Le dérèglement du climat promet des épisodes de pluies diluviennes encore plus intenses mais est-on capable de prédire quelle partie de la Méditerranée sera concernée en priorité : Languedoc-Roussillon ou Côte d'Azur ?
Suite aux violents orages qui ont fait samedi soir, 20 morts sur la Côte d'Azur selon un bilan provisoire, la question du dérèglement du climat s'impose. Ce dérèglement du climat devrait conduire dans les prochaines décennies à une recrudescence des phénomènes météorologiques extrêmes. Questions aux chercheurs climatologues Véronique Ducros et Jean Jouzel s'interrogent.
Le dérèglement du climat était-il à l'oeuvre samedi sur la Côte d'Azur ?
"On commence à voir certains indices laissant penser que les événements météorologiques croissent en intensité, mais il faut encore confirmer", souligne Véronique Ducros, qui coordonne le programme de recherche Météo-France/CNRS HyMex sur les cycles de l'eau en Méditerranée.Les scientifiques du climat préfèrent être prudents.
"Pour le moment, on ne peut attribuer" ces pluies au dérèglement du climat, explique le climatologue Jean Jouzel. "On ne peut pas dire que ce n'est pas lié non plus, mais cela demande des études minutieuses, car il y a toujours eu ces événements".
"Peut-être que dans deux ou trois ans, on pourra le faire. C'est comme pour la hausse des températures: l'impact de l'effet de serre et des activités humaines devient clair maintenant, mais il y a 20-30 ans, il l'était moins, alors qu'il existait également. Ca prend du temps.".
En revanche, "nous avons des arguments solides pour dire qu'à l'avenir, il y a des chances que ces phénomènes soient plus intenses, tout simplement à cause du réchauffement de la Méditerranée", ajoute-t-il.
A quoi faut-il s'attendre avec le changement climatique?
Le rapport "Le climat de la France au XXIe siècle", remis en 2014 au gouvernement, prévoit, dans un horizon proche (2021-2050), des températures moyennes en hausse de 0,6-1,3°C et plus de vagues de chaleur, en particulier dans le quart sud-est en été.D'ici la fin du siècle (2071-2100), ces tendances s'accentueraient, avec une forte hausse des températures, particulièrement marquée en allant vers le Sud-Est, et des épisodes de sécheresse plus nombreux dans une large partie sud, pouvant s'étendre à l'ensemble du pays. On assisterait parallèlement à un renforcement des précipitations extrêmes sur une large partie du territoire.
Jean Jouzel, qui a dirigé cette étude, évoque "des précipitations plus importantes localement", à compter de 2050.
"Si on n'agit pas suffisamment vite, si on n'agit pas suffisamment fort", le "drame épouvantable" survenu ce week-end risque de se reproduire, a averti lundi Laurent Fabius, en appelant à "un succès" de la conférence de Paris en décembre, au cours de laquelle 195 états vont tenter de s'accorder pour freiner le réchauffement global.
Pourquoi la Méditerranée est-elle particulièrement vulnérable au dérèglement climatique?
"Avec le réchauffement climatique, on s'attend à plus d'épisodes méditerranéens, en nombre et en intensité", explique Mme Ducros, même si "on n'est pas capable de dire s'il y en aura plus sur les Alpes-Maritimes ou sur le Roussillon"."C'est quand même limité: quelques pourcents d'augmentation d'intensité par degré de réchauffement", ajoute-t-elle, mais "ça peut faire une différence, surtout si ça se produit en peu de temps et sur des surfaces urbanisées".
Le pourtour méditerranéen est de fait "une région très sensible", souligne la météorologue. De par sa géographie : une mer quasi fermée et entourée de reliefs, côté ouest, comme l'Atlas, les chaînes pyrénéenne et alpine, le Massif central... "La mer apporte la vapeur d'eau et l'énergie qui vient nourrir les orages, et les reliefs induisent des circulations (des masses d'air) permettant le développement des nuages", explique-t-elle.
L'augmentation des températures, et notamment celle de la mer, qui a déjà crû de 0,5° ces 50 dernières années, devrait accroître la vapeur d'eau, qui finira par retomber, sur des sols potentiellement plus secs et encore moins capables d'absorber l'eau.
Cette région est en outre dotée de "bassins versants" (zones de collecte de l'eau, comme les cours d'eau) assez petits, pentus et arrivant vite à la mer.
Vient enfin le problème de l'urbanisation: les pluies de ce week-end, "il y a une centaine d'années sur la Côte d'Azur n'auraient pas provoqué les mêmes dégâts", souligne Jean Jouzel.
En matière de risque d'inondations, Le Languedoc n'est pas la Côte d'Azur. Comme le confirme Hélène Durand, gérante d'ALISE GEOMATIQUE, elle était l'invitée du 19/20 Languedoc-Roussillon, du 5 octobre 2015.
Hélène Durand - gérante d'ALISE GEOMATIQUE