Depuis plusieurs mois, l’association créée par l’Abbé Pierre est en crise. Des dysfonctionnements ont été signalés au niveau national. Certains compagnons dénoncent leurs conditions de travail et réclament leur régularisation. À Montpellier, ils ont même fait scission.
C'est une crise sans précédent qui dure depuis plusieurs mois. La nouvelle association s'appelle Cève, Communautés ensemble pour vivre Emmaüs. Elle vise à permettre à la communauté de Montpellier de se recentrer sur les valeurs prônées en son temps par l'abbé Pierre.
Alors qu’au niveau national, les fondations de l’Abbé Pierre sont en crise, à Saint-Aunès près de Montpellier dans l'Hérault, l’heure est à la création d’une nouvelle association.
Nous avons créé l’association Ceve, pour remettre en avant les valeurs de l’Abbé Pierre, qui disparaissent dans le mouvement. Pour pouvoir travailler entre communautés de toute région. Nous trouvons qu'Emmaüs France est très éloignée de sa base et ne connaît pas le fonctionnement réel d’une communauté.
Dominique Boisseau, Directeur de la communauté de Montpellier
Manque de communication, conditions de travail déplorables, racisme, travail dissimulé. La fracture semble grande entre les compagnons et Emmaüs France, qu’ils trouvent éloigné de la réalité du terrain. À Montpellier, “Ceve” se veut réparatrice, pas une scission, mais un électrochoc pour faire réagir et trouver des solutions pour améliorer leurs conditions de vie.
"Je suis effaré qu'Emmaüs France soit essentiellement un label, poursuit Dominique Boisseau. Ils font de la vente par correspondance, engage des frais de communication qui ne servent à rien et travaillent avec des cabinets d'audits et non pas avec les communautés."
Le directeur de la communauté de Montpellier pointe également du doigt la pression financière imposée par Emmaüs France. Le siège récupérerait 3,8% du chiffre d'affaires de l'antenne, alors que toutes les dépenses sont prises en charge par la communauté. C'est tout le modèle qui est remis en question.
Trop de compagnons ?
Il y a aujourd'hui en France, 120 communautés d'Emmaüs. Chaque année, ce sont 6 000 femmes et hommes en difficulté qui sont accueillis.
Le modèle des gens accueillis est différent de celui que l’Abbé Pierre a connu. Aujourd’hui, nous voyons beaucoup de jeunes qui affluent. Ils sont en rupture familiale, d’emploi et nous avons des migrants. Il avait lui plutôt des travailleurs manuels, les gens sont plus dans l’entraide mais plus consommateurs d'Emmaüs.
Martine Marragou, présidente de la communauté
Un modèle qui reste séduisant
Samia s’est installée avec sa famille dans la communauté de Saint-Aunès, il y a deux ans. À la recherche d’un emploi, ce lieu lui a sauvé la vie. "Ils font des choses pour nous Emmaüs, pour nous les compagnons. Ils font des choses incroyables, pour qu’on essaye d’avancer dans notre vie, je suis nourrie, je suis blanchie et nous sommes traités comme des êtres humains", s’émeut la bénéficiaire.