Anniversaires, rassemblements et fêtes clandestines se sont tenus ce week-end dans l'Hérault et dans le Gard. Des regroupements interdits qui ont suscité des verbalisations mais qui montreraient un besoin de plus en plus pressant de convivialité et de liberté.
Ce samedi 27 janvier, les joueurs de boules du quartier des Beaux-Arts de Montpellier ont vu leur partie de pétanque se terminer avec des procès-verbaux. Le club de pétanque avait organisé un petit tournoi avec une quarantaine de personnes et fêtait un anniversaire. Une patrouille de police, prévenue de cet évènement interdit par la réglementation en vigueur avec l’état sanitaire, a stoppée la fête et les boulistes ont été sommés de se disperser. L’un d’eux refusant de s’exécuter a été verbalisé pour non-port du masque. Le responsable du club de boules des Beaux-Arts a été verbalisé pour rassemblement non autorisé.
Ce ne sont pas les seuls. A Montpellier, les contrôles liés au couvre-feu et aux mesures sanitaires se sont multipliés tout le week-end. Trois opérations de contrôles ont été mises en place entre 18 h et 2 h du matin à Montpellier : sur l'avenue de Toulouse et sur les secteurs sensibles de Gambetta, la Cité Gély et la Mosson. Au total, 77 procès verbaux ont été dressés, 49 pour non respect du couvre-feu, 28 pour des délits routiers en tout genre.
A Montarnaud, un appel à se rassembler pour une fête sauvage dans un lieu privé était lancé sur les réseaux sociaux samedi soir. Les gendarmes de Castelnau-le-Lez ont intercepté vers 21 h les fêtards qui commençaient à se rassembler; Une cinquantaine de personnes, des jeunes majeurs, ont été verbalisées pour non-respect du couvre-feu. Une enquête a été ouverte pour identifier l'organisateur de ce rassemblement festif.
Des anniversaires dans des lieux privés
Dans le Lodévois, les gendarmes ont également contrôlé des habitants qui avaient décidé d'inviter plusieurs dizaines de personnes à domicile pour fêter des anniversaires. A Argelliers, 35 convives étaient réunis pour célébrer un anniversaire mais sans le masque et les gestes barrières. L'hôte sera convoqué en gendarmerie et verbalisé pour rassemblement interdit à plus de six dans un lieu privé.
Les militaires sont également intervenus à Aniane et Aumelas, dans des lieux privés où une vingtaine de personnes étaient rassemblées pour souffler des bougies. Les participants ont été verbalisés pour non-port du masque et non-respect du couvre-feu. L'hôte sera lui aussi convoqué en brigade pour organisation de rassemblement interdit à plus de six dans un lieu privé.
A Vénéjean, dans le Gard, les gendarmes sont intervenus samedi et dimanche lors d'un rassemblement et ont dressé 124 procès-verbaux en 2 jours.
Quelles amendes ?
Quels risques encourus en cas de rassemblements festifs ?
Selon le parquet de Montpellier, les pénalités encourues pour les rassemblements festifs illégaux diffèrent sensiblement selon qu’elles s’appliquent aux organisateurs ou aux participants.
Pour les organisateurs, concernant les rassemblements festifs à caractère musical (raves party notamment) se déroulant au mépris des règles sanitaires, les organisateurs pourront se voir appliquer les contraventions de la 5ième classe d’organisation d’un rassemblement festif sans déclaration préalable ou malgré interdiction.
Il encourent ainsi 1500 euros d’amende et peuvent également se voir appliquer à titre de peine complémentaire la peine de travail d’intérêt général.
Le matériel de sono peut-être saisi et confisqué dans le cadre de cette infraction.
Ils pourront en outre se voir reprocher des infractions à la législation sur le travail, et notamment du travail dissimulé si l’organisateur de la soirée a recours à une main-d’œuvre non déclarée ou subordonne l’accès à la soirée à un droit d’entrée faisant de celle-ci une activité à caractère lucratif.
Il s’agit alors de délits passibles de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Ils peuvent également être poursuivis du chef de mise en danger délibérée de la vie d’autrui et encourent de ce chef la peine d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende si les locaux utilisés ne respectent pas les règles de sécurité relatives aux ERP (établissements recevant du public) par exemple
Les personnes ayant loué des locaux en connaissance de cause peuvent être poursuivies pour complicité de ces infractions.
Si le rassemblement a lieu dans un établissement recevant du public, le propriétaire encoure une contravention de la 5ieme classe pour l'ouverture irrégulière d'un établissement recevant du public (1500 euros d'amende).
