Les deux militaires sont soupçonnés d'avoir joué les gros bras pour le commerçant, en extorquant la démission de plusieurs salariés. Des faits qu'ils nient depuis leur garde à vue et leur suspension en septembre 2012.
L'affaire est jugée par le tribunal correctionnel de Montpellier.
L'audience de mercredi
Deux gendarmes de la Section des recherches de Montpellier, soupçonnés d'avoir joué les gros bras pour extorquer la démission de quatre salariés d'une concession automobile appartenant à un ami ont fait valoir leur probité mercredi devant le tribunal correctionnel de Montpellier.
Les quatre salariés sont parties civiles dans cette affaire. Tous ont accusé leur patron d'avoir utilisé ses amis et compagnons de belote coinchée, aux dossiers impressionnants jusque-là, pour obtenir leur démission.
"+On va s'occuper de votre cas. La démission, c'est mieux pour vous+, ont-ils dit", a raconté un ex-salarié à l'origine de la plainte, un mois après avoir signé sa lettre. Un délai qui lui a été d'ailleurs reproché.
Les "gendarmes d'élite", comme les a qualifiés le président du tribunal, Philippe De Guardia, ont nié les faits. Dans trois des quatre cas, ils ont assuré n'avoir pas été présents et dans le quatrième, Jérôme Gaignard a reconnu une présence "de prévention" et limitée dans le temps, à la demande de son copain, persuadé que son salarié préparait une escroquerie parce qu'il envisageait d'aller travailler à l'étranger.
"Votre simple présence, comme gendarme, même sans un mot, n'était-elle pas déjà une pression ?", a demandé le président au chef Gaignard, qui a répondu en rappelant ses 35 ans de bons et loyaux services.
Le gendarme a insinué que les parties civiles pourraient mentir, ce qui leur permettrait, comme l'a aussi fait remarquer le président à l'ouverture de l'audience, d' "améliorer leur dossier prudhommal" s'ils gagnaient le procès.
Le président De Guardia a souligné que le concessionnaire ne s'est jamais embarrassé de fioritures, récupérant ainsi le véhicule de fonction de son employé sur son parking lorsqu'il était est malade et le confortant dans l'idée qu'elle avait été volée.
"Le problème, c'est que vous refusez le licenciement parce que ça prend du temps et que ça risque de coûter cher, surtout lorsqu'un salarié a une dizaine d'années d'ancienneté", a relevé le président s'étonnant du manque de preuve sur les malversations.
"Ne vous êtes vous pas monté un film" ?, a demandé le magistrat au concessionnaire.
"Non, a répondu, Eric Capel, on sentait qu'il allait se passer quelque chose".
"Pensez-vous qu'un gendarme soit à sa place lors d'une réunion entre un employeur et un salarié, fut-il soupçonné de malversation ? Et en quoi cette escroquerie vous concernait ? S'il termine en prison, peu vous chaut", a repris le président.
"Je voulais leur regard pro", a ajouté M. Capel.
Les réquisitions et les plaidoiries étaient prévues dans la soirée pour un jugement qui pourrait être mis en délibéré.
L'Inspection générale de la gendarmerie nationale a enquêté
L'IGGN a entendu les 2 gendarmes, suite à la plainte d'un employé de la concession automobile déposée en 2011. Celui ci affirme avoir été obligé de démissionner sous la menace.
Les faits se seraient passés en août 2010 dans le bureau du patron de la succursale en présence des 2 militaires.
3 autres ex-salariés auraient raconté le même scénario aux enquêteurs de l'IGGN.
Une autre partie civile, un chef d'atelier, aurait été menacée par les 2 hommes, d'avoir les jambes brisées, s'il ne partait pas de la société.
Le concessionnaire affirme, de son côté, qu'il était seul dans le bureau et qu'il suspectait certains employés de malversations, d'où la demande de démission.
Les 2 gendarmes affirment qu'ils n'étaient pas présents au garage le jour de cet entretien.
Le procès sera donc difficile. Tout repose sur la parole de chacun des intervenants.
Retour sur les faits
Ce sont 3 anciens agents commerciaux d'une concession automobile du Crès qui ont porté plainte contre leur patron et 2 gendarmes.
Fin août 2010, ils disent avoir été obligés de signer une lettre de démission sous la contrainte de leur patron, aidé des deux gendarmes qui étaient en civil.
Les 2 gendarmes nient les faits. Ils sont enquêteurs à la section de recherche de la gendarmerie de Montpellier.
Les 2 militaires sont libres mais placés sous contrôle judiciaire. Ils sont également suspendus de leur fonction.
Le communiqué de la gendarmerie de septembre 2012
Saisie par un soit-transmis du procureur de la République de Montpellier, l'inspection générale de la gendarmerie a diligenté depuis janvier 2012 une enquête préliminaire pour des faits présumés d'extorsion de signature et de détournement de finalité de données.
Dans ce cadre, deux militaires de la section de recherches de la gendarmerie de Montpellier ont été mis en garde à vue le 13 septembre 2012, puis présentés le 14 septembre 2012 devant le procureur de la République de Montpellier.
Placés sous contrôle judiciaire dans l'attente de leur jugement devant le tribunal correctionnel de Montpellier, ces militaires font, par ailleurs, l'objet d'une procédure administrative conservatoire de suspension de fonctions.