Depuis ce lundi 3 janvier, la vente, la détention et la consommation de fleurs et feuilles de chanvre sont interdites en France, au grand dam des quelque 1500 à 2000 boutiques de l’Hexagone spécialisées dans les produits au cannabidiol. Elles voient s’envoler leur principale source de revenus. En Occitanie comme ailleurs, des faillites et des licenciements sont à redouter. Explications et réactions.
En Occitanie, le marché du CBD est en plein boum depuis plusieurs années mais devrait subir un coup d’arrêt après l’entrée en vigueur de l’arrêté du 30 décembre 2021 interdisant la vente, la détention et la consommation de fleurs et feuilles de chanvre. Notre région comptait en juillet dernier 260 boutiques spécialisées dans ces produits contenant du CBD ou cannabidiol, la molécule non psychotrope du cannabis aux vertus souvent présentées comme déstressantes, antalgiques et anxiolytiques.
Des fleurs stupéfiantes ?
Pour le gouvernement français, il n’est pas possible de faire la différence entre les fleurs contenant du CBD et celles contenant du THC ou tétrahydrocannabinol, la molécule à effet stupéfiant. Et cela fait bondir la Montpelliéraine Safi Lebdi, présidente de l’association Legalize, favorable à une légalisation :
Ils invoquent le fait que qu’on ne peut pas reconnaître une fleur de CBD d’une fleur de THC. Or aujourd'hui, sur le marché, on a des autotests qui sont assez rapides et qui permettent à l’importe quel agent de vérifier si la fleur est une fleur de THC ou une fleur de CBD.
Safi Lebdi, présidente de l'association Legalize
70 à 80% des ventes
Chez les professionnels du secteur, l'heure est à la résistance. Car la fleur de CBD, vendue en tisanes, pots-pourris ou à fumer, représente 70 à 80% de leur chiffre d’affaires. Le risque est donc grand de voir fermer de nombreuses échoppes. Elles emploient en moyenne moins de 3 personnes et des licenciements sont à redouter.
Un marché d'un million de consommateurs
Un comble pour les gérants, alors que selon un rapport parlementaire rédigé notamment par la députée LREM Caroline Janvier, la France comptera cette année 1 million de consommateurs, pour un marché du chanvre brut estimé à plus d’un milliard d’euros contre moitié moins pour ses produits dérivés (huile, résine, fibres et graines).
Teddy Tallegas, co-gérant de la boutique Hempathie CBD Shop du Crès (Hérault), craint l’explosion du marché parallèle. Il l’a dit à nos journalistes Justine Salles et Lou Florentin :
Là ils vont déclencher un marché parallèle qui va se faire sous le manteau, mais qui fonctionnera de toute façon. On est le pays le plus répressif en termes de THC et on est les plus consommateurs. Là on avait trouvé une alternative qu'ils nous enlèvent. On va le retrouver dans la rue, sauf que ça ira dans des réseaux malsains, sans suivi ni filière. Ils sont en train de casser quelque chose.
Teddy Tallegas, co-gérant de la boutique Hempathie CBD Shop du Crès (Hérault)
La France à rebours de la justice européenne
Il y a quelques mois, la cour de Cassation avait pourtant jugé la vente en France légale, suivant ainsi la justice européenne qui estime que le cannabidiol n’est ni un stupéfiant, ni un médicament, que c’est donc une marchandise qui doit pouvoir circuler et dont on ne peut interdire la vente si elle est produite légalement dans un Etat membre de l’Union Européenne.
La filière française, un leader européen en sursis
Le gouvernement a néanmoins choisi de restreindre cette autorisation aux seuls industriels qui, eux, peuvent récolter, importer ou utiliser les fleurs et feuilles brutes de chanvre pour la production d’extraits. Une manière de maintenir à flots cette filière agricole, car la France est le premier producteur européen de chanvre avec 18.000 hectares cultivés.
Résistance et recours
Face à la menace qui plane sur leur activité, les syndicats de détaillants ont déposé des recours, en attendant que le Conseil d'Etat se prononce le 7 janvier prochain.