Les simples participants au rassemblement peuvent se voir reprocher les contraventions de la 4ème classe sanctionnant le non port du masque, les déplacements en violation du couvre feu (amende forfaitaire de 135 euros pouvant aller jusqu’à 750 euros). Les sanctions pénales sont majorées en cas de réitération des faits
Ils peuvent également faire l'objet d'une contravention de la 4ième classe pour non respect du décret du 26 octobre 2020 interdisant les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public mettant en présence plus de six personnes. (amende forfaitaire de 135 euros pouvant aller jusqu’à 750 euros)
Si le rassemblement à lieu dans un lieu privé, les participants et l'organisateur peuvent être sanctionnés pour trouble de voisinage, contravention de la 3ième classe (amende forfaitaire ou pouvant aller jusqu’à 450 euros d'amende).
Si le rassemblement a lieu dans un établissement recevant du public, les participants encourent l'amende prévue pour les contravention de la 4ieme classe pour entrée dans un établissement recevant du public en violation d'une mesure de fermeture ou de restriction d'ouverture au public (amende forfaitaire de 135 euros pouvant aller 1500 euros d'amende).
En théorie, chaque personne trouvée en infraction (participant) peut faire l’objet d’une (ou plusieurs en cas de cumul d’infractions) verbalisation mais les services de police et de gendarmerie peuvent adapter leur pratique afin d’agir avec discernement en fonction de la situation constatée.
S’agissant des organisateurs, les infractions sont systématiquement relevées et des poursuites pénales sont systématiquement mises en œuvre.
Des contrôles constestés
La Direction Départementale de la Sécurité Publique met donc les bouchées doubles sur les contrôles liés aux infractions des restrictions sanitaires. Mais est-ce légal ? Certains juristes se sont exprimés dans un article sur le site PublicSénat.fr .
" Il y a des recommandations de ne pas être plus de six, mais pas d’interdiction », souligne Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille dans cet article.
« Il n’y a pas de limite de personne. On peut être 60 dans un appartement de 20 m2. C’est déconseillé pour plein de raisons, mais ce n’est pas illégal » confirme Evan Raschel, professeur de droit pénal à l’université de Clermont-Auvergne.
Conséquence : les policiers n’ont tout simplement pas le droit de venir chez vous, comme bon leur semble.
« Une des libertés fondamentales, c’est le respect de la vie privée qui est garanti par la Constitution et l’article 9 du Code civil. C’est l’une des bases de l’Etat de droit, sinon n’importe quel policier rentrerait chez vous. On ne serait plus du tout en Etat de droit », indique Maître Avner Doukhan, avocat au barreau de Paris, dans le même article.
" On ne peut pas sanctionner le fait d’être à 30 dans un appartement ", rappellent les juristes, sauf pour tapage nocturne ou non-respect du couvre-feu, s’il est bien constaté. La mise en danger de la vie d’autrui « ne tient pas » non plus sur le plan du droit," conclut le journaliste François Vignal.
Un besoin de convivialité et de liberté
Ces rassemblements festifs traduisent un besoin de se retrouver socialement, de rompre l'isolement, de se réunir en famille et entre amis. Et cela augmente dans les cabinets des thérapeutes.
" Je vois les tensions monter. La solitude et le manque de contacts créent des tensions qu'il faut évacuer. Si on n'évacue pas ces tensions, cela risque de se retourner contre soi, avec des dépressions voire des suicides. Ou de se retourner contre les autres par la violence. " analyse Jacque Lucas, psychothérapeute. "Faire la fête est un très bon moyen d'évacuer ce mal-être. Se rassembler est un besoin indispensable et salvateur. Sans cela, on est seul et sans soutien, face à soi et au vide. Les gens devraient pouvoir se rassembler dans un cadre de protection."
Depuis un an, l'association SOS Amitiés Montpellier enregistre une très forte hausse d'appels de détresse liés à l'isolement.
" La solitude est la principale cause des personnes qui nous appellent. Depuis un an, cette solitude s'est renforcée. Nous avons beaucoup de familles monoparentales, de personnes âgées qui ne voient personne pendant une semaine ou plus" explique Gérard Villard de SOS Amitiés 34.
Selon une enquête de l'IFOP (Institut français d'opinion publique), un Français sur cinq dit avoir souffert de solitude en 2020. Un chiffre en hausse de 5 points par rapport à 2018.