Déjà depuis quelques jours, la consommation était interdite aux enfants de moins de 4 ans. De récentes mesures menées par l'ARS (Agence régionale de la santé) ont indiqué des taux de manganèse, un métal naturel, jusqu'à vingt fois supérieurs aux seuils autorisés dans l'eau du robinet en France.
Un communiqué de la mairie Saint-André de Sangonis publié ce mardi 17 octobre 2023 a eu l'effet d'une bombe sur ses habitants. On peut y lire noir sur blanc : "Suite à une nouvelle analyse montrant un taux de manganèse élevé et sans attendre la décision du préfet, nous recommandons la non-consommation de l'eau du réseau"... Suivi d'un lieu et d'une heure à laquelle les Saint-Andréens pourront récupérer une bouteille d'eau, "par personne".
Cette communication intervient plusieurs semaines après qu'un collectif d'habitants (le Collectif Eau Saint-André) a mis en évidence les manquements de la mairie et de l'ARS (Agence régionale de la santé) concernant la qualité de l'eau.
Le Collectif demande principalement à obtenir des réponses quant à ces taux de manganèse trop élevés, et plus de transparence des institutions sur le sujet.
Le manganèse, c'est quoi ?
Le manganèse est un métal considéré comme un oligo-élément essentiel, contenu naturellement dans le corps humain entre 12 et 20 mg, mais également dans l'eau. Il participe notamment à la protection des cellules et de l'ossature.
En France, l'eau du robinet ne doit pas dépasser le seuil légal fixée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) de 60 microgrammes par litre (μg/l) pour les enfants de 0 à 3 ans inclus, et de 300 μg/l pour les autres. Au-delà de ce seuil, la consommation de manganèse, surtout de façon répétée et quotidienne, peut devenir un danger pour la santé et entraîner des diarrhées, des effets neurologiques et des troubles de la mémoire, de l'attention et de motricité.
À Saint-André de Sangonis, les derniers taux relevés par l'ARS publiés ce mardi 17 octobre ont fait état de 1000 µg de manganèse par litre sur certains secteurs du réseau. Soit un seuil vingt fois supérieur à la moyenne.
Le doute s'immisce
Pour comprendre la situation qui inquiète Saint-André de Sangonis, il faut remonter un an en arrière. En septembre 2022, les habitants de la commune ouvrent leurs robinets et découvrent une eau marron clair qui s'écoule, avant de redevenir transparente quelques secondes plus tard. Depuis, de nombreux foyers continuent de constater cet écoulement anormal.
Début octobre 2023, un habitant témoignait au micro de France 3 : "Dans le lavabo je dois faire couler l'eau plusieurs fois pour qu'elle perde sa couleur marron. Une fois éclaircie, je la bois, sans trop me poser de questions." La première fois, ce retraité avait décidé d'appeler "les responsables des eaux" qui, après contrôle de son débit, avaient estimé que la coloration n'était pas alarmante. "Ils m'ont quand même incité à vidanger. Une fois que j'ai purgé tout mon réseau, l'eau récoltée était marron foncée avec plein de petits granulés dedans, comme des cailloux."
Quelques jours plus tard, l'ARS indiquait lors d'une réunion publique que plus l'eau était marron, plus elle était chargée en manganèse.
Une jeune maman Saint-Andréenne explique également s'être alarmée quand sa fille a perdu 10 kg en quelques mois, à cause de diarrhées et de vomissements. "Nous avons fait des analyses, et notre médecin a mis en avant ce possible problème de manganèse. En me renseignant j'ai découvert que les taux compris dans les robinets de la ville étaient beaucoup trop élevés. Une dame de l'ARS m'a même indiqué qu'elle me déconseillait de boire l'eau du robinet, qu'elle ne consommait plus elle-même depuis longtemps".
Prise de conscience
Mais d'où vient ce manganèse ? Le maire, Jean-Pierre Gabaudan, songe d'abord à un problème de château d'eau : "on pensait qu'avec sa réfection récente on avait un peu bousculé les canalisations, et que le manganèse s'en était décollé. On a donc purgé le réseau." Mais sans effet. La mairie interdit la consommation d'eau aux enfants de moins de 4 ans.
Après plusieurs plaintes du Collectif Eau Saint-André et une pétition, la mairie organise une réunion publique d'information le 28 septembre. Il est alors décidé de la mise en place d'analyses hebdomadaires, de la distribution d'eau en bouteille à tous les établissements scolaires et de la transmission de messages clairs aux interrogations des habitants.
Une réunion officielle entre le maire de Saint-André de Sangonis, l'ARS, le responsable de la Communauté de communes Vallée de l'Hérault (CCVH) et le Collectif est organisée quelques temps plus tard. Les analyses présentées lors de cette réunion indiquent alors des taux de manganèse largement supérieurs à la moyenne.
Le château d'eau n'est plus pointé du doigt, le maire parle alors d'un problème de nappe phréatique. "Avec la sécheresse il n'y a plus d'eau dans la nappe et en pompant on décroche le manganèse", expliquait-il le 4 octobre dernier.
Et après ?
Finalement, ce mardi 17 octobre 2023, la consommation d'eau a été interdite à toute la population de la petite commune proche de Montpellier. "Je suis contente que la mairie prenne enfin ce sujet au sérieux." Sandra fait partie du Collectif Eau Saint-André. "Malheureusement, il faut en arriver à un taux de 1000 µg/ L pour que les choses bougent, et que les organismes communiquent avec la population."
Habitante de la commune depuis 2019, la jeune maman exprime son soulagement de voir la mairie "se bouger" pour régler le problème. "Ne serait-ce que par la distribution d'eau d'hier soir. Une bouteille par personne ce n'est pas suffisant, mais je ne leur en veux pas, il faut leur laisser le temps de se retourner... Ce que j'espère juste, c'est qu'on nous ne laissera pas comme ça sur le long terme."
Quand on lui demande d'analyser pourquoi ce problème a mis tant de temps à être traité, Sandra répond d'emblée : "Parce que l'ARS, la mairie et le CCVH ont minimisé les chiffres. Des mesures auraient dû être prises directement chez les habitants, pas seulement aux points de mesures habituels. Si l'ARS n'avait pas minimisé les taux, nous n'en serions pas arrivés là."
Le problème se généralise
Au-delà du manganèse, la question de la qualité de l'eau en Occitanie est revenue sur le devant de la scène ce mercredi 18 octobre. Le journal Le Canard Enchaîné a pu consulter un mail du patron de l'ARS d'Occitanie, Didier Jaffre, dans lequel il fait état d'une eau qui "ne doit plus être consommée mais seulement utilisée pour tout le reste" et indique l'importance de privilégier l'eau en bouteille.
"Très clairement, nous allons devoir changer d'approche et de discours ; il y a des PFAS (des substances poly ou perfluoroalkylées) et des métabolites partout. Et, plus on va en chercher, plus on va en trouver".