Feuilleton local depuis une dizaine d'années, le "chêne remarquable" de Castelnau-le-Lez, dans l'Hérault, refait parler de lui. L'une de ses branches s'est détachée et est tombée sur un homme handicapé, dimanche 11 août. L'arbre est au cœur d'une vive polémique, son existence serait menacée par la bétonisation accélérée de la ville.
Christian Bedos faisait, comme chaque jour, ses exercices de rééducation dans son jardin. Mais à 11h30, dimanche 11 août, le ciel lui tombe sur la tête. Ou plutôt le chêne qui borde sa maison depuis toujours. "La branche s'est décrochée d'un seul coup et m'est tombée dessus. J'ai été sauvé par les barres parallèles et surélevées que j'utilise pour mes exercices, qui ont retenu la branche avant qu'elle ne touche ma tête" détaille Christian, qui se déplace en fauteuil électrique en raison d'un handicap et ne se meut qu'à la force de ses bras.
"À leur arrivée, les pompiers m'ont tout de suite dit que j'avais eu de la chance" ajoute l'homme de 59 ans, qui s'en sort simplement avec un doigt écorché.
Les pompiers m'ont dit que j'avais eu de la chance : j'ai frôlé la mort !
Christian Bedos
Un arbre symbole d'une opposition entre riverains et municipalité
Cet incident, qui n'est au final pas dramatique pour la victime, aurait pu rester une simple mauvaise expérience à vivre. Mais l'événement ravive un conflit vieux de plusieurs années entre la maire de Castelnau-le-Lez et un collectif d'opposant. À l'origine, un projet de lotissement avec 32 hébergements, autorisé par la mairie et confié à un promoteur en 2014. Problème : la route pour y accéder prévoit d'être construite sur les racines de l'arbre. Le collectif "Non au béton" s'y oppose, arguant que la route fragiliserait grandement l'arbre bicentenaire. En parallèle, la famille Bedos traîne l'affaire en justice jusqu'au Conseil d'État, qui donne raison au projet de la mairie. Le lotissement se fait finalement, sa route en asphalte aussi.
Un risque pointé par l'ONF
Pourtant, un rapport mené par l'Office national des forêts (ONF), paru en 2020, conseillait à la municipalité de construire la route à un autre endroit pour le préserver ; ou, à défaut, de respecter un écart de 3 à 12 mètres en la route et l'arbre. Aucune de ces deux indications n'a été respectée. L'étude indiquait pourtant que : "Si la section racinaire est réalisée à moins de 3,32 mètres par rapport au collet de l’arbre, la limite d’élasticité des racines peut être dépassée et des fissures dans le sol peuvent apparaître. Un basculement de l’arbre immédiat ou à court terme est alors possible".
Un arbre fragilisé ?
Selon Alain Berthet, porte-parole de "Non Au Béton", la chute de la branche survenue dimanche pourrait être un premier incident lié à la bétonisation. "Il est évident que nous ne pouvons rien affirmer avec certitude pour l'instant. Mais nous craignons que ce drame évité de justesse soit la manifestation de tout ce que l'on expliquait depuis plusieurs années, et que le maire de Castelnau a toujours ignoré" explique, circonspect, le porte-parole.
Deuxième défaite pour le collectif en 2023
En 2023, le collectif retente sa chance auprès du tribunal administratif, cette fois pour tenter de faire interdire les travaux de raccordement en eaux et électricité des logements. Plus précisément, la pose d'une dalle en béton à proximité du chêne qui permettrait ce raccordement. Une fois encore, la justice administrative donne raison à la municipalité. Nouvelle défaite pour les opposants, et nouvelle bétonisation de la zone entourant le chêne
"Beaucoup d'énergie pour pas grand-chose"
Christian Bedos
Interrogé, Christian Bedos ne prévoit pas de relancer des recours après cet événement, ni même de déposer quelconques plaintes, celui qui habite Castelnau-le-Lez depuis 56 ans se dit aujourd'hui résigné. "On a trop donné, trop dépensé dans cette affaire. C'est beaucoup d'énergie pour finalement pas grand-chose. La justice ne nous a jamais écoutés" conclut, amer, Christian Bedos, encore ému de la chute de la branche qui aurait pu lui coûter la vie.
Le maire se dédouane de toute responsabilité
Sollicité à propos de la chute de la branche, le maire de Castelnau-le-Lez, Frédéric Lafforgue (Divers Centre), s'est dit soucieux de l'état de la victime, mais défend sa vision : "L'arbre est sur un espace privé, celui de Monsieur Bedos, il lui revient alors de s'assurer de son état et de sa restauration si besoin".
L'arbre va-t-il au moins faire l'objet de surveillance particulière, dès lors qu'il est fragilisé depuis la chute de cette grosse branche ? "Non", répond le maire.