Révélée il y a un an, l'affaire Cesson-Montpellier, du nom du match de handball entachée de paris illicites, a largement contribué à la prise de conscience du public et de certaines institutions, des risques découlant des paris sportifs. Il y a eu, depuis, des bouleversements.
A côté de l'ampleur du Calcioscommesse "le scandale des matches truqués en Italie à la fin de la saison 2010-2011", ou de la mise au jour, en février dernier, d'un réseau criminel soupçonné d'avoir truqué 380 matches de football, la tricherie présumée des frères Karabatic et de leurs coéquipiers fait figure de bourde de Pieds Nickelés.
Pourtant, sans doute parce qu'elle est la première d'envergure en France, qu'elle implique un champion olympique iconique et prouve que la fraude peut également tenter les sportifs eux-mêmes, cette affaire de paris truqués a eu un retentissement énorme.
En France, même les plus sensibilisés des observateurs sont tombés de haut.
"Je ne m'attendais vraiment pas à ce que l'on ait un problème avec le handball", confiait alors Christophe Blanchard-Dignac, président de la Française des Jeux, dans le réseau de laquelle les paris avaient été enregistrés.
"C'était la dernière fédération à laquelle j'aurais pensé même si (ce cas) est plus de l'amateurisme que du systématisme. C'est une prise de conscience que ça peut arriver partout."
Concernée au premier chef, la FDJ a réagi. Pas vraiment en renforçant ses systèmes de contrôle déjà à leur maximum, mais en imposant ses vues aux fédérations sportives liées à elle par des contrats de partenariat. Ces dernières, secouées par l'onde de choc de l'affaire, on accepté sans rechigner d'assurer la sensibilisation des sportifs et des entourages.
Parallèlement, le ministère des sports a obligé chaque organisation sportive à se doter d'un délégué intégrité, à mettre en conformité avec la loi règlements et sanctions. Il a également accéléré la rédaction du décret permettant à l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) de croiser les fichiers informatiques contenant les noms des personnes interdites de paris (joueurs, arbitres, entraîneurs etc...) et les parieurs. Une mesure qui ne vaut que pour les paris enregistrés via internet, ceux pris dans le réseau physique de la Française des Jeux, comme ce fut le cas dans l'affaire du handball, restant anonymes.
Jean-François Vilotte, président de l'Arjel, souligne la différence. "L'affaire Cesson-Montpellier est née dans le réseau en dur de la Française des Jeux", rappelle-t-il. "Et il reste dans l'offre de la FDJ des jeux qui sont désormais interdits en ligne." Dans la foulée du scandale, l'Arjel a en effet supprimé de l'offre de paris toutes une série de rencontres plus aisées à manipuler, et notamment les matches sans enjeu, comme l'était le Cesson-Montpellier du 12 mai 2012.
Au total, toutes disciplines confondues, ce sont 164 matches qui ont été sortis de la grille en 2013, pour un manque à gagner de 4 millions d'euros.
Sur le plan international, la faute des joueurs de Montpellier, accusés d'avoir parié sur un score à la mi-temps défavorable à leur équipe, est tout aussi retentissante.
"On ne prend pas la mesure des conséquences de cette affaire à l'étranger et surtout au CIO", reprend Jean-François Vilotte, également vice-président du Comité de rédaction de la convention internationale contre la manipulation des résultats sportifs.
"Elle a rendu claire l'importance du volet pénal des sanctions.", affirme-t-il.
Sur ce plan, les joueurs, très légèrement (voire pas du tout pour certains) sanctionnés sur le plan sportif, seront jugés début 2014.
Les paris illicites : une "bêtise" qui coûte cher aux clubs
Le scandale des paris illicites et du trucage présumé du match de handball Cesson-Montpellier par des joueurs du club héraultais a bouleversé la carrière et l'image de ces derniers mais surtout l'équilibre sportif et économique des deux clubs.Un an après la révélation de l'affaire, que sont devenus les acteurs de l'un des cas, à ce jour, les plus médiatiques de corruption sportive, en France ?
- Les joueurs:
Duo emblématique de l'affaire, les frères Karabatic ont adopté des postures différentes durant l'instruction. Si Luka, transféré très vite à Aix-en-Provence après l'explosion du scandale, a avoué avoir parié sur la défaite à la mi-temps de son équipe contre Cesson, le 12 mai 2012, Nikola, star de l'équipe de France, continue à nier les faits.
Indésirable toutefois dans l'Hérault, le double champion olympique a, après une courte pige à Aix, rejoint le prestigieux FC Barcelone où il entend relancer sa carrière.
Idem pour Mladen Bojinovic et Samuel Honrubia, partis au PSG -pas le moindre des clubs- après avoir avoué, de même que Primosz Prost, exilé en Allemagne.
Sur l'ensemble des joueurs soupçonnés d'avoir pris des paris illicites, seuls Dragan Gajic, Issem Tej et Michael Robin évoluent encore à Montpellier. Ce sont, avec Nikola Karabatic, les derniers à nier les faits. Les seuls de ce fait qui aient été blanchis après une première suspension sportive par le jury d'appel de la fédération française de handball qui a allégé la peine des quatre joueurs ayant reconnu leur faute.
- Le club de Montpellier:
L'affaire a marqué la fin de l'hégémonie du MAHB. Dominé par Paris et Dunkerque, Montpellier a terminé 3e du championnat 2013, soit son plus mauvais classement depuis quinze ans, avant d'échouer à se qualifier pour la Ligue des champions. Les Héraultais doivent cette saison se contenter de la coupe de l'EHF, ce qui n'altère pas selon leur président les comptes du club.
Pourtant, le scandale de l'an dernier avait provoqué le retrait du principal sponsor du club, Brother. Parallèlement, la ville a baissé sa participation de 300.000 euros mais l'agglomération avec sa marque Montpellier Unlimited est devenu partenaire maillot. Solidarité locale aidant, le MAHB a également trouvé un nouveau partenaire avec un concessionnaire automobile. Au total, le budget de la saison en cours est inférieur d'un million d'euros à celui de l'année précédente, soit 6,7 ME, dont de l'ordre de 3 millions d'euros pour la masse salariale.
- Le club de Cesson:
Acteur malgré lui de l'affaire dans laquelle il est partie civile, le club breton a souffert financièrement de ses conséquences en terme d'image. Lâché au printemps par son principal sponsor, Volkswagen France, qui lui assurait 200.000 euros de revenus annuels, Cesson avait déjà pâti du scandale à l'automne, un sponsor prêt à signer lui ayant retiré les 30.000 euros promis.
En juillet dernier, le club a donc lancé un appel à la générosité de ses supporteurs dans le but de boucler son budget mais n'a à ce jour récolté que 45.000 euros sur les 70.000 attendus.
La ligue a fini par valider, in extremis, son budget (1,8 M EUR, l'un des plus petits du Championnat) grâce notamment à un nouveau sponsor maillot.