Dimanche 27 août, un important écroulement rocheux s’est produit à Freney dans la vallée de Maurienne (Savoie). Épisodes orageux violents, augmentation des températures été comme hiver, dans les Pyrénées aussi, de nombreux secteurs sont sous haute surveillance.
Chaque année, des effondrements se produisent, mais peut-on comparer la situation des Alpes à celle des Pyrénées? Existe-t-il des similarités, des différences? Faut-il s’attendre à une multiplication de ces éboulements? Odin MARC, chercheur en géomorphologie au CNRS, au laboratoire Géoscience Environnement Toulouse, nous répond.
Des similarités entre les Alpes et les Pyrénées
Il y a des similarités car de nombreux processus fonctionnent de la même manière. En effet les éboulements et les glissements de terrains se produisent assez fréquemment à la fois dans les Alpes et les Pyrénées. Car il existe de fortes pentes et des terrains rocheux assez fragiles ou endommagés. Par ailleurs, ces éboulements peuvent se produire à cause de l'infiltration d'eau dans la roche et le sol, lors de fortes pluies, d’épisodes de fonte des neiges au printemps ou d’épisodes orageux en automne et en été. Quand ils sont de magnitude suffisante, ce qui est assez rare en France, les séismes peuvent aussi déclencher des éboulements.
A la différence des Pyrénées, les Alpes sont victimes de la fonte du permafrost
Il y a une différence notable. Dans les Alpes, beaucoup de terrains sont situés en plus haute altitude que les Pyrénées, souvent au-dessus de 3000 mètres, ce qui n’est pas courant dans les Pyrénées.
Ajouté au climat plus continental des Alpes, la température est donc plus froide sur ces terrains, et il y a des zones qui sont prises dans le permafrost.
Le permafrost est la couche de surface de la roche, suffisamment froide tout au long de l’année pour être gelée à l’intérieur et près de la surface. Le fait que cela reste gelé agit comme un support naturel et empêche la circulation de l’eau, la glace bouchant les fractures possibles. C’est une situation classique dans les Alpes.
Avec le réchauffement climatique, les années de plus en plus chaudes, des hivers doux et des étés chauds, nous avons des zones qui étaient prises par le permafrost qui reculent voire disparaissent.
Le retrait du permafrost explique les éboulements fréquents dans les falaises et dans les arêtes des sommets de haute altitude. Le retrait du permafrost est concomitant à la fonte des glaciers de montagne, qui les fragilisee et peut provoquer des effondrements.
Avec le réchauffement climatique, on s’attend à ce que le phénomène se poursuive et augmente, potentiellement jusqu’à la disparition totale du permafrost.
Les Pyrénées face au réchauffement climatique
Le réchauffement climatique impacte autant les Pyrénées que les Alpes.
Dans les Pyrénées, le réchauffement climatique va augmenter potentiellement la fréquence, peut-être la taille des éboulements. Là ce n’est pas l’effet de la fonte de permafrost qui en est la cause comme dans les Alpes mais bel et bien les conséquences du réchauffement climatique. Avec l’augmentation de l’intensité des orages, des pluies plus extrêmes que d’habitude, il risque de se produire des coulées de boues, des effondrements et des glissements de terrains.
On se souvient de la crue du Bastan de 2013 où des orages diluviens, ajoutés à la fonte de la neige abondante en montagne après un hiver particulièrement enneigé, ont entraîné de très graves inondations dans les Hautes-Pyrénées. Il y a eu de nombreux dégâts, des routes coupées, des habitations et des commerces envahis par les boues, à Barèges, Luz-Saint-Sauveur, Cauterets, mais aussi à Lourdes où des hôtels et la Grotte se trouvent au bord du Gave.
Il a fait très chaud ce printemps-là et les fortes pluies ont fait fondre et couler la neige. On a donc eu une accumulation avec une forte arrivée d’eau.
Le problème du réchauffement climatique dans les Pyrénées, il va se poser non pas avec les fortes chaleurs mais avec les violents orages et fortes pluies qui pourraient reproduire le scénario de 2013. On s’attend à une augmentation de zones qui vont s’effondrer pendant ces épisodes. De nombreux secteurs fragiles restent sous haute surveillance, comme celui de la commune Vielha près de Bagnères-de-Luchon. En 2018, un éboulement s’était produit au-dessus de la commune mais le glissement de terrain des pentes sous-jacentes, continue depuis.
Des secteurs sous surveillance dans les Pyrénées
Il y a des épisodes orageux chaque année et les secteurs fragiles sont référencés et surveillés de près. On peut citer quelques exemples :
- Les gorges de Luz-Saint-Sauveur, où passe la route D921 qui conduit à Luz-Saint-Sauveur,
- Les gorges à la sortie se Saint-Lary Soulan en direction d'Aragnouet. C’est un secteur très surveillé, il y a des éboulements et une zone de glissement de terrain qui s'affaisse.
- Sur la route qui va de Gedre et Gavarnie, la signalétique est présente avec un certain nombre de protections mises en place, suffisantes pour les petits éboulements. En revanche si des éboulements plus importants se produisent comme ceux de ce printemps près du Col du Pourtalet dans le Béarn près du village de Laruns, les protections ne suffisent pas.
Tout cela est un peu inquiétant mais reste difficile à surveiller. Selon la violence des intempéries certaines zones moins instables et donc non surveillées pourraient être touchées comme par exemple dans le Béarn en 2018.
L’enjeu dans les Pyrénées c’est vraiment l’augmentation de l’intensité des orages.