Avec sa nouvelle campagne de communication placardée à Paris pendant deux semaines, la ville de Béziers espère attirer les touristes cet été. Le visuel "décalé" est assumé par le maire Robert Ménard. Il reprend un tableau américain qui n'a en apparence aucun lien avec Béziers. Décryptage.
"Quand tu n'as jamais visité Béziers", écrit en capitales sur la peinture d'un homme et d'une femme au visage fermé. Une affiche placardée sur plus de 200 panneaux publicitaires de la ville de Paris depuis le 6 juin, qui a de quoi interpeller les passants. "C'est un visuel décalé, d'un ton qui nous ressemble : un peu distancié" argumente Robert Ménard, le maire de Béziers. Pourquoi ne pas avoir choisi un joli cliché du paysage biterrois pour mettre la ville en valeur ? "Il y a plein de belles photos de toutes les villes du monde, on a fait un pari en proposant quelque chose de différent", développe l'édile.
Pour cette campagne de communication de deux semaines, la mairie a déboursé 15 000 euros. L'objectif est d'attirer les touristes dans cette "ville du midi où il fait bon vivre" indique le maire. Il pense notamment aux spectateurs des Jeux Olympiques, qui seront plusieurs millions à Paris cet été.
L'affiche choisie représente un célèbre tableau des années 1930, "American Gothic" du peintre Grant Wood. Un tableau "iconique" aux yeux du maire, qui espère jouer sur l'effet de surprise à la lecture de l'affiche. Interrogée, une spécialiste de la communication décrypte cette image : "Au premier abord, on voit surtout deux personnes qui semblent faire la tête, c'est un visuel rébarbatif", analyse Karine Berthelot-Guiet, professeure en sciences de l'information et de la communication au Celsa-Sorbonne université. Après l'image, vient la lecture du slogan, qui apporte le décodage du visuel : "L'image illustre l'état d'esprit des personnes qui n'auraient pas eu la chance de visiter la ville : une certaine tristesse."
Un choix "étrange"
Un contrepied, utilisé dans la pop culture, qui vise à interpeller. Mais ce pari ne convainc pas la spécialiste : "C'est une image clivante. Elle pointe du doigt les gens en leur disant "tu ne fais pas partie des élus"." Pour Karine Berthelot-Guiet, le choix du tableau n'est pas anodin : "Il représente deux fermiers protestants, il dépeint un certain puritanisme américain, et par extension, cela peut être dévalorisant pour les personnes qui auraient un mode de vie sobre." Par ce biais, l'œuvre d'art "perd de son aura", elle est franchement "détournée" de son sens initial. "C'est un choix étrange, qui peut poser problème" aux yeux de la professeure. Elle ajoute : "Une grande marque ne l'aurait pas osé." La spécialiste n'est pas certaine que les passants comprennent le message.
Sur les réseaux sociaux en tout cas, la campagne publicitaire fait jaser. Sous la publication Facebook, plusieurs dizaines de commentaires. Les habitants se réjouissent de voir le nom de leur ville affiché dans la capitale. Mais l'affiche choisie divise.
Vu les tronches, tu évites Béziers.
Yvan, utilisateur de Facebook
Certains ne l'apprécient pas : "Faire passer les Biterrois pour des gueux, c’est sûr que ça attire l’œil" commente Marie-Clémentine, "Vu les tronches, tu évites Béziers", ajoute Yvan. "La plus vieille ville de France, la ville natale de Jean Moulin, capitale mondiale du vin, avec le maire le plus célèbre de France, avait certainement mieux à montrer pour séduire, que ces représentations peu inspirantes", s'étonne Patrick.
D'autres sont convaincus : "Très bonne campagne publicitaire qui essaie de remonter le niveau", se réjouit Christine, rejointe par Moony : "Moi j'adore cette publicité ! Elle détonne et provoque la réflexion, et pour ceux qui connaissent, le sourire." Une certitude subsiste : la mairie de Béziers n'a pas fini de faire parler de sa ville.