Coup de force à la fac de Montpellier: sept personnes en correctionnelle

Les sept personnes mises en examen suite au coup de force à la faculté de droit de Montpellier en 2018, dont le doyen de la faculté et un professeur, ont été renvoyées en correctionnelle. Tous sont poursuivis pour avoir violemment expulsé des grévistes qui occupaient un amphithéâtre de la faculté.

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Nous vous l'annoncions en décembre 2019, la crise sanitaire a simplement décalé le renvoi en correctionnelle : la juge d'instruction Nathalie Lacaule a donc signé l'ordonnance ce mercredi. Les sept personnes impliquées dans ce médiatique dossier seront jugées.

Et il y reste du beau monde dans ce dossier : Philippe Pétel, ancien doyen de la faculté démissionné au lendemain de ces événements de mars 2018, Jean-Luc Coronel de Boissezon, historien du Droit aujourd'hui révoqué de l'enseignement supérieur. Mais aussi l'épouse de ce dernier, Patricia Margrand ancienne candidate de l' "Alliance Royale" aux législatives de juin 2012 et quatre "hommes de main" recrutés pour l'occasion dans des associations défendant des idées d'extrême-droite, notamment la "Ligue du Midi"

Comment ceux qui devraient "dire le Droit" risquent-ils de se retrouver du mauvais côté de la barre ? Retour sur ces heures où tout a basculé dans la nuit du 22 au 23 mars 2018.
 

Blocus de la fac

Faculté de droit de Montpellier. Malré le froid extérieur les esprits s'échauffent dans un amphithéâtre bondé. La simple réunion organisée par des professeurs de la Fédération Syndicale Unitaire pour échanger et informer sur la réforme de l'accès aux universités s'est transformée en assemblée générale. Les étudiants venus en masse, notamment des universités voisines, ont pris le pouvoir.

A main levée, ils votent le blocus de la fac de droit. Une grande victoire symbolique : la dernière fois que les cours ont cessé dans la vénérable et conservatrice institution montpelliéraine, c'était en mai 1968 !

Au fil des propositions, la tension monte et s’installe. L’échange devient difficile et la parole des opposants à l’occupation n’est pas entendue. Finalement, une"reconstruction visuelle" consistant en une exposition des "motifs de l'action" via des tags sur les murs, et une occupation totale de la faculté sont votées.
 

La tension monte 

Dans cette institution connue pour les convictions très "à droite" de ses professeurs et doctorants, c'est du jamais vu... les organisateurs sont mis en minorité ! La tension est extrême et les invectives pleuvent.

Alerté, le président de l'université demande au Préfet d'envoyer des policiers mais il essuie un refus et doit se contenter d'un renfort d'agents contractuels de la société privée qui assure la sécurité de l'établissement

Peu après 22 heures, les partisans du blocus de la fac de droit exigent le départ des non grévistes. Bousculés et insultés, ces derniers sont conduits vers la sortie et les vigiles postés à l'extérieur du bâtiment s'interposent entre les belligérants. L’atmosphère commence à être de plus en plus tendue entre les occupants et certains étudiants et enseignants. Un premier accrochage physique entre un chargé de travaux dirigés et un manifestant a lieu vers 22 h.

Mais une heure plus tard, l’AG perd de sa vitalité, l'amphithéâtre se vide et la tension redescend. Les occupants sortent des duvets pour passer la nuit sur place. À minuit, un groupe d’étudiants opposé à l’occupation se réunit autour du doyen Philippe Pétel. Ils diront aux enquêteurs qu'ils attendaient une intervention policière demandée au préfet par le doyen. Celle-ci ne vient pas. Les regards se croisent, l'atmosphère est belliqueuse. Le groupe sort de la salle.

 La cinquantaine de manifestants redevenus paisibles organise le blocus et filment des vidéos ou prennent des photos destinées à leurs partisans restés à l'extérieur. Ces documents horodatés seront minutieusement analysés par les spécialistes de la Police et déterminants dans la procédure judiciaire.

