En 1975, entre deux chocs pétroliers, le prix des carburants est au cœur des préoccupations. Marges et concurrence des supermarchés… Les inquiétudes n'étaient pas si éloignées de celles de 2023. Des piquets de grève aux incursions en Espagne pour payer moins cher, jettons un coup d'œil dans le rétro.
"L'essence, vous le savez, est devenue rare dans la région." Dans les années 1970 et 1980 déjà, les carburants faisaient la une du journal télévisé. Un jour de 1975, alors que les pompistes sont en grève, une ribambelle d'automobiles bloque la route. Une partie du Languedoc-Roussillon est en panne sèche.
"Ça fait plus de deux heures, expliquait alors une automobiliste philosophe qui attendait adossée à son carrosse. Alors, on patiente, on fait avec le sourire. C'est ce qu'on peut faire." Un autre naufragé de la route ajoutait¹: "Moi, j'ai qu'un souci, c'est les vendanges. Qu'on puisse faire les vendanges tranquilles et faire face à nos obligations. Je vois qu'on est mal parti."
La guerre aux grandes surfaces
Aïe, aïe, aïe ! Que faire sans sa voiture ? Il y a 50 ans, la question se pose déjà. Et les pompistes l’ont bien compris. Alors ils décident d'entrer en résistance et se mettent en grève. L’ennemi numéro un ? Les grandes surfaces. "Moi, je me dis qu’ils n’ont pas tout à fait tort parce que ce n'est pas normal que les supermarchés aient 25 centimes de commission, alors qu'eux, ils en ont neuf. Ça devrait être pour tout le monde pareil."
Ce serait tellement plus simple. Mais non, l'or noir est déjà un sacré filon. Ça, la grande distribution l'a bien compris et fait son beurre avec.
En 1975, dans les stations-service à Montpellier ou ailleurs, l'ambiance devient quelque peu "western". Une nuit, les pompes de neuf magasins montpelliérains pratiquant le discount sont sabotées, nous relate un journaliste stupéfait. Elles ont même "parfois été très gravement endommagées." "On nous a volé les pistolets et les tuyaux ont été sectionnés", explique un pompiste, dans l’incapacité de servir ses clients.
Pendant ce temps-là, la raffinerie de Frontignan est bloquée par des piquets de grève.
Là-bas, on surveille le carburant comme le lait sur le feu. La crise pétrolière de 1973 se profile. Les plus hautes instances de l'État reçoivent les représentants qui ressortent avec la bonne nouvelle. "Cette marge, si elle est ce que nous espérons, c'est-à-dire d'au moins 6 centimes, nous sommes d'accord pour en faire un cadeau aux consommateurs."
230 francs le plein en Espagne
Un cadeau inespéré. Il n'en faut pas plus pour réamorcer la pompe. C'est la course à celui qui paiera le moins cher. Et les plus veinards dans l'histoire, ce sont les Catalans. 20 minutes pour rejoindre la Jonquère en Espagne, ça vaut le déplacement. "Vous y retrouvez, vous gagnez combien par rapport à un plein normal ?, demande le journaliste. 70, 75 francs quand même, répond l’automobiliste moustachu interviewé un jour de janvier 1999. Votre plein, logiquement, c'est combien ? 300 francs. Et si je fais 230 là, j'ai le plein."
À l'autre bout de la région, en Lozère, le problème est d'une tout autre nature. En 1989 et depuis un an déjà, plus une seule station-service, mais les facteurs ont plus d'un tour dans leur sac. "Les facteurs ont eu l'idée de créer une station automatique, fonctionnant à l'aide de cartes de 50 ou 100 francs vendues par La Poste", relate le reporter.
Mais alors combien payait-on les carburants à l'époque ? Dans les années 1990, le département du Languedoc-Roussillon qui affichait les prix les plus élevés, c’était la Lozère : 5,50 francs le litre de sans-plomb et 3,62 francs le litre de gasoil. En comparaison, c’était deux centimes moins cher dans les Pyrénées-Orientales. Rien à voir avec les tarifs appliqués en 2023.