Faute de local, les Gilets Jaunes ont investi la friche de l'ancien musée d'Agropolis, à Montpellier pour organiser leur 4e Assemblée des Assemblées. Des centaines de personnes venues de toute la France y sont attendues le week-end prochain.
A Montpellier, près de 700 personnes sont attendues début novembre pour la quatrième "assemblée des assemblées", après celles de Commercy, Saint-Nazaire et Montceau-les-Mines.
L'idée, c'est de renforcer nos liens pour être prêts à agir de manière coordonnée et efficace quel que soit le cas de figure, explique Christophe, l'un des organisateurs.
L'"ADA" comme ils l'appellent, doit commencer dès vendredi dans un ancien musée désaffecté, faute d'avoir pu louer une salle municipale.
La tâche est d'envergure : depuis plusieurs jours, les gilets jaunes de Montpellier travaillent sans relâche sur ce site abandonné pour tout préparer : il faut défricher la cour envahie par la végétation, collecter et jeter les déchets accumulés un peu partout.
On a besoin de bras pour finaliser quelques points nous aider, on a l'électricité mais ce serait bien d'avoir quelques électriciens qui viennent nous donner un coup de main", explique Juan, un gilet jaune de Montpellier.
Si des volontaires arrivent de toute la région pour aider, un huissier de justice s'est aussi présenté à l'entrée de l'ancien musée Agropolis. Mandaté par la Région Occitanie qui est propriétaire du bâtiment, il est venu constater l'occupation.
L'échange est resté cordial comme en atteste le reportage de notre équipe :
Bientôt un an
Leur révolte, née d'une taxe sur le carburant, avait jailli au coeur de l'automne 2018 et ébranlé le pouvoir durant des mois: les "gilets jaunes", dont les cortèges se dégarnissent, cherchent désormais d'autres voies pour pérenniser un mouvement social inédit, marqué par la dénonciation des "violences policières".
Le 17 novembre 2018, 282.000 personnes selon les autorités, chasuble fluo sur le dos, répondaient à un appel lancé sur Facebook, hors de tout cadre politique ou syndical, et investissaient des centaines de ronds-points, symboles de la France périurbaine au pouvoir d'achat en berne.
Le même jour, à Paris, certains bloquaient une partie des Champs-Élysées. L'avenue est ensuite devenue le lieu de rendez-vous emblématique des samedis de manifestations avant d'être interdite par les autorités après son saccage mi-mars, lors d'un "acte" des "gilets jaunes" qui avait aussi entraîné le limogeage du préfet de police Michel Delpuech.
Ce fut le dernier gros pic de fièvre d'un mouvement déjà marqué en décembre par l'assaut contre l'Arc de Triomphe, dont les images ont fait le tour du monde.
Depuis le printemps, la mobilisation dans la rue n'a cessé de décroître, pour ne plus réunir que quelques milliers de manifestants lors des derniers week-ends.
Ce qui est étonnant, c'est que ça dure encore, pas qu'il y ait moins de monde", estime Priscillia Ludosky, l'une des inspiratrices de la contestation sociale.
"Il y a énormément de personnes qui aujourd'hui n'osent plus manifester de peur de perdre un oeil, une main ou d'être soumis au gaz lacrymogène", juge de son côté François Boulo, avocat et porte-parole des "gilets jaunes" à Rouen.
Les violences policières en ligne de mire
Le lanceur de balles de défense (LBD), devenu le symbole des "violences policières" dénoncées par les "gilets jaunes". Le LDB, que la justice a refusé d'interdire, est accusé d'avoir éborgné 23 manifestants.
Au total, selon les autorités, environ 2.500 manifestants et 1.800 membres des forces de l'ordre ont été blessés, et onze personnes ont trouvé la mort en marge des manifestations.
Politisation ?
Beaucoup espèrent un regain à Paris pour le week-end anniversaire du mouvement le 17 novembre. Mais les événements Facebook, qui ne préjugent pas toujours de l'affluence finale, réunissent pour l'heure moins de 3.000 inscrits.
Dans une vidéo mise en ligne mi-octobre, Éric Drouet, autre figure emblématique du mouvement, a de nouveau appelé à la "convergence" de tous les "métiers", sans succès jusqu'à présent.
Décréter la fin du mouvement sous le seul "critère du nombre" est une erreur selon Laurent Jeanpierre, chercheur au CNRS et auteur de "In Girum, les leçons politiques des ronds-points".
Il y a incontestablement une perte de vitesse si on se réfère aux manifestations de l'an dernier. Mais les effets d'un mouvement dépassent toujours le temps de la mobilisation, explique le sociologue.
Les 17 milliards d'euros d'aides et de baisses d'impôts annoncés par Emmanuel Macron, dont la popularité a retrouvé son niveau d'avant la crise, ont permis de "décrisper" son rapport avec les Français, selon Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop, mais "les leviers de soutien et de mobilisation sont toujours là".
"Lobby citoyen"
Plusieurs initiatives pour structurer le mouvement, aux contours encore flous, sont en préparation avec pour dénominateur commun l'approfondissement de la démocratie directe.
"C'est une tendance lourde qui précédait les gilets jaunes et que le mouvement a accélérée", analyse Laurent Jeanpierre, rappelant "Nuit Debout", les "ZADs" et les mouvements de places en Grèce et en Espagne après la crise financière de 2008.
Priscillia Ludosky travaille à la création dans les prochaines semaines d'un "lobby citoyen", présent dans chaque département, "pour faire réagir les élus locaux et leur faire comprendre que les citoyens ont leur mot à dire".
Auteur du manifeste "La ligne jaune", François Boulo a lancé une plateforme éponyme qui revendique 27.000 inscrits. L'un des premiers objectifs est de mettre sur pied le premier "référendum d'initiative citoyenne" numérique, l'une des revendications phare des "gilets jaunes" mais écartée par Emmanuel Macron.
D'autres, comme Ingrid Levavasseur ou Benjamin Cauchy, seront candidats aux élections municipales, après l'échec des listes "jaunes" aux européennes, sans faire l'unanimité.
Un an après, on ne peut toujours pas dire les gilets jaunes, c'est ça !
Quel que soit son avenir, "le mouvement va laisser une trace dans l'imaginaire, car c'était à la fois inattendu, de grande ampleur, très long et difficile à interpréter", résume la sociologue Camille Bedock.