique". "Nous déplorons un tel mépris de la conscience religieuse et de la liberté de culte", en demandant "le respect du caractère sacré de nos lieux de culte conformément au principe de la liberté religieuse". Les Sanctuaires de Lourdes qui ont annoncé leur volonté de porter plainte.
 

"L'origine de la vie"


Déborah de Robertis, qui avait déjà effectué ce type de performance au Musée du Louvre à proximité de la Joconde, a donc choisi de s'exprimer et d'expliquer sa démarche à Lourdes :

"Par ce geste de mise à nu, j’incarne l’apparition de la Vierge avec mon corps de chair et de femme vivante. Pourquoi le miracle ne serait-il pas aujourd'hui qu'une femme puisse prendre la liberté de poser ce geste, sachant que dans certains pays, le même geste pourrait encore lui coûter la vie ?"
 

Ce geste est un hymne à la vie, d’où le titre «L’origine de la vie », en référence à « l’origine du monde ».


"Si l’on observe attentivement nous pouvons voir que le dessin des plis du voile de certaines vierges imite parfaitement les formes du sexe féminin. Dans les religions monothéistes, Marie est le modèle féminin le plus emblématique, le plus représenté, le plus connu et donc le plus exploité. En effet, la représentation humaine et donc féminine est très rare dans les autres religions monothéistes. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi d'incarner la Vierge Marie qui, au delà de sa dimension religieuse, est l’une des femmes les plus connues au monde. Mais, en réalité par cet acte j'ai aussi incarné Marie-Madeleine, une femme libre et une autre figure emblématique qui a été diffamée, invisibilisée et dont l’image a été déformée car "trop" incarnée et " trop" sexuée. Elle n’a été reconnue et réhabilitée que depuis deux ans comme « apôtre des apôtres » . Marie quant à elle, parce qu'elle est "asexuée" dans les textes, ne représente que partiellement la femme. Par mon geste je souhaite les réunir et revenir à l'unicité de la femme. Il en est de même pour les femmes dans l'art et dans la société en général. Elles ne sont jamais reconnues immédiatement et pour la plupart elles sont exclues de l'Histoire. Il est temps !"
 

La figure de Marie à Lourdes, est au fond aussi exploitée que le visage de la Joconde au Louvre. À Lourdes la Vierge est adulée mais aussi utilisée comme la « poule aux œufs d'or ». C'est elle qui est le pilier économique de la cité mariale. Comme la Joconde, on la retrouve sur des tasses, des t-shirts et des porte-clefs.


"Comme le sexe féminin de « L'origine du monde » qui attire les touristes et remplit les caisses du musée d’Orsay, la représentation de Marie attire les pèlerins du monde entier. Que se passerait-il si l’on inversait les rapports de pouvoir, si la statue de la Vierge s’incarnait en femme réelle pour reprendre possession de son corps? Que se passerait-il si la femme dont le sexe a été peint par Courbet s’incarnait pour sortir du cadre et utiliser l’institution à son avantage et pour son émancipation et non l’inverse ? En incarnant les modèles féminins, mon propos est de les libérer du cadre dans lequel ils sont figés et inverser ainsi le point de vue à partir du regard des femmes, et cela sur le plan historique, politique et artistique".
 

Une nouvelle vidéo après celle censurée

Les explications de Déborah de Robertis ne suffiront sans doute pas à convaincre les sceptiques ou ceux qui sont scandalisés par ce qu'ils considèrent comme une attaque contre un des haut-lieux de la religion catholique. Au-delà de cette tribune, l'artiste aura l'occasion de s'expliquer le 19 mai devant le tribunal de Tarbes.

Pour ceux qui veulent se faire une idée par eux-mêmes, sans attendre le jugement (de Dieu ou des Hommes), l'artiste a mis en ligne une nouvelle version de la vidéo de cette performance. Une première version avait été censurée par YouTube. 
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