Ils se retrouveront ce jeudi à Montpellier devant le consulat d'Espagne. Une dizaine d'associations et de partis politiques protestent contre le projet de loi espagnol. Un projet qui remet en cause le droit à l'avortement en le limitant aux victimes de viols et aux grossesses à risques.
Non à la remise en cause du droit à l’avortement. C'est ce slogan qui doit rassembler, jeudi midi, à Montpellier les associations alertées par le projet de loi espagnol. Parmi les manifestants, ceux qui s'impliquent au quotidien dans ce droit à l'avortement, comme le planning familial ou "osez le féminisme 34". Mais aussi des partis politiques comme le P.S, le Parti Communiste et le Front de gauche.
Le pré-projet de loi espagnol supprimant le droit à l’avortement a été adopté par le gouvernement au conseil des ministres du vendredi 20 décembre dernier.
Ce texte annule de fait la loi de 2010 qui autorise l’avortement jusqu’à 14 semaines, et jusqu’à 22 semaines en cas de malformation du foetus, une loi qui était, avec le mariage homosexuel, l’une des réformes phares de l’ex-gouvernement socialiste.
Les restrictions du nouveau projet de loi
Désormais, en Espagne, un avortement ne serait possible que dans deux cas «extrêmes» : quand l'interruption de grossesse est jugée nécessaire en raison d'un grave danger pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme, ou quand la grossesse est une conséquence d'un délit contre la liberté ou l'intégrité sexuelle de la femme. En d’autres termes, si la grossesse s’avère dangereuse pour la mère ou si elle est le résultat d’un viol. Le texte impose de surcroît que le diagnostic soit émis par deux médecins différents et étrangers à l'établissement pratiquant l'avortement. Autrement dit, la femme perd son propre droit à juger d’un "grave danger psychologique" pour demander à se faire avorter.
Par ailleurs, en cas de viol, il faudra que la femme ait précédemment déposé plainte. Et il faudra deux rapports, l'un pour la mère et l'autre pour le fœtus, pour que la malformation du fœtus puisse être invoquée comme motif de l'interruption de grossesse. Enfin les mineures devront avoir l'autorisation de leurs parents, même en cas de viol ou de danger pour leur santé.
Un projet de loi contesté
Les associations féministes, les syndicats et les partis de gauche ont tous appelé à la mobilisation. «Liberté pour nos corps», «c’est à nous de décider», des pancartes ont fleuri dans les manifestations rassemblant les femmes sidérées par ce brutal «retour sous Franco».
Luis Enrique Sanchez, président de la Fédération du planning familial, a souligné les conséquences dramatiques de ce "retour en arrière à la situation des années 1980, avec des femmes espagnoles qui allaient en France ou en Angleterre" pour y subir un avortement lorsqu'elles en avaient les moyens.
Quant à celles qui n’ont pas les moyens, elles recourront comme autrefois à des avortements clandestins à haut risque, pour leur vie et leur santé. Médecins du monde souligne également que "les lois restrictives ne font en aucun cas baisser le nombre d'avortements" mais poussent les plus pauvres à "mettre leur vie en danger".
Malgré les manifestations, le projet de loi devrait être adopté au Parlement espagnol où le Parti Populaire au pouvoir dispose d’une majorité absolue.
Un débat qui dépasse les frontières de l'Espagne
Pour les observateurs européens, ce projet de loi est l'illustration que rien n’est jamais acquis. Autre exemple, en Suisse un référendum doit être organisé le 9 février prochain sur le déremboursement de l’IVG .
C'est pour tenter d'empêcher ces disparités qu'avait été présenté l'an dernier au parlement européen le rapport sur la santé et les droits sexuels et génésiques. Porté par l’eurodéputée Edith Estrela, il demandait le droit à la contraception, à l’avortement et abordait des questions sensibles comme la procréation médicalement assistée ou l’éducation sexuelle. Le 10 décembre dernier, le parlement européen a rejeté ce rapport par sept voix, réaffirmant la souveraineté des États membres en la matière.
Des répercussions directes pour les femmes du Languedoc-Roussillon
Depuis les années 2010, les Françaises étaient nombreuses à aller en Espagne pour avorter. En effet, aujourd'hui, le délai légal de grossesse pour l'IVG est de 12 semaines en France contre 14 en Espagne. Un délai parfois difficile à respecter chez nous, du fait de la pénurie de lits consacrés à cette intervention dans les hôpitaux.
Le planning familial héraultais a développé tout un réseau avec la ville de Gérone et renseigne les femmes n'ayant pas pu planifier l'avortement en France dans les temps légaux. Une alternative que le projet espagnol remet en cause. A contrario, si la nouvelle loi espagnole est adoptée, on risque d'assister dans la région à un afflux massif de femmes espagnoles désireuses d'avorter.
Les chiffres de l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG)
Chaque année50 millions d'IVG dans le monde
1,2 million d'IVG dans l'Union européenne
+120.000 IVG en France
+110.000 IVG en Espagne
Dans la région Languedoc-Roussillon
+10.000 avortements en 2011
Un taux d'IVG plus élevé : 18 femmes sur mille ont recours à l'avortement contre 15 pour 1.000 en moyenne en France.
2/3 des femmes ayant eu recours à une IVG utilisaient une méthode de contraception qui n'a pas fonctionné.
Les IVG médicamenteuses représentent plus de la moitié des avortements.