Et si le retour à la normale dans les stations-service n'était pas pour demain ? La Première ministre Elisabeth Borne a annoncé, ce mardi 11 octobre, la réquisition des personnels pour débloquer les dépôts de carburants d'Esso-Exxonmobil, mais tout n'est pas réglé, loin de là. La galère aux pompes à essence n'est pas terminée. France 3 Occitanie fait le point sur les raisons de craindre une pénurie qui dure.
Près d'un tiers des stations-services sont désormais touchées. Alors que la pénurie de carburant se renforce d'heure en heure en France, la Première ministre Elisabeth Borne a durci le ton ce mardi 11 octobre. Elle a annoncé la réquisition du personnel d'Esso-Exxonmobil pour débloquer les dépôts de carburants. Concernant TotalEnergies, la cheffe du gouvernement a exhorté direction et syndicats à engager des négociations salariales, menaçant sinon de faire de même pour "débloquer la situation".
L'arrêt de la raffinerie de Normandie, du dépôt de carburants de Flandres (Nord), de la "bio-raffinerie" de la Mède (Bouches-du-Rhône) et des stations-service autoroutières du réseau Argedis, filiale de TotalEnergies, ont généré des ruptures de stocks d'essence et de diesel dans tout le pays, en particulier dans les Hauts-de-France et l'Île-de-France.
Si l'annonce de la Première ministre laisse penser qu'un retour à la normale pourrait intervenir rapidement, qu'en est-il dans les faits ? France 3 Occitanie vous donne trois raisons de craindre que la pénurie perdure encore plusieurs jours.
1 Les grèves sont toujours en cours
Pour l'heure, les grèves ne sont pas finies. Le mouvement de grève initié il y a une dizaine de jours a été reconduit lundi chez TotalEnergies et Esso-ExxonMobil.
Lundi soir, un accord salarial a été conclu au sein de cette dernière par deux organisations syndicales, majoritaires à l’échelle du groupe. Mais l'accord n'a pas été signé par les raffineries. Les deux concernées, celles de Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime) et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), poursuivent donc le mouvement à l'appel de FO et la CGT.
Du côté de TotalEnergies, "on est toujours en attente de précisions en matière de négociations par la direction", a précisé à l'AFP Eric Sellini, coordinateur CGT pour l'entreprise. Son syndicat demande 10% d'augmentation sur les salaires pour 2022, le géant de l'énergie ayant engrangé 10,6 milliards de dollars de bénéfice au premier semestre 2022, contre les 3,5% négociés en début d'année.
2 Les raffineries ne se relancent pas en un jour
Lorsque les grèves ont commencé, les raffineries n'ont pas été arrêtées du jour au lendemain. De la même manière, leur remise en route ne peut pas s'opérer en une nuit. Lundi, Jean-Marc Durand, directeur du raffinage de TotalEnergies, l'a admis sur BFMTV : "On souhaite le déblocage de la situation de manière à faciliter le réapprovisionnement et dans ce contexte, il faut une grosse semaine pour retrouver un rythme normal."
Après une précédente grève, en octobre 2010, lors de laquelle douze raffineries étaient bloquées, là aussi le redémarrage a été poussif. "Une raffinerie, c'est comme une immense bouilloire où l'on fait chauffer du pétrole brut pour le distiller", expliquait alors Jean-François Giannesini à Europe 1. "Donc il va falloir faire monter tout ça en température, il va falloir purger les circuits, remettre en route des échangeurs de température, etc." Selon l'expert pétrolier, il faut "plusieurs jours pour voir sortir les premières gouttes d'essence ou de gasoil, et ensuite au moins une bonne semaine pour retrouver la capacité de la raffinerie", confirmant les estimations de TotalEnergies.
3 Une ruée sur les pompes à prévoir
En effet, il est à prévoir qu'une fois la situation apaisée, les personnes étant à sec depuis plusieurs jours se rueront sur les pompes.
Le week-end dernier, le gouvernement a exceptionnellement autorisé la circulation des camions citernes, pour répondre aux grèves provoquant depuis plusieurs jours des problèmes d'approvisionnement en carburant en France. Mais la crainte de la panne sèche a provoqué une ruée sur les stations-services ravitaillées, qui ont souvent été vidées très rapidement après remplissage. Exemple à la station-service Casino de Basso Cambo, en périphérie de Toulouse. Elle a été prise d'assaut mardi, tout juste après avoir été ravitaillée. Une vingtaine de voitures et camionnettes attendaient une quarantaine de minutes pour faire leur plein.
Même chose au nord-est de Montpellier, à Saint-Aunès. Tôt lundi matin, les 15 pompes de la station-service d'un centre commercial ont été réapprovisionnées. La bonne nouvelle s'est vite répandue, provoquant la paralysie totale de la zone commerciale : un bouchon s'est formé jusqu'à l'entrée de l'autoroute A709.
Face à ces points de blocage, le gouvernement se veut rassurant. Olivier Véran a concédé mardi sur RTL que retrouver "un fonctionnement normal" dans les régions les plus touchées allait "prendre quelques jours". Mais il a promis que ce retour à la normale s'effectuera "dans les 15 jours", avant les congés de la Toussaint.