Après la chute de la République espagnole en janvier 1939, des centaines de milliers de réfugiés traversent les Pyrénées pour rejoindre la France. Certains seront hébergés à Agde. La ville commémore le camp des Catalans et la Retirada du 12 au 16 mars.
Il y a 80 ans, la chute de Barcelone signe la fin de la République espagnole et la victoire de Franco. Des centaines de milliers de réfugiés traversent les Pyrénées en plein hiver pour rejoindre la France.
Après des tergiversations et sous la pression de la population, le gouvernement français accepte d'ouvrir la frontière le 28 janvier 1939, d'abord pour les seuls civils, puis pour les soldats de l'armée républicaine espagnole.
Pour les héberger, des camps très sommaires sont construits, d'abord dans les Pyrénées-Orientales, comme sur la plage d'Argelès ou à Rivesaltes.
Pour désengorger ces camps, d'autres sont construits, comme à Agde.
Une association (l'AMCA) entretient la mémoire de ce camp des Catalans et organise des conférences et des expositions sur la Retirada et les 80 ans de la création du camp d'Agde, du mardi 12 mars au samedi 16 mars. Une semaine internationale de l'exil et de la mémoire, parrainée par le chanteur catalan Cali et conclue par un concert de Paco Ibanez.
La transmission de la mémoire en question
Une stèle en pierre noire, c'est tout ce qu'il reste du camp construit à Agde pour héberger les Républicains espagnols, fuyant le régime franquiste.En mai 1939, il y avait ici 25 000 réfugiés, des baraquements étendus sur 30 hectares, construits par les militaires français.
Pour transmettre ce passé, il ne reste aujourd'hui que la mémoire des survivants.
Joseph Vilamosa, 92 ans, et Maria Blaya-Marza, 95 ans, ne s'étaient jamais rencontrés. Ils avaient 11 et 14 ans quand ils ont franchi les Pyrénées à quelques jours d'intervalle en hiver 1939. Et ils ont les mêmes souvenirs : la peur, le froid, la faim, les poux.
Maria fuyait Taragonne avec ses deux petits frères, séparée de ses parents. Grâce à la Croix Rouge, elle retrouve ses parents à Sarlat et la famille s'établit en Dordogne.
Il lui faudra 50 ans pour se sentir vraiment acceptée dans son nouveau pays. Et plus longtemps encore pour raconter ses souvenirs de la Retirada.
Il faut dire les choses douloureuses, ne pas oublier, on le doit à nos enfants
Joseph avait perdu ses parents pendant la guerre civile espagnole. C'est avec sa grand-mère et une tante qu'il quitte Barcelone. Un convoi de 5 adultes et 8 enfants, bombardé par l'aviation franquiste jusqu'à la frontière espagnole.
Pour lui, il est essentiel de transmettre cette mémoire vivante et il ne lasse jamais de témoigner auprès des plus jeunes.
Il possède d'ailleurs une vaste collection de documents rares, relatifs à cette époque douloureuse.
Qui mieux que ceux qui l'ont vécu comme moi peuvent dire la Retirada, la souffrance vécue?
Les collégiens et les enfants des écoles primaires d'Agde ont pu rencontrer et poser des questions aux deux survivants, au sein de l'exposition sur les camps présentée au Moulin des évêques à Agde.
La plupart ont travaillé avec leurs enseignants sur des photos et des documents d'époque.
Une autre exposition, à la galerie du Patrimoine de l'office du tourisme d'Agde, est consacrée aux artistes catalans qui ont séjourné dans le camp d'Agde : dessinateurs, peintres, sculpteurs...ça nous touche parce que ça concernait aussi des enfants, comme nous.
Le père de Cèdre Cardona est l'un d'eux.
A la demande du maire de l'époque, Peire Cardona a décoré la salle des mariages de la ville, avec deux autres artistes exilés comme lui. Et c'est toujours émouvant pour son fils de pénétrer dans cette salle, 80 ans après.
D'autres réfugiés espagnols ont préféré taire leur douloureux passé. C'est le cas du père de Pierre Serrano. Lui aussi a vécu au camp d'Agde. mais il n'a jamais voulu en parler à ses enfants.
Beaucoup de réfugiés espagnols étaient comme saisis de sidération mentale
Pendant des années, parce qu'il fallait s'intégrer dans ce nouveau pays, parce que la guerre mondiale a succédé à la guerre civile espagnole, parce que c'était trop douloureux, la Retirada n'a pas été commemorée.
Pour les derniers survivants, les enfants et petits-enfants des Républicains espagnols réfugiés, il est maintenant urgent de raconter l'exil, les camps et l'horreur de la guerre afin d'aider les jeunes générations à tirer les leçons du passé.