Créer une entreprise "n'est pas qu'une question d'argent, mais aussi de savoir-faire". Pour Mohed Altrad, qui a officiellement pris mi-avril la tête de la nouvelle Agence France Entrepreneur, "former et informer" est tout aussi important que financer les candidats à la création d'entreprise.
Annoncée en février 2015 par François Hollande, dans la foulée des attentats de Charlie Hebdo à Paris, l'AFE, Agence France Entrepreneur, n'a pas immédiatement vu le jour. Son lancement opérationnel a eu lieu le 13 avril dans une relative discrétion.
On a mis beaucoup de temps pour mettre au point la feuille de route", explique dans un entretien à l'AFP Mohed Altrad, vers qui s'est tourné le président de la République pour diriger cette structure.
Au final, l'AFE est "une forme de renaissance de l'Agence pour la création d'entreprise" (APCE), qui avait pour vocation, à travers un site internet uniquement, de fournir aux créateurs et repreneurs d'entreprise toute une série d'informations pratiques sur la marche à suivre et les personnes à contacter pour leur projet, indique-t-il.
"Aujourd'hui, on va former, informer", via le site et en participant aux salons et manifestations, mais aussi "financer", grâce à un budget d'environ "100 millions d'euros", expose-t-il.
1.500 zones en France sont concernées
Avec une nouvelle priorité assignée par le chef de l'Etat: s'intéresser plus particulièrement aux territoires fragiles, aussi bien dans les villes qu'à la campagne. Au total, cela concerne "1.500 zones, dans lesquelles habitent 11,5 millions de personnes" et où le taux de chômage peut avoisiner les 30%, selon M. Altrad.
Le choix de cet entrepreneur de Montpellier pour mener à bien cette mission relève du symbole: parti de rien - il est né en Syrie dans une famille de bédouins - il s'est bâti une fortune autour de son groupe, Altrad, qui est aujourd'hui un des leaders européens des échafaudages et des services aux industries du BTP.
Une réussite qui lui a valu de se voir décerner en 2015 le Prix mondial de l'entrepreneur par le cabinet EY.
Mais pas question pour lui de servir de simple faire-valoir en assumant la fonction de président de l'AFE. "Je ne suis pas à la recherche d'une fonction, je suis assez occupé par ailleurs", assure celui qui est aussi le propriétaire du club de rugby
de Montpellier, le MHR.
Il faut une synergie et une visibilité dans un maquis d'aides complexes et divisés
De fait, il n'hésite pas à égratigner la politique d'accompagnement à la création d'entreprise menée jusqu'à présent et entend y mettre un peu d'ordre.
Vous avez plein de réseaux, plus ou moins importants, plus ou moins influents", constate-t-il. Initiative France, Réseau Entreprendre, Adie, BGE, chambres de commerce et d'industrie... Les associations et organismes dédiés à l'aide aux créateurs d'entreprise constituent en effet un véritable maquis dans lequel il est parfois difficile de se retrouver. Il arrive parfois qu'un créateur d'entreprise soit "approché par trois ou quatre réseaux en même temps", raconte Mohed Altrad, qui déplore une "perte de temps et d'argent".
Par ailleurs, selon lui, "80 à 90%" de l'argent alloué à ces associations sont dépensés dans des frais de fonctionnement, et seuls "1 ou 2%" pour les zones défavorisées.
"Vous avez plusieurs milliards d'euros qui sont dépensés et a priori sans synergie",ajoute-t-il, s'appuyant sur un rapport de la Cour des comptes publié en 2012.
Son but ? "Créer une synergie et mesurer l'efficience de ce qui est fait", en mettant notamment en place un comité de coordination des réseaux, composé en partie de membres de ces associations, pour leur permettre de trouver "un langage commun".
Mohed Altrad souhaite aussi aller plus au contact des populations défavorisées pour les informer et leur transmettre un savoir-faire.
Dans ces quartiers, "il y a une vitalité économique considérable", avec "deux fois plus de créations d'entreprises qu'ailleurs", souligne-t-il. Mais elles périclitent aussi "trois fois plus qu'ailleurs", ajoute-t-il.
Quant à l'objectif de François Hollande de permettre la création dans ces zones de 10.000 entreprises d'ici à 2017, Mohed Altrad reste prudent. "Si vous les créez pour qu'elles disparaissent, ce n'est pas intéressant", dit-il en souriant. "Il faut nous laisser du temps, je suis un bâtisseur".