Un timing précis a été la clef des paris sur le match de handball Cesson-Montpellier pour lesquels seize personnes, dont Nikola Karabatic, vont comparaître à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Montpellier.
Pour l'accusation, qui dénonce une "tricherie" commise "en équipe", l'opération avait débuté la veille avec le téléchargement de l'application "Parions sport" sur le téléphone de Nikola Karabatic. Il s'agissait de suivre l'évolution de la cote et de parier au moment où celle-ci ne serait pas trop élevée afin de garder l'anonymat des gagnants.
C'est le lendemain, peu avant 10h00, qu'est intervenu le top-départ des paris. De nombreux appels ont ainsi été repérés, par exemple sur le téléphone de Géraldine Pillet, la compagne de Nikola Karabatic, la veille comme le jour du pari, constate l'enquête.
L'importance du timing
"Il était important que chaque membre de l'équipe puisse bénéficier des mêmes conditions favorables de paris. D'où la nécessité de jouer tous en même temps", afin de "bénéficier de la même cote" et de ne pas "se retrouver bloqué par les systèmes de sécurité de la Française des Jeux (FDJ)", fait valoir l'accusation.Un pur hasard
Une hypothèse qu'ont réfutée les prévenus devant les juges: Géraldine Pillet a ainsi parlé de "hasard" pour expliquer la concomitance des paris, tous engagés entre 9h59 et 10h15."Quand Géraldine dit: +c'est le hasard+, elle a dit une connerie. Bien-sûr, il y a eu un top-départ, qui tenait compte des cotes affichées", convient Me Jean-Robert Phung, l'un des défenseurs du clan Karabatic.
"Nikola (il nie avoir joué, NDLR) mis à part, nous assumons le fait d'avoir voulu faire un peu de fric en pariant sur ce match Cesson - Montpellier sur certains critères sportifs de calendrier et de résultats", ajoute-t-il.
104.887 euros de mises
Alors que les paris tournent autour de 3.000 euros, et même 1.247 euros l'an passé pour le même match, cette fois c'étaient 104.887 euros de mises qui avaient été engagés dès midi, dont 102.300 euros sur le fait que Cesson mènerait à la pause.La cote de ce résultat surprise qui allait effectivement se réaliser: 2,9 contre 1.
les paris sont réalisés par tickets de 100 euros payés en liquide pour assurer l'anonymat des parieurs.
Tricherie
La FDJ, qui a bloqué les paris le 12 mai dès midi, avait alerté dès le 16 mai le Service central des courses et jeux (SCCJ) de la Direction centrale de la Police judiciaire, lui-même déjà informé d'une possible tricherie par un appel téléphonique anonyme.Suivez en direct minute par minute le procès des paris suspects à Montpellier sur notre site dès lundi 15 juin
Le pari ADN du sportif ? Oui répond un psychologue
"Le pari est presque inscrit dans l'ADN du sportif", estime Dorian Martinez, psychologue du sport et fondateur de Sportprotect, une start-up montpelliéraine dédiée à la protection des sportifs (dopage, paris...), avant l'ouverture lundi à Montpellier du procès de l'affaire des paris suspects sur le match de handball Cesson - Montpellier.Pourquoi les sportifs de haut niveau aiment-ils autant parier ?
REPONSE: "Un sportif est un compétiteur, il joue sur les terrains, il se mesure aux autres. Et se mesurer aux autres, c'est faire un pari sur l'inconnu. Un sportif est tout le temps à la recherche de l'adrénaline que va lui provoquer la compétition. Dans les sports collectifs, les sportifs jouent aussi beaucoup au poker entre eux. On peut même penser que le jeu, le pari sportif est presque inscrit dans l'ADN du sportif, qui est à la recherche de cette sensation d'incertitude, d'inconnu".
Dans l'affaire des paris suspects, c'est différent: l'incertitude n'est-elle pas évacuée puisque la justice soupçonne les joueurs d'avoir inversé le cours du match pour gagner de l'argent ?
REPONSE : "Ils n'ont pas été jugés, donc il y a présomption d'innocence. Très généralement, le sportif est tenté d'utiliser les règles au maximum. Il y a chez lui une notion de toujours plus. Et pour ce faire, certains sont prêts à enfreindre les règles.
On le voit avec le dopage sur lequel je travaille depuis 20 ans. Le sportif est souvent idolâtré. Alors un peu comme certains politiques, il a une estime de soi hypertrophiée. Et il peut se sentir au-dessus des lois. Je me souviens de David Douillet qui racontait qu'il était prêt à tricher pour gagner lorsqu'il affrontait ses enfants dans un jeu de société, tellement il déteste perdre".
Comment éviter les dérapages des paris alors que le message semble mal passer ? Dernier exemple, le gardien de Montpellier, Geoffrey Jourdren, épinglé après avoir misé sur la L1.
REPONSE :"Parler ne suffit pas. L'idée est que le sportif ne doit plus avoir d'excuses, alors qu'on a parfois l'impression que le filon de l'excuse arrange un peu tout le monde, notamment l'Union nationale des footballeurs pros (UNFP) avec qui on parle. Nous avons édicté les +10 règles d'or des paris sportifs pour préserver l'intégrité des compétitions+. Elles sont sur nos applications pour les sportifs, les clubs, les fédérations. Plus de 300.000 sportifs de tous les niveaux ont un compte chez nous. On a discuté avec le syndicat des handballeurs pros. A Montpellier, on travaille avec la Métropole pour que tous les clubs pros soient équipés de nos applications. L'idée est de ne pas attendre le scandale. C'est une sorte d'assurance".