Lieu de torture et d'incarcération des Résistants par la Milice française durant la Seconde Guerre mondiale, les cellules de Lauwe portent la trace de leurs derniers mots. La présidente de l'association Traces d'Histoire alerte aujourd'hui sur le manque d'entretien de ces inscriptions, qui s'effacent petit à petit.
Ils portent la trace de ceux qui ont sauvé le pays, mais aussi de ceux qui ont collaboré. Les cellules de Lauwe, qui ont vu défiler les Résistants français emprisonnés pendant la Seconde Guerre mondiale, s'abîment d'année en année dans la Cité scolaire Françoise Combe, à Montpellier (Hérault).
Sur les murs, il ne reste plus grand-chose des inscriptions gravées dans la douleur par les prisonniers, torturés par la Milice française. Aucun des 150 à 300 Résistants qui ont connu ces geôles n'y a survécu assez longtemps pour connaître la Libération de Montpellier, entre le 23 et le 29 août 1944.
Délitement et imbroglio administratif
Michèle Blanchot, présidente de l'association Traces d'Histoire, a obtenu l'inscription du lieu au titre de monument historique en 2019. Mais ce qu'elle souhaite aujourd'hui, c'est que soient mises en œuvre des mesures pour préserver les murs de ces cellules, qui se désagrègent progressivement depuis des années.
En collaboration avec son mari William Garrivier, qui préside l'Unadif Hérault (Union Nationale des Associations de Déportés et Internés de la Résistance et Familles), la passionnée d'Histoire a fait appel à un photographe pour illustrer l'évolution des dégradations entre 2019 et 2023. "Ces cellules comportent des inscriptions gravées ou dessinées à la craie sur un support de plâtre chaud qui se délite petit à petit faute d'entretien", déplore-t-elle, photos à l'appui pour justifier ses inquiétudes. "Les fenêtres sont cassées et les oiseaux viennent y faire leur nid. Chaque année, pendant les commémorations, on les retrouve en miettes".
"Nous avons reçu le soutien de Patricia Mirales (secrétaire d'État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, ndlr), qui est d'ailleurs originaire de Montpellier, mais nous n'avons plus de nouvelles depuis janvier dernier", se désole la professeure de lettres agrégée de formation, qui rappelle que les cellules de Lauwe sont le seul monument historique entier encore debout sur Montpellier. "À l'heure où on parle du devoir de Mémoire, c'est important de rendre hommage au courage de ces Résistants qui ont sauvé des vies."
Lorsque j'organise des sorties scolaires dans ces lieux, je dis aux élèves qu'il faut savoir faire des choix dans la vie. Certains ont fait le choix de collaborer, d'autres de résister, et il est important de s'en souvenir.
Michèle Blanchot, présidente de l'association Traces d'Histoire
Si les différents acteurs concernés s'accordent sur la nécessité de préserver ces murs, difficile de s'accorder pour savoir à qui revient la responsabilité de la conduite des travaux et le financement. Propriété du ministère des Armées, qui possède une convention avec la Drac (Direction Régionales des Affaires Culturelles), le lieu est aujourd'hui loué par l'Education nationale. "Ce que je voudrais, c'est qu'ils se mettent tous autour d'une table pour discuter d'une solution, espère Michelle Blanchot. Car ce bâtiment est le seul témoin qui reste de cette sombre période de l'Histoire."
Un lieu chargé d'Histoire
"Vive la France", "1944", "Dieu et ma patrie"... Des inscriptions des martyrs de la Résistance qu'on devine à peine aujourd'hui lorsqu'on observe ces murs chargés d'une Histoire dont certains souhaiteraient oublier une partie.
"La Milice française a réquisitionné le bâtiment en 1944 et a commis à huis clos des exactions innommables ici, pire que la Gestapo, dont les locaux se trouvaient juste à côté, à la Villa des Rosiers", rappelle Michèle Blanchot, qui s'apprête à publier un livre sur le sujet. "Certains de leurs descendants vivent encore à Montpellier, de même que ceux des Résistants torturés." Parmi ces derniers, la famille Pignol, dont l'une des filles siège aujourd'hui dans l'opposition au conseil municipal de Montpellier. Malgré les horreurs infligées pour les forcer à donner le nom de leurs compagnons, ils n'ont jamais parlé.
Il est important de se souvenir que des gens sont morts sous la torture de Français et qu'ils ont essayé d'appeler au secours.
Michèle Blanchot, présidente de l'association Traces d'Histoire
Le dimanche 27 août prochain, les cellules de Lauwe de la cité scolaire Françoise Combe accueilleront les célébrations de la Libération de Montpellier.