Avalanche de coups

Il est un peu plus de minuit lorsque les portes de l’amphi s’ouvrent brutalement. Des individus encagoulés, déchaînés et armés de bâtons, "schocker" et morceaux de palette, entrent. Les coups fusent dans tous les sens. Des filles par terre reçoivent des coups de pied dans la tête, d’autres occupants sont tabassés, un véritable raid mené contre des étudiants.

Plusieurs smartphones des étudiants enregistrent la scène : les hommes cagoulés de noir et armés d'objets contondants sont impressionnants. L'un d'eux distribue généreusement des impulsions électriques avec son "schocker", une sorte de "taser" destiné au grand public.

La peur envahit l'amphi et les étudiants paniqués sortent à l'extérieur. C'est là que la première journaliste arrivée sur les lieux, Caroline Agullo de France 3 Occitanie, recueille leurs témoignages pour France 3.
 

 


Tout va très vite, l'amphithéâtre et les couloirs sont "nettoyés" de leurs occupants et la faculté ferme ses portes. Des étudiants en Droit sautent de joie. Les manifestants venus des facs voisines recensent trois blessés.

Les policiers finissent par arriver et bouclent les rues autour du centre ville. Les identités sont contrôlées et conservées.

"Nettoyage" assumé...

Dès l'expulsion de l'amphi, les étudiants désignent deux "complices" du commando cagoulé : Philippe Pétel, le doyen de la fac de Droit, qui a encouragé - à visage découvert - ce "nettoyage" de l'amphithéâtre et Jean-Luc Coronel de Boissezon, un professeur dont la voix - bien connue de ses étudiants - a été identifiée.

Au lendemain de cette évacuation musclée, Philippe Pétel est interviewé par les journalistes de France 3 Philippe Sans et Joane Mériot : même s'il les interprète à sa manière, le doyen reconnait les faits.

Les hommes de main, eux, se montrent beaucoup plus coopératifs avec les enquêteurs. "Embarqués pour faire peur" à de jeunes étudiants selon les déclarations que nous avons recueillies, ils ne s'attendaient pas à devoir faire usage de la force.Ils prétendent avoir - au dernier moment - démonté une palette pour prolonger leurs gesticulations.

Circonspects, les enquêteurs ont ainsi établi une chronologie minutieuse des événements et surtout des échanges téléphoniques, de l'alerte donnée par le professeur de Droit jusqu'aux coups portés. L'intérêt de l'audience sera de clarifier le déroulement de cette nuit d'hystérie et de démentir bon nombre d'invraisemblances.

Violences volontaires en réunion

Cinq des mis en examen, dont le professeur Jean-Luc Coronel de Boissezon seront jugés par le tribunal correctionnel pour violences volontaires en réunion. Déjà condamné en 2013 par le tribunal correctionnel de Digne pour des "violences sur personne vulnérable", Jean-Luc Coronel de Boissezon est en état de récidive. Le doyen de la faculté Philippe Pétel et Patricia Margand (épouse Coronel de Boissezon), comparaîtront pour complicité de violences volontaires en réunion. Philippe Pétel a démissionné de ses fonctions dans l'enseignement suite à ces événements.

Selon l'Agence France Presse qui a interrogé la juge d'instruction : Patricia Margrand a indiqué aux enquêteurs la présence sur place de Martial
Roudier, le fils du fondateur de la Ligue du Midi, faisant ainsi le lien entre ces universitaires et les exécutants du commando proches des milieux identitaires.
Martial Roudier est bien connu des policiers montpelliérains puisqu'il a déjà été condamné à six reprises, dont une peine de quatre ans de prison pour violence avec arme. Dans l'ordonnance de renvoi, à laquelle l'AFP a eu accès, la juge d'instruction précise que les assaillants ont utilisé des palettes de bois pour "taper sur les tables (...) mais également frapper les personnes récalcitrantes".
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