La musique nous fait du bien. Elle agit sur notre moral mais beaucoup plus surprenant, elle a aussi des vertus thérapeutiques pour les végétaux. Cela s’appelle la génodie. Cette théorie scientifique explore le pouvoir des mélodies sur le processus biologique des plantes.
Savez-vous qu’il existe de la musique pour les courgettes ? Voici l’histoire de Gilles. Il cultive ses légumes sous serre dans le Vaucluse. Par le passé, ils ont été attaqués par le virus de la mosaïque dorée. Il est transmis par les insectes piqueurs et suceurs puis disséminé dans les cultures par les coups de sécateur de Gilles au moment de la taille.
Ses plants se décoloraient et présentaient des bosses. Ils étaient moches et invendables.
Il n’existe aucun traitement pour venir à bout de ce virus. Alors pour éviter d’arracher ses légumes, ce maraîcher est allé chercher une solution étonnante. Il a installé auprès de ses courgettes des boitiers pour diffuser de la musique. Rien à voir avec Mozart ou Beethoven. Pendant 10 minutes, le soir, ses végétaux reçoivent une bande son appelée « protéodie ». Il s'agit d'une musique répétitive voire lancinante, une suite de sons plutôt qu’une mélodie. Elle est utilisée pour stimuler la croissance des plantes ou inhiber une maladie.
"Avec cette technique, le virus ne peut plus se développer. Je peux aller au bout de ma culture. Les résultats ont été immédiats. Sans cette solution, j’aurais arrêté cette activité. La musique a sauvé mes plants" explique Gilles Josuan, maraîcher.
Reproduire la musique du vivant
Pour comprendre d’où vient ce remède étrange, il faut remonter à la fin des années 1960. A son origine : le français Joël Sterheimer. Ce docteur en physique quantique parti approfondir ses recherches à l’université de Princeton aux Etats-Unis revient en France. Il devient chanteur sous le nom de Evariste. Puis il retourne à sa passion première, la physique.
Il finance alors ses recherches avec la vente de ses disques. Et il va découvrir cette thérapie musicale qu’il appelle génodique pour entrer en dialogue intime avec une plante et la réguler.
Ses travaux ont mis en évidence que la nature chantait ! Il s’est aperçu que le vivant était construit comme une partition de musique. Il a travaillé sur les fréquences émises lors de la synthèse des protéines. Et il les a transposées en notes de musiques. A chaque protéine donc sa gamme musicale.
Il fallait une bonne dose de créativité pour imaginer, à partir de fréquences inaudibles pour l’oreille humaine, des musiques qui influencent les organismes des êtres vivants par une action sur l’ADN et la stimulation de certains gènes.
Des applications multiples
Cette découverte, un homme s’y est intéressé. Dans les années 90, Pedro Ferrandiz prend un cours de guitare et rencontre Joël Sternheimer. Pedro, biochimiste et agronome de formation est fasciné par les recherches de Joël. Ensemble ils font des expérimentations sur les végétaux.
Et en 2008, ils fondent, avec quatre autres associés, la société Genodics. Ils élaborent alors des protéodies pour des usages agricoles ciblés. 173 agriculteurs en France y ont recours pour aider leur culture.
Les applications sont nombreuses. Une cinquantaine a été développée. "Elles concernent l’accompagnement des différents stades de culture : enraciner la plante, améliorer sa photosynthèse et développer sa floraison. Il y a d’autres applications pour que la plante résiste mieux au chaud et au froid. Il s’agit aussi de stimuler ses défenses face aux maladies », détaille Pedro Ferrandiz, Président de Genodics
Une vigne de meilleure qualité
Cette méthode ne dispense pas de l’utilisation de traitement. Mais elle les limite. Nathalie Bruel, viticultrice héraultaise en bio, a mis ses vignes sous protection musicale, il y a 10 ans. Elle a réduit sa dose de cuivre dans sa lutte contre le mildiou. Elle constate surtout un bien-être général de ses vignes.
"Le feuillage est plus vert et moins marqué par les maladies. Cela agit sur la maturation du raisin. Je l’ai aussi utilisé face au gel et réduit mes pertes. Ce n’est peut-être pas dû uniquement à la musique mais moi j’y crois », témoigne Nathalie Bruel, viticultrice.
Après des années de controverses scientifiques, l’inventeur de la génodique, Joël Sternheimer, a obtenu un brevet. C’était en 2007. Cette théorie a été approfondie par des travaux à l’université de Cergy-Pontoise. Les chercheurs ont étudié la résistance du petit pois au stress hydrique, ce qui a débouché sur une publication scientifique en 2020. Grâce à cette publication, l'Agence Nationale de la Recherche a débloqué un financement pour poursuivre ces travaux. Un enjeu d’avenir alors que la sécheresse questionne de plus en plus nos modèles agricoles.