En pleine épidémie de Covid-19, les agents de stérilisation des centres de santé, en contact avec du matériel médical potentiellement infecté, sont inquiets. Ces "oubliés" de la chaîne médicale aussi touchés par la pénurie de masques chirurgicaux dénoncent leurs conditions de travail.
"La plupart des gens ne savent même pas que notre métier existe, et on nous oublie encore dans ces moments-là". Les employés* du service stérilisation de la clinique Saint-Privat à Boujan-sur-Libron, près de Béziers, poussent un coup de gueule.Leur service est aussi touché, comme le sont beaucoup d'établissements de santé, par la pénurie de masques chirurgicaux. Ils sont inquiets de devoir exercer leur activité avec "un masque par personne par semaine" contre "un toutes les deux ou trois heures" habituellement.
Car, si leur travail ne nécessite pas de contact avec les patients, il les amène à être en contact constant avec du matérial médical souillé qu'ils ont à charge de laver et décontaminer, puis reconditionner. "Le service prend directement en charge le matériel à la suite des interventions chirurgicales du bloc opératoire, des services annexes d'urgences et de consultations", explique un employé.
Sans nous, aucune intervention ne pourrait avoir lieu dans les établissements de santé.
Du matériel potentiellement infecté par le virus ? "On traite tout ce que les chirurgiens touchent. On est en lien direct avec les germes. Nous avons très peu d’informations sur ce virus, on n'est pas informé des risques", estime-t-il, en faisant référence aux études montrant que le virus peut survivre sur des surfaces inertes.
"J'ai peur d'être contaminée dans ces conditions"
"J'ai peur d'être contaminée dans ces conditions, de rentrer et de transmettre ça à mon mari et à mon enfant", souligne une autre employée de la clinique. En effet, même si les personnels sont protégés lors du lavage des équipements par une visière en verre, "l'air passe". Même refrain à la clinique Champeau à Béziers, où les personnels de stérilisation plafonnent à un masque par jour et travaillent "au sous-sol, sans voir personne et sans reconnaissance", selon l'un d'entre eux.
On parle beaucoup des docteurs, des infirmières, mais très peu des personnels soignants ou techniques, comme nous. Habituellement, nous changeons de masque toutes les deux heures, mais depuis le début de la crise, nous sommes passés à un par jour, et depuis lundi, un pour la semaine. Un masque qui est normalement valable 3 heures et qui devient inutile dès qu'on le touche.
- Un employé du service stérilisation de la clinique Saint-Privat
Le #coronavirus peut rester 3 heures en suspension dans l'air, 4 heures sur le cuivre, 24 heures sur le papier et jusqu'à 3 jours sur une bouteille en plastique ou sur une poignée de porte en acier selon un rapport #COVID19 https://t.co/SCk21CgyoB
— Stéphane Lagarde (@StephaneLagarde) March 13, 2020
Contacté, le directeur de la clinique, Nicolas Daudé, explique que les masques fournis en stérilisation ne servent que lors du reconditionnement des équipements, pour les protéger de la contamination par les employés eux-mêmes. "Les employés ont droit à un masque par jour, et peuvent en changer si celui-ci à été compromis. Le virus se transmet par micro-gouttelettes, il n'y a donc aucune raison de craindre pour sa santé", répond-il.
Actuellement, le service tourne à 4 employés contre 10 habituellement, pour 10 interventions par jour, soit huit fois moins que d'ordinaire, selon le directeur de la clinique. "Seules les opérations indispensables de cancérologie et les urgences chirurgicales qu'on nous envoie de patients non atteints par le Covid-19" sont traitées. Malgré ces mesures, l'inquiétude autour de ce virus demeure.
*Nous avons choisi de préserver l'anonymat des employés dont nous avons recueilli la parole