Une succession d'épisodes de chaleur, des phénomènes météo plus violents, le changement climatique pourrait profondément changer notre agriculture. Comment les producteurs vont-ils s’adapter, les fruits et les vins d’Occitanie sont-ils menacés ? Nous avons posé la question à Serge Zaka, agroclimatologue dans l’Hérault.
Les pistaches, le sorgo, les agrumes... Ces nouvelles cultures pourraient devenir banales dans les paysage d'Occitanie dans les prochaines années ? Remplaceront-elle à terme les cultures actuelles, comment l'agriculture va-t-elle s'adapter au changement climatique ? France 3 Occitanie a posé trois questions à Serge Zaka, agroclimatologue dans l'Hérault.
France 3 : 2022 est l’année la plus chaude jamais enregistrée, est-ce qu’on va aller de plus en plus vers ce type de climat ? Est-ce qu’on est sûr maintenant que le changement climatique est bien en marche ?
Serge Zaka : l’année 2022 est un symptôme du changement climatique. C’est l’année la plus chaude enregistrée en France et la 2e la plus sèche avec 25 % de déficit de pluie. Mais cette année 2022 sera une année tout à fait classique d’ici 2050, 2055. De récentes études ont été faites par des climatologues en ce sens. Ils ont montré que la moyenne des températures d’ici 2050 à 2055 sera équivalente à celle de 2022.
Pour l’instant, 2022 est une exception, cela ne veut pas dire que 2023, 2024, 2025 seront plus chaudes. C’est en dent de scie qu’on monte avec le changement climatique, mais 2022 est bien une année qui sera symptomatique du changement climatique.
France 3 : à quoi pourrait ressembler le climat en Occitanie et quelles conséquences pour l’agriculture ?
Serge Zaka : sur la région Occitanie, le climat va ressembler typiquement à ce qu’on a eu en 2022, c’est-à-dire une succession d’épisodes de chaleur. Un nombre de jours avec des températures au-dessus des 35 degrés qui pourrait être multiplié par deux, voire par trois par rapport à avant les années 2000. On aura également des sécheresses plus longues, qui commenceront plus tôt et qui finiront plus tard durant la saison estivale mais également des végétaux qui vont être très développés en hiver et qui subiront l’impact des gels tardifs fin mars et en avril. Cela aura un impact extrêmement important pour l’agriculture en Occitanie.
Premièrement pour le fourrage : on aura un déficit qui sera marqué en été, comme en 2022, et au contraire des excès au printemps et à l’automne. Pour le blé et pour le maïs, on aura soit des rendements qui vont être impactés par ces fortes chaleurs et ces fortes sécheresses. Des rendements qui seront plutôt stables ou en légère baisse pour le blé mais par contre en forte baisse pour le maïs.
Pour la viticulture, ce sera des vignes qui seront beaucoup plus développées à la sortie de l’hiver et qui seront beaucoup plus sensibles au gel s’il y a du gel en mars ou avril. Il y aura aussi les qualités organoleptiques des vins qui sont déjà en train d’être modifiées et qui vont subir d’autres modifications avec le changement climatique. C'est le cas notamment du taux d’alcool dans le vin qui augmente, un taux qui a gagné entre 1 et 2 degrés et qui devrait continuer à gagner 1 à 2 degrés d’ici 2040-2050. C’est le goût du vin, le goût de notre terroir qui va être modifié par le changement climatique.
France 3 : les plantes vont-elles pouvoir s’adapter ou faudra-t-il en trouver de nouvelles ?
Serge Zaka : il faut savoir que la capacité d’adaptation des écosystèmes et des arbres est assez limitée génétiquement parlant. Quand on atteint les 40 degrés, ça devient vraiment difficile. Il faut que l’homme intervienne dans cette sélection génétique pour avoir des variétés de blé ou de maïs, voire des cépages de vignes beaucoup plus résistants aux canicules et aux sécheresses.
Quand on compare les rendements avec les années 70 où il y avait plus de pluie, on a à peu près les mêmes aujourd’hui alors qu’il y a plus de sécheresse. Cela veut dire qu’on a eu une évolution génétique qui nous a permis d’éviter une très forte baisse de rendement en 2022. Il faut qu’on continue cet effort génétique.
Il y a également d’autres perspectives comme l’arrivée de nouvelles espèces, comme par exemple la pistache, éventuellement les agrumes là où il y a le plus d’eau disponible ou éventuellement le sorgo. Il faudra peut-être aussi remplacer le blé par l’orge suivant les sols, les terroirs. Tout n’est pas perdu avec le changement climatique, c’est juste l’adaptation très forte de notre agriculture qui est nécessaire et c’est dès aujourd’hui qu’il faut le faire.
Changement climatique, comment l'agriculture peut-elle s'adapter ? Ce sera le thème de l'émission "Dimanche en politique" diffusée sur France 3 Occitanie, dimanche 5 février à 11h30.
L'année 2022 restera la plus chaude jamais enregistrée par Météo France. Températures moyennes, précipitations, découvrez ci-dessous les valeurs enregistrées dans l'ensemble des stations météo de la région Occitanie.
