Les professeurs du collège Simone Veil (ex Las Cazes) de Montpellier demandent dans une lettre ouverte des excuses à Jean-Michel Blanquer après l'"échec" de l'hommage à Samuel Paty, ce lundi. Certains débats sur la laïcité se sont mal passés. Les enseignants dénoncent le manque de préparation.
"Nous ne pouvons taire ni notre souffrance ni notre colère", répète leur courrier. Les professeurs du collège Simone Veil (ex Las Cazes) de Montpellier signent ce mardi 3 novembre cette lettre ouverte au ministrère de l'Education, Jean-Michel Blanquer, pour dénoncer les conditions dans lesquelles se sont passées l'hommage organisé à Samuel Paty, le jour de la rentrée. Dans certaines classes de ce collège classé REP+ (éducation très prioritaire), les débats sur la laïcité et la liberté d'expression organisés avec les élèves ont créé un profond malaise chez les enseignants, qui manquaient de préparation. Ils demandent des excuses au ministère.La lettre ouverte des enseignants du collège Simone Veil au ministre de l'Education Nationale
"Des excuses et du respect"
"On a l'impression d'avoir été au front, la boule au ventre, comme des martyrs de la République". C'est comme cela que Jean*, professeur de français dans ce collège situé dans le quartiers des Cévennes, en périphérie de Montpellier, a vécu le lundi 2 novembre. "Quand on voit les images de l'hommage à la télévision, cette espèce de mise en scène républicaine... Tout le monde se gargarise que tout s'est bien passé, mais c'est d'une hypocrisie totale", dénonce-t-il.Il a aidé à rédiger cette lettre, qu'a signé une soixantaine de collègues. On y lit le désarroi des professeurs, qui ont dû préparer une discussion sur des sujets aussi complexes, en peu de temps, dans le cadre de l'hommage au professeur d'histoire géographie tué dans les Yvelines. C'est le ministre qui est pointé du doigt.
Ces enseignants estiment n'avoir pas été respectés suite à la tragédie du 16 octobre dernier. "On a quand même un collègue qui a été décapité, on nous a laissé seuls digérer ça moralement, et on ne nous laisse pas le temps de préparer une réponse cohérente et commune à toutes les questions que cet évènement soulève", déplore le professeur de français, qui regrette les consignes contradictoires qui ont été données. La rentrée devait à l'origine se dérouler à 10h, le temps pour le personnel enseignant de préparer, pendant deux heures, leurs discours. "Quel mépris pour tout le travail et la réflexion déjà amorcés !" dénonce la lettre ouverte.Nous avons collectivement l’impression de ne pas avoir été à la hauteur. Nous ne pouvions pas l’être. Nous vous en tenons pour responsable.
Pour Jean, deux heures, c'est déjà trop peu face à l'ampleur de la tâche. "Il aurait fallu une demi-journée, au moins pour faire les choses correctement", pense-t-il.
Seule l’humanité de nos chefs d’établissement nous a offert un temps commun réduit. Qui peut penser qu’il suffise à cerner tous les enjeux d’un échange avec nos élèves autour d’un événement tragique, mettant à mal le principe de laïcité ?
Des propos pro-terroriste et islamophobes
Chaque classe a pu avoir une discussion avec son professeur principal, des professeurs d'histoire, de lettres, mais aussi de maths ou de langues. Parfois en duo, parfois seuls. Tous n'étaient pas armés de la même manière pour répondre aux interrogations des élèves. Résultats, certains propos extrêmes, complaisants envers le terroriste ou bien islamophobes, auraient été prononcés dans certaines classes, nous racontent plusieurs enseignants. Des professeurs se sont effondrés, en larmes, dans la salle des profs. "Ça montre bien que depuis les attentats de Charlie Hebdo, en 2015, on n'a rien appris. Il n'y a pas eu de réponse éducative à la hauteur dans les programmes", dénonce Jean.
Les élèves en question auront rendez-vous avec leur conseiller principal d'éducation (CPE). Mais aucune sanction n'est, à ce stade, prévue. Pour les profs, la laïcité n'est pas une notion que l'on assène, mais dont il faut débattre, dans le cadre de la liberté d'expression. "Notre volonté n'est surtout pas de stigmatiser ou de faire de la délation d'élève au rectorat", prévient Jean. Pour lui, il ne s'agit pas de quelques jeunes, mais d'une "faille de la société". Les professeurs, réunis en assemblée générale, prévoient de mettre en place tout au long de l'année des dispositifs pour aborder, à nouveau, ces questions sensibles. Mais ils souhaiteraient que ce soit pris en main par le ministère.
*Son prénom a été